Le Maghreb se trouve aujourd’hui au carrefour d’importants choix énergétiques. Entre le potentiel solaire quasi illimité du Sahara, les ambitions marocaines de diversification énergétique et les immenses réserves de gaz de l’Algérie, la région attire de plus en plus les investisseurs internationaux. Le Maroc, en particulier, mise sur des projets d’envergure dans le solaire, l’éolien et l’hydrogène vert pour s’imposer comme un futur hub énergétique africain et européen. Cette stratégie entre toutefois en collision avec les revendications du Front Polisario, qui s’oppose fermement à toute exploitation des ressources dans les provinces du Sud. Cette rivalité, nourrie depuis des décennies autour du statut du Sahara, rejaillit aujourd’hui sur les initiatives économiques, comme le démontre la récente polémique autour d’un projet français à Dakhla.
Gedia, une entreprise française sous pression
L’entreprise française Gedia, spécialisée dans la gestion énergétique, se retrouve au centre d’une polémique inattendue. Son intention de participer à des projets solaires et éoliens à Dakhla a déclenché une offensive du Front Polisario. Une organisation affiliée au mouvement indépendantiste a adressé des courriers à la société, l’exhortant à renoncer à ses investissements, en invoquant une prétendue « violation du droit international » précise nos confrères de Bladi.
Pour les partisans de ces projets, ces manœuvres visent avant tout à freiner le développement des provinces sahariennes sous administration marocaine. Les autorités de Rabat considèrent au contraire que ces initiatives participent à transformer Dakhla et Laâyoune en pôles économiques modernes, avec des infrastructures de pointe et des zones industrielles destinées à renforcer l’attractivité de la région. L’accord récent de jumelage entre la ville française de Dreux et la commune de Dakhla, signé en présence des dirigeants de Gedia, illustre la volonté du Maroc d’ancrer ces partenariats dans des relations institutionnelles solides.
Des tensions anciennes ravivées
La réaction du Polisario ne surprend pas les observateurs. Ce type d’opposition s’est déjà manifesté par le passé : en 2017, le mouvement avait mobilisé des réseaux d’influence pour obtenir la saisie, en Afrique du Sud, d’un navire transportant du phosphate extrait de la mine de Phosboucraa. La même stratégie se retrouve aujourd’hui contre les projets énergétiques : créer des blocages pour décourager les investisseurs étrangers et limiter l’intégration économique du Sahara aux grands plans de développement marocains.
Pour le Maroc, la réponse se veut diamétralement opposée : ouvrir davantage la région et multiplier les partenariats internationaux. En attirant des entreprises européennes comme Gedia, Rabat entend consolider sa position de leader énergétique au Maghreb et renforcer son influence dans les échanges régionaux. Cette dynamique pourrait aussi indirectement redéfinir les équilibres avec l’Algérie, qui mise sur ses ressources fossiles pour conserver son poids stratégique.
Une bataille énergétique aux implications géopolitiques
Au-delà du cas de Gedia, cet épisode met en lumière la portée géopolitique des projets énergétiques à Dakhla. Chaque investissement étranger devient un symbole : pour Rabat, c’est une reconnaissance implicite de sa souveraineté sur les provinces sahariennes ; pour le Polisario, c’est un nouveau front de contestation à ouvrir. La France, par l’intermédiaire de ses entreprises, se retrouve au centre d’un jeu diplomatique où l’économie et la politique se confondent.
À mesure que le Maroc accélère ses ambitions dans les énergies renouvelables, la pression sur les investisseurs étrangers pourrait s’intensifier. Pour les acteurs économiques, Dakhla représente autant une opportunité qu’un risque : celle d’être partie prenante d’un développement régional rapide, mais aussi de s’exposer aux tensions persistantes autour du Sahara.



