Histoire du Bénin : Des faits glorieux importants, pourtant peu enseignés

(Les écrivains béninois devraient davantage s’intéresser à l’histoire du pays). L’histoire du Bénin est une tapisserie riche et complexe, tissée de faits glorieux qui, hélas, sont souvent relégués aux oubliettes de l’enseignement. À l’ère où le monde moderne nous pousse à regarder uniquement vers l’avenir, il est pourtant crucial de se retourner sur le passé pour comprendre notre identité. Car si les jeunes générations connaissent l’histoire des grands empires occidentaux, peu savent que leur propre sol a été le théâtre d’une résistance farouche, d’une organisation sociale remarquable et d’un courage à toute épreuve. Il est grand temps de réhabiliter ces faits et de rendre justice à ces héros oubliés.

L’histoire précoloniale du Bénin est celle de royaumes puissants, dotés de structures politiques et sociales sophistiquées. Au premier rang, le royaume de Danhomey se dresse comme un symbole d’ingéniosité et de bravoure. Son organisation militaire, notamment avec la célèbre armée d’Amazones, était si redoutable qu’elle a longtemps tenu tête aux velléités impérialistes et a suscité l’admiration des premiers Européens qui l’ont approchée. Ce royaume ne fut pas une entité figée, mais un État dynamique, capable d’étendre son influence et de défendre sa souveraineté avec une détermination farouche.

Mais l’histoire glorieuse du Bénin ne se résume pas au seul royaume de Danhomey. D’autres entités puissantes comme les royaumes de Kétou, Sakété, Parakou, Savè, Allada, Hogbonou, etc… ont également marqué leur temps par leur splendeur, leur culture et leur capacité à s’autogouverner. Ces royaumes étaient des creusets de civilisation, des centres de commerce et des bastions de la culture béninoise, des faits qui devraient être une source de fierté et d’inspiration pour la jeunesse d’aujourd’hui. Malheureusement, ce riche passé est souvent négligé au profit d’un récit historique tronqué, centré sur la période coloniale.

Le devoir de mémoire : les révoltes silencieuses

L’histoire, surtout celle des peuples colonisés, est souvent écrite par les vainqueurs. Comme l’a si bien exprimé le professeur Iba Der Thiam, il y a une « impérieuse nécessité de décoloniser notre Histoire ». Au Bénin, cette décolonisation doit commencer par le récit des révoltes et de la résistance anti-coloniale, souvent passées sous silence ou déformées par les archives de l’époque. Les soulèvements du début du XXe siècle, réprimés dans le sang, sont un exemple poignant. L’un des épisodes les plus tragiques et révélateurs fut la révolte de Sakété en 1905.

Fatiguées des travaux forcés, des corvées et des humiliations, les populations n’hésitaient pas à se soulever. À Sakété, la flamme de la révolte a été allumée le 25 février 1905, lorsqu’un administrateur colonial a ordonné l’interruption d’une cérémonie funéraire traditionnelle. Cet acte, perçu comme un sacrilège et une insulte à la mémoire d’un défunt, a déclenché une émeute. Dans le tumulte, l’administrateur Caït et le douanier Cadeau furent tués. La réponse coloniale fut brutale, un « bain de sang » qui laissa derrière lui de nombreuses victimes autochtones, un détail que la presse française de l’époque a soigneusement omis. Le roi Agbola Djoyé, déchu par le pouvoir colonial, fut contraint de fuir pour se réfugier au Nigéria.

Mais l’histoire de la résistance ne s’arrête pas là. Le roi Adélou Biodjo, qui succéda à Agbola, mena une autre forme de combat. Digne fils du royaume de Sakété, il s’opposa avec ses sujets au recrutement des jeunes pour servir dans l’armée coloniale. Cette résistance pacifique mais ferme lui valut d’être accusé de rébellion par l’administration coloniale. En 1915, il fut déporté à Fort Etienne, en Mauritanie. Depuis cette date, le silence entoure le sort de ce vaillant résistant. Son destin tragique fait écho à celui du roi d’Adja-Ouèrè, Otoutou Biodjo, qui fut également exilé en Mauritanie en 1915 après s’être opposé fermement aux colons. Ces hommes ne furent pas des terroristes comme le prétendait le récit colonial, mais des patriotes qui se sont battus pour la liberté et la dignité de leur peuple.

Écrire l’histoire pour les générations futures

L’histoire de ces rois et de leurs peuples, tout comme celle de nombreux autres résistants à travers le pays, doit être racontée. Il est de la responsabilité des écrivains, des historiens et des institutions culturelles béninoises de se réapproprier ce récit pour en faire le socle de l’identité nationale. Comme l’a souligné le président Macky Sall à propos du Sénégal, la finalité d’une telle démarche est de « servir de base à une refonte des programmes scolaires ». Au lieu d’apprendre par cœur l’histoire d’ailleurs, les élèves béninois devraient connaître les sacrifices de leurs propres ancêtres.

La connaissance de ces faits glorieux est un antidote puissant à la perte de repères. Elle enseigne que l’histoire du Bénin est plus que celle d’un État post-colonial ; c’est le récit d’une civilisation millénaire, d’une résilience inébranlable et d’une fierté qui a survécu à l’oppression. En rendant justice à la mémoire des rois Adélou Biodjo, Otoutou Biodjo et les nombreux autres résistants de par le pays, nous honorons non seulement leur courage, mais nous transmettons aussi aux jeunes une leçon de dignité, d’intégrité et de patriotisme. C’est en regardant dans le rétroviseur que l’on trouve la force de forger un avenir.

Le temps est venu d’ouvrir les archives, d’écouter les récits des anciens et de donner la parole à ceux qui l’ont perdue. Le passé n’est pas un fardeau, mais une boussole qui nous guide. En éclairant ces chapitres oubliés, le Bénin peut redécouvrir sa véritable force et inspirer une nouvelle génération à se lever avec la fierté de ses origines. C’est à nous de garantir que l’histoire de la résistance soit aussi bien connue que celle de la colonisation. C’est notre devoir et notre héritage. (👉 Suivez toute l’actualité béninoise sur notre compte TikTok : @lanouvelletribunebenin ;🔥 « Restez branché à l’actu béninoise sur notre chaîne WhatsApp officielle ! » en cliquant ici : La Nouvelle Tribune sur WhatsApp)

2 réflexions au sujet de “Histoire du Bénin : Des faits glorieux importants, pourtant peu enseignés”

  1. Beau récit. Mais quelle désastre ! Moi j’avoue que je n’ai jamais entendu parler de telles histoires. Il est vraiment temps de décoloniser notre histoire… Mais c’est une double corvée. Il faut non seulement décoloniser l’histoire mais aussi et surtout le présent pour qu’il ne constitue pas après des décennies une autre histoire à encore décoloniser !

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  2. un article très enrichissant. Ce pan de notre histoire ne m’a jamais été enseigné jusqu’en Terminale littéraire.

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