Sénégal : De nouveaux cités dans le scandale des 114 milliards du Sukuk Sogepa

L’affaire du Sukuk Sogepa, emprunt obligataire lancé en 2022 sous le régime de l’ancien président Macky Sall, revient au premier plan. Selon le référé de la Cour des comptes transmis au ministre de la Justice, Ousmane Diagne, plusieurs opérations financières liées à cet emprunt n’ont jamais été justifiées. Le reliquat de 114 milliards de FCFA n’a pas été versé au Trésor public, accentuant la polémique sur la transparence des fonds mobilisés. Une enquête judiciaire est désormais ouverte pour éclairer ces pratiques financières jugées opaques.

Des flux financiers sous haute suspicion

Le rapport de la Cour des comptes, couvrant la période 2019-2024, met en évidence cinq dossiers majeurs, dont celui du Sukuk Sogepa 2022. Ce titre obligataire, d’un montant total de 330 milliards de FCFA, avait pour objectif de monétiser des biens immobiliers publics en transférant temporairement dix immeubles de l’État à la Société de Gestion du Patrimoine Bâti (Sogepa). En échange, l’État devait verser des loyers, garantissant ainsi le remboursement des investisseurs.

Cependant, les vérificateurs révèlent que seuls 133 milliards de FCFA ont été comptabilisés au Trésor public. Un reliquat de 114,4 milliards reste introuvable, utilisé en dehors des règles budgétaires. L’absence de justificatifs nourrit les soupçons de détournements ou de circuits parallèles d’affectation des fonds.

Le journal Libération apporte de nouvelles précisions sur les ramifications de cette affaire. En 2016 déjà, un compte intitulé « État du Sénégal/CMD » avait été ouvert à la Banque of Africa (Boa), adossé à un crédit de 9,3 milliards de FCFA au profit de la société Envol Immobilier. De plus, 14,8 milliards de FCFA avaient été mobilisés pour racheter l’immeuble de Cheikh Seck abritant le Haut Conseil des collectivités territoriales (HCCT), retracés dans des comptes visés par l’enquête. Les révélations ne s’arrêtent pas là : des commissions de 5,6 milliards de FCFA auraient été versées à des intermédiaires après l’émission du Sukuk.

Ces montants, éclatés entre plusieurs circuits financiers, témoignent d’une gestion marquée par un manque de rigueur et par des pratiques opaques. Plusieurs acteurs économiques et politiques estiment que l’audit judiciaire devra permettre de rétablir les responsabilités.

Un scandale inscrit dans une crise de la dette

Ce dossier s’inscrit dans un cadre plus large. Le Sénégal traverse une période difficile sur le plan financier, aggravée par une affaire de dette cachée estimée à 7 milliards de dollars. Sous l’ancien régime, plusieurs engagements hors bilan auraient été contractés, pesant lourdement sur les finances publiques actuelles. La révélation du reliquat non versé du Sukuk Sogepa vient ainsi rappeler la fragilité du système de gestion budgétaire et la nécessité d’un contrôle accru.

Les spécialistes rappellent que la dette obligataire par Sukuk devait initialement permettre d’attirer des financements islamiques, réputés plus stables, tout en valorisant le patrimoine foncier de l’État.

À l’heure où l’exécutif cherche à restaurer la confiance des partenaires financiers et des citoyens, l’affaire du reliquat de 114 milliards de FCFA est devenue un test majeur pour la transparence et la crédibilité des institutions sénégalaises.

Le dossier judiciaire suit son cours, et les auditions des différents acteurs impliqués devraient se poursuivre dans les prochaines semaines.

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