Alimentation et santé oculaire : une étude française établit un lien significatif

Longtemps cantonnée aux lunettes et aux traitements médicamenteux, la santé visuelle s’ouvre désormais à une autre dimension : celle de l’alimentation. À Bordeaux, une vaste étude baptisée Aliénor a exploré pendant près de vingt ans la relation entre les habitudes alimentaires et plusieurs maladies oculaires liées à l’âge, comme la dégénérescence maculaire (DMLA), la cataracte ou encore le glaucome. Cette recherche, dirigée par le professeur Jean-François Korobelnick et la chercheuse Cécile Delcourt, a mobilisé les équipes du CHU de Bordeaux et de l’Inserm U1219. Leurs conclusions, présentées le 9 octobre dernier lors de la Journée mondiale de la vue, confirment que ce que nous mettons dans nos assiettes influence bel et bien la santé de nos yeux.

Avant même cette annonce, plusieurs travaux avaient déjà montré que les personnes adoptant un régime de type méditerranéen — riche en fruits, légumes, huile d’olive, poissons gras et noix — présentaient moins de risques de souffrir de troubles visuels liés à l’âge. Ces habitudes alimentaires, riches en antioxydants, caroténoïdes et acides gras oméga-3, participent à la protection de la rétine contre le stress oxydatif et l’inflammation chronique. À l’inverse, une alimentation pauvre en végétaux ou trop riche en sucres et graisses saturées semble accélérer le vieillissement oculaire. Ces constats, désormais appuyés par les données françaises, renforcent l’idée que la prévention visuelle commence bien avant la consultation chez l’ophtalmologiste.

Vingt ans de recherche pour un constat sans ambiguïté

L’étude Aliénor — nommée ainsi en hommage à Aliénor d’Aquitaine — a suivi des centaines de volontaires âgés de plus de 70 ans vivant à Bordeaux depuis 2006. À travers des analyses détaillées de leur alimentation, de leurs bilans biologiques et de leur santé oculaire, les chercheurs ont pu établir un lien statistiquement significatif entre certaines pratiques alimentaires et la fréquence de ces maladies de la vision. Le résultat est sans équivoque : les individus consommant régulièrement des aliments riches en lutéine, zéaxanthine et oméga-3 avaient un risque plus faible de DMLA avancée.

Mais le mérite de cette recherche ne se limite pas à ses résultats. Par sa durée exceptionnelle et la précision de son suivi, elle offre une photographie unique du vieillissement visuel en Europe. Loin de prôner un modèle alimentaire unique, elle souligne surtout l’importance d’une alimentation équilibrée, variée et naturelle comme pilier de la santé des yeux. Le professeur Korobelnick l’a résumé simplement lors de la présentation des résultats : préserver la vue, c’est aussi préserver son mode de vie.

Une étude qui ouvre de nouvelles perspectives

Ce travail de longue haleine ouvre la voie à une approche préventive plus intégrée de la santé oculaire. Dans un monde où les écrans, la pollution et le vieillissement accentuent les risques de troubles visuels, ces résultats rappellent une évidence trop souvent négligée : la rétine est un tissu vivant, sensible à ce que nous mangeons. Si la médecine a longtemps cherché des traitements curatifs, la recherche française démontre qu’une part de la solution se trouve déjà… dans nos cuisines.

Préserver sa vue ne dépend donc pas uniquement d’une visite annuelle chez l’ophtalmologiste, mais aussi de gestes simples répétés chaque jour. À Bordeaux, la science a confirmé ce que la sagesse méditerranéenne enseigne depuis des siècles : bien voir commence par bien manger.

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