Malgré des sanctions internationales sévères visant à freiner ses ambitions nucléaires et à isoler son économie, la Corée du Nord a développé des méthodes détournées pour accéder à des devises étrangères. Les restrictions, qui limitent ses échanges commerciaux et financiers avec la plupart des pays, n’ont pas suffi à enrayer l’ingéniosité de son appareil étatique. Ainsi le recours au numérique est devenu un levier essentiel, transformant le secteur des nouvelles technologies en une véritable source de revenus pour le régime de Pyongyang.
Des identités factices pour pénétrer les entreprises occidentales
Depuis plusieurs années, des informaticiens nord-coréens, souvent installés en Chine ou en Russie, réussissent à se faire recruter par des sociétés américaines et européennes, parfois même par des géants du Fortune 500. Ces travailleurs agissent à distance et se présentent sous de fausses identités. Selon le FBI, ces activités ont permis de transférer jusqu’à un milliard de dollars au gouvernement de Kim Jong-un.
Leurs méthodes varient : certains usurpent directement des identités existantes, tandis que d’autres les achètent à des citoyens américains. Plus récemment, l’intelligence artificielle est utilisée pour créer des profils crédibles à partir de données réelles, rendant les vérifications d’antécédents plus difficiles. Cette sophistication technologique montre l’adaptation constante de ces réseaux aux dispositifs de sécurité des entreprises occidentales.
Une infiltration difficile à détecter et des conséquences économiques durables
La plupart de ces employés travaillent en télétravail et vivent souvent en petits groupes, quatre ou cinq personnes partageant un logement dans des villes frontalières de Chine ou de Russie. Ce mode opératoire réduit les risques de détection et permet à Pyongyang de contourner les contrôles financiers. Les secteurs les plus visés comprennent l’aérospatiale, les institutions financières et d’autres industries stratégiques.
L’infiltration de ces professionnels dissimulés ne se limite pas à une fraude isolée ; elle représente un canal stable de financement pour un pays soumis à des restrictions économiques massives. Chaque contrat obtenu équivaut à une source de devises qui échappe aux sanctions, prolongeant la résilience économique du régime. En outre, cette stratégie reflète une nouvelle forme de guerre économique : plutôt que d’attaquer des infrastructures, elle vise à siphonner les ressources et à exploiter les vulnérabilités du marché mondial du travail.
L’affaire met en évidence les défis auxquels sont confrontées les entreprises internationales, qui doivent désormais surveiller non seulement les cyberattaques, mais aussi l’origine réelle des profils qu’elles recrutent. Elle soulève également des questions sur la capacité des sanctions à freiner un État prêt à déployer des moyens technologiques sophistiqués pour financer son économie.
Cette réalité démontre que la confrontation entre Pyongyang et les puissances occidentales ne se limite plus aux relations diplomatiques ou militaires : elle se joue aussi dans les coulisses des entreprises et des plateformes numériques, où l’économie mondiale devient un champ de bataille discret mais lucratif.



