Afrique : Quand la politique présente l'image d'une perpétuelle instabilité

Le rêve d’une Afrique politique stable, concentrée sur les défis du développement économique et social, est parfois contrarié par des tensions et des transitions politiques dans certains pays. De l’espoir déçu au Sénégal aux tensions persistantes dans certains pays en passant par les transitions tumultueuses, le continent africain fait face à des situations qui interrogent la stabilité de plusieurs systèmes politiques. La question n’est plus seulement de savoir quand le développement viendra, mais quand une stabilité politique minimale, nécessaire à ce développement, pourra s’installer durablement.

Le Sénégal a longtemps été cité comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, avec des transitions pacifiques. Le changement de leadership récent, incarné par une nouvelle génération de politiciens, avait suscité un immense espoir de rupture avec les anciennes pratiques et d’une accélération des réformes. Cependant, quelques mois après la passation de pouvoir, des signes de friction et de désaccord ont émergé au sein même du nouveau bloc dirigeant, réintroduisant l’idée que les dynamiques personnelles et les luttes de pouvoir internes pourraient rapidement prendre le pas sur les promesses de développement.

Ces embrouilles remettent en question la durabilité des alliances et la capacité des nouvelles élites à maintenir le cap du progrès face aux ambitions individuelles. L’instabilité n’est plus seulement l’apanage des transitions, elle se niche désormais dans les fragilités de la gouvernance post-électorale, menaçant de gaspiller le capital politique fraîchement acquis.

Les cycles de la crise

Dans d’autres pays, l’instabilité prend des formes plus aiguës et souvent plus anciennes. La crise post-électorale et les tensions persistantes au Cameroun, dans les régions anglophones continuent de faire leur lot de malheur. L’incapacité à résoudre des différends politiques profonds par le dialogue et le consensus se traduit par une paralysie partielle de l’action publique et une insécurité chronique, détournant les ressources qui devraient être allouées à l’éducation, à la santé et aux infrastructures. Les institutions, au lieu d’être des arbitres, sont souvent perçues comme des outils au service du maintien au pouvoir.

Bien que la Côte d’Ivoire ait affiché une croissance économique remarquable ces dernières années, les cicatrices des crises précédentes (notamment la crise post-électorale de 2010-2011) restent profondes. Les tensions politiques récurrentes et les désaccords entre les principales figures politiques maintiennent un climat de vigilance et de méfiance qui freine l’épanouissement complet de la démocratie et de la Société civile.

La Guinée est passée par une succession de coups d’État et de transitions militaires, illustrant une faillite institutionnelle chronique. L’attente d’une stabilité politique pour lancer des réformes structurelles est constamment reportée. Chaque transition, censée ramener le calme, engendre de nouvelles incertitudes et des luttes pour le contrôle des vastes ressources naturelles du pays.

En l’absence de consensus réel, les actions peuvent paradoxalement exacerber la crise en poussant les désaccords hors des institutions formelles (parlements, tribunaux), augmentant ainsi l’instabilité de facto.

À quand une petite stabilité pour l’Afrique ?

Beaucoup d’institutions (parlements, tribunaux, médias) peinent à jouer pleinement leur rôle de frein et de contrepoids face au pouvoir exécutif, souvent hypertrophié.Les enjeux de l’alternance sont perçus comme existentiels (gagner ou disparaître) plutôt que comme des transitions démocratiques normales. Dans de nombreux pays, la politique est perçue comme le moyen le plus direct d’accéder aux ressources économiques (foncier, minerais, marchés publics). Cela rend la lutte pour le pouvoir féroce et sans compromis.

Pour briser ce cycle, il est impératif de se concentrer sur le renforcement des institutions plutôt que sur les individus. La stabilité viendra lorsque le dialogue inclusif deviendra la norme, même avec les opposants les plus virulents, la justice et le droit seront les arbitres finaux des contentieux politiques, et non la force, la participation aux affaires publiques ne sera plus une question de vie ou de mort, mais une mission de service public régie par des règles transparentes et acceptées par tous.

L’Afrique est un continent d’une diversité incroyable et riche en potentiel. Mais tant que la politique continuera à s’incarner dans des crises et des instabilités permanentes, la construction de l’avenir et l’atteinte d’une véritable prospérité collective resteront, pour beaucoup, un horizon lointain.

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