À quelques mois des élections générales de 2026, le Bénin est confronté à une avalanche de fausses nouvelles. Entre rumeurs fabriquées, citations inventées et interprétations déformées, la désinformation s’impose comme un instrument de manipulation politique. Une menace réelle pour la démocratie.
Les réseaux sociaux sont devenus le théâtre d’une inquiétante prolifération d’informations non vérifiées. Un message diffusé sur Facebook attribuait à Me Robert Dossou, ancien président de la Cour constitutionnelle, des propos hostiles au projet de création d’un Sénat. Le texte, signé d’un internaute du nom de Hamiss Dramane, affirmait que Me Dossou aurait jugé la réforme « antidémocratique ». Une pure invention. Contacté par Matin Libre TV, l’ancien président de la Cour a démenti catégoriquement :
« Depuis août 2025, je n’ai donné aucune interview. J’ai décliné, ajourné. Je ne dis pas que je ne parlerai pas, mais il y a trop de choses qui s’entrechoquent. » Des propos qui remettent les pendules à l’heure et illustrent la facilité avec laquelle des acteurs isolés manipulent la parole publique à des fins politiques.
Une fabrique de l’intox en pleine effervescence
Ce cas n’est pas isolé. Le 2 novembre, un média en ligne annonçait à tort que le Parlement avait adopté une proposition de révision de la Constitution. Quelques jours auparavant, une publication du militant panafricaniste Kemi Seba affirmait que de jeunes activistes d’un prétendu mouvement « Génération Z Bénin » auraient mis le feu à des bâtiments à Cotonou pour protester contre l’exclusion de l’opposition. Aucune source officielle n’a confirmé ces allégations, et les images accompagnant la publication provenaient d’autres contextes, parfois même d’autres pays. En quelques heures, ces fausses nouvelles ont circulé massivement, alimentant un climat de confusion et de méfiance.
Quand la désinformation déforme la politique
Même les discours publics n’échappent plus à la manipulation. Le 28 octobre, une déclaration des députés du parti Les Démocrates, prononcée à Nobila Hôtel, a été interprétée sur les réseaux sociaux comme une annonce de démission collective de six députés. Pourtant, l’enregistrement intégral de ce jour-là, consulté par La Nouvelle Tribune, montre que les parlementaires évoquaient la nécessité de préserver la paix et la cohésion nationale après l’invalidation de leur duo présidentiel. Leur message appelait à l’unité, non à la rupture. Mais sur la toile, le contexte importe peu : une fois l’information déformée, elle vit sa propre vie.
Le doute comme stratégie de déstabilisation
Ces épisodes traduisent un phénomène plus profond : la désinformation n’a plus seulement pour objectif de tromper, elle vise à semer le doute. En répétant des rumeurs contradictoires, en attribuant des paroles inventées à des personnalités respectées, elle finit par brouiller les repères. Quand tout devient incertain, plus personne n’accorde crédit à rien — ni aux médias, ni aux institutions, ni même aux faits. Ce glissement est dangereux : il affaiblit la démocratie de l’intérieur, en sapant la confiance qui en constitue le socle.
Réhabiliter la vérité, urgence républicaine
Lutter contre les fausses informations ne relève pas d’un simple réflexe moral ; c’est une nécessité politique. Les médias doivent redoubler de rigueur : vérifier, contextualiser, rectifier sans relâche. Les institutions publiques ont, elles aussi, un devoir de transparence et de pédagogie pour couper court aux rumeurs. Et chaque citoyen, à son échelle, doit exercer son esprit critique : lire avant de partager, douter avant de croire.
Car dans une période où tout s’accélère, la vérité ne se décrète pas, elle se construit. Et c’est de cette construction patiente que dépend la solidité du débat démocratique. À l’heure où la désinformation s’invite à quelques mois de la campagne pour les élections générales de 2026, il faut le rappeler : la liberté d’expression n’autorise pas la falsification. La démocratie béninoise ne sera forte que si elle repose sur une vérité partagée.

Assez logique : pas plus crédule qu’un Béninois.
Il avale tout ce qu’on lui dit !