Énergie : le nouveau barrage chinois qui bouscule l’équilibre mondial

La Chine a lancé la construction d’un méga-barrage sur le fleuve Yarlung Tsangpo, au Tibet. Avec une capacité annoncée de 60 gigawatts, ce projet pourrait devenir le plus puissant du monde. Pékin entend renforcer sa sécurité énergétique tout en consolidant son influence régionale. Cette infrastructure soulève toutefois des interrogations sur son impact environnemental et géopolitique, notamment pour les pays en aval.

Un projet hydroélectrique d’une ampleur inédite en Chine

La construction du barrage de Medog, situé dans la région autonome du Tibet, a été approuvée par les autorités chinoises à la fin de l’année 2024. Le chantier, confié au groupe public PowerChina, s’insère dans une vaste stratégie visant à accroître la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national. Ce projet, dont la puissance atteindrait 60 gigawatts, dépasserait de loin celle des plus grands barrages existants. Pékin cherche ainsi à réduire sa dépendance au charbon et à renforcer son statut de première puissance mondiale dans la production d’électricité verte.

Le site choisi, au cœur de l’Himalaya, présente des défis techniques considérables. Le fleuve Yarlung Tsangpo, qui traverse le Tibet avant de devenir le Brahmapoutre en Inde puis de rejoindre le Bangladesh, est un axe vital pour des millions de personnes. Le contrôle de ce cours d’eau confère à la Chine une influence majeure sur ses voisins du Sud. L’Inde craint un déséquilibre dans la répartition des eaux, tandis que le Bangladesh redoute des variations de débit susceptibles d’affecter ses récoltes et sa sécurité alimentaire.

Une puissance comparable au parc nucléaire français

Pour mesurer l’ampleur du projet, la comparaison avec la capacité nucléaire française est éclairante. La France dispose d’environ 61 gigawatts installés, répartis sur une cinquantaine de réacteurs. À lui seul, le barrage de Medog atteindrait une puissance équivalente, ce qui en ferait l’un des ouvrages énergétiques les plus impressionnants jamais entrepris. Si la production d’un barrage dépend des conditions hydrologiques et n’offre pas la stabilité du nucléaire, elle montre néanmoins la volonté de Pékin d’affirmer sa maîtrise technologique et sa capacité à développer des infrastructures de grande envergure.

Les conséquences géopolitiques sont déjà palpables. L’Inde et le Bangladesh redoutent que la Chine puisse, à terme, exercer une pression stratégique grâce à la gestion du débit du fleuve. Ce levier potentiel renforce les tensions entre puissances régionales, déjà marquées par des différends frontaliers persistants. Parallèlement, les organisations environnementales mettent en garde contre les impacts écologiques dans une région au relief fragile, où les écosystèmes himalayens subissent déjà les effets du réchauffement climatique.

Pékin, de son côté, présente ce barrage comme un pilier de sa transition énergétique et un modèle de développement durable. Les autorités affirment que le projet respectera des normes de sécurité strictes et contribuera à la stabilité énergétique de l’Asie. Si sa mise en service complète n’est pas attendue avant plusieurs années, le barrage de Medog symbolise déjà une nouvelle étape dans la quête d’indépendance énergétique de la Chine et dans la redéfinition des équilibres de puissance sur le continent asiatique.

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