Bénin : Après ICC et Cameo Shell, le cas CEA

Depuis quelques jours, la plateforme CEA, très populaire dans certains cercles de jeunes internautes au Bénin, ne répond plus. L’arrêt brutal de ce système de rémunération fondé sur le visionnage de vidéos alimente désormais de vives inquiétudes. Pour beaucoup, l’histoire ressemble à un scénario bien connu dans le pays.

Lancée il y a environ six mois, la plateforme se présentait comme un service de publicité numérique censé offrir des opportunités de revenus en échange du visionnage quotidien de contenus vidéo. Pour accéder au dispositif, les membres devaient déposer une somme initiale, décrite comme une “caution”, avant d’être classés dans des paliers d’activités (P1, P2, P3). Chaque vidéo visionnée donnait droit à une rémunération fixe, censée atteindre plusieurs milliers de francs CFA par mois selon le profil.

Pour crédibiliser son modèle, les promoteurs affirmaient être la branche locale d’une agence de communication américaine créée en 1911, la Campbell Ewald Agency. Ce simple rapprochement nominal suffisait à rassurer les plus sceptiques, qui retrouvaient effectivement sur Internet une entreprise de publicité basée à Détroit, Los Angeles et New York. Aucun lien réel n’existait pourtant entre le groupe américain et l’opération menée au Bénin.

Le cœur du mécanisme : un système pyramidal classique

Derrière l’argumentaire marketing, CEA reposerait en réalité sur un mécanisme central : l’argent versé aux utilisateurs proviendrait de la mise de départ et des cotisations des nouveaux inscrits. Le modèle exigeait aussi le parrainage continu de nouveaux membres pour maintenir les gains annoncés. Comme dans tout système pyramidal, tant que la base s’élargissait, les premiers inscrits percevaient des revenus, renforçant l’illusion de rentabilité.

Mais lorsque l’arrivée de nouveaux souscripteurs ralentit ou que trop d’utilisateurs demandent à retirer leurs fonds, la pyramide se déséquilibre et s’écroule. C’est précisément ce qui semble se produire aujourd’hui : absence de communication, disparition des animateurs, impossibilité d’accéder aux comptes et incertitude totale sur le sort des mises.

Des épargnants inquiets : entre pertes sèches et illusions dissipées

Les montants engagés varient de quelques milliers à plusieurs centaines de milliers de francs CFA. Certains confient avoir déjà rentabilisé leur investissement, tandis que d’autres constatent une perte totale. « Je venais de souscrire avec 10 000 F CFA, mais cela n’a encore rien généré… et voilà que le circuit est bloqué », raconte une jeune étudiante. À l’inverse, un utilisateur comme Jocelyn estime s’être « déjà retrouvé » après avoir misé 100 000 F CFA. Cette diversité de témoignages est typique de ce type de montages : les premiers adhérents deviennent souvent la vitrine d’un système qui finit toujours par limiter les retraits avant de disparaître.

Un schéma qui rappelle Cameo Shell et l’affaire ICC Services

La crise autour de CEA réactive la mémoire collective. En 2023, la plateforme Cameo Shell avait déjà entraîné la spoliation de milliers de Béninois, pour un préjudice évalué par le parquet à plus de trois milliards de francs CFA. Après plusieurs mois de procédure, la CRIET avait condamné trois personnes pour « complicité d’escroquerie via internet ». Les principaux responsables, notamment des ressortissants chinois, demeurent en fuite.

Encore plus marquant, l’affaire ICC Services, souvent qualifiée de “Madoff béninois”, avait éclaté en 2010. Basée elle aussi sur un système de Ponzi, elle avait laissé près de 300 000 victimes et un déficit estimé à plus de 200 milliards de francs CFA. Le procès de plusieurs dirigeants a duré près d’une décennie. Entre ICC Services, Cameo Shell et désormais CEA, le point commun est limpide : dans chaque cas, c’est la logique pyramidale qui finit par céder, entraînant la perte des derniers entrants.

Une nouvelle affaire en gestation ?

Il est encore trop tôt pour établir les responsabilités dans l’effondrement soudain de CEA. Mais les signaux sont déjà nombreux : absence d’explications, canaux de communication désertés, influenceurs silencieux, bénéficiaires introuvables. Cette situation pourrait annoncer une nouvelle affaire d’arnaque numérique de grande ampleur, alors que les autorités béninoises renforcent depuis plusieurs années leur arsenal contre les infractions financières en ligne. Pour l’heure, des milliers d’utilisateurs restent dans l’expectative, redoutant d’avoir, une fois de plus, été les maillons d’une chaîne dont le sommet s’est évaporé.

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