CPI : Mame Mandiaye Niang, le magistrat sénégalais qui défie Trump

Le magistrat Mame Mandiaye Niang, figure centrale de la Cour pénale internationale, fait face à des pressions inhabituelles depuis que Washington a décidé de sanctionner plusieurs responsables de la juridiction. Le procureur adjoint, aujourd’hui chargé d’assurer l’intérim à la tête du bureau du procureur, se retrouve au cœur d’un bras de fer diplomatique tout en poursuivant ses missions judiciaires.

CPI, Afrique et enquêtes internationales : un héritage compliqué pour la juridiction

Depuis sa création, la Cour pénale internationale peine à engager des procédures impliquant des ressortissants occidentaux. Plusieurs observateurs relèvent que les stratégies d’enquête se sont longtemps concentrées sur des responsables africains, en raison d’un accès plus direct aux terrains concernés et d’une coopération étatique plus avancée. Cette dynamique a nourri des critiques récurrentes. Les dossiers ouverts aujourd’hui en Amérique latine, en Asie, en Europe ou encore en Ukraine modifient progressivement ce paysage et préparent le terrain aux débats actuels sur les mandats d’arrêt visant des personnalités de premier plan. C’est dans cette réalité judiciaire particulière que s’inscrit le travail mené par Mame Mandiaye Niang, confronté aux répercussions politiques des décisions de la cour.

Sanctions américaines et stratégie judiciaire : Niang face au président Trump et aux dossiers Israël–Gaza

Dans un entretien à l’AFP, il relate comment les mesures décidées par l’administration du président Donald Trump bouleversent son quotidien de procureur adjoint. Son accès aux services bancaires est limité, sa carte de crédit neutralisée, et les transferts d’argent vers ses proches devenus risqués. Cette situation l’oblige, par exemple, à renoncer à recharger sa voiture hybride, faute de pouvoir activer son abonnement. Pour lui, assimiler des magistrats à des organisations criminelles revient à nier le rôle de la CPI en matière de justice internationale.

Les sanctions américaines interviennent alors que la cour a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant dans le cadre de la guerre à Gaza. Pour Mame Mandiaye Niang, une procédure par contumace pourrait être envisagée, dans la mesure où la CPI l’a déjà expérimentée dans l’affaire visant le chef rebelle ougandais Joseph Kony. Ce type d’audience permet de conserver des preuves essentielles et de permettre aux victimes de s’exprimer, même en l’absence du suspect, sous réserve de l’accord des juges.

Le procureur assure également l’intérim à la tête du bureau après le départ temporaire de Karim Khan, visé par une enquête interne. Il constate que cette situation a détérioré le climat de travail et qu’elle a alimenté des tensions autour de certains dossiers, dont celui concernant la Palestine.

Malgré les difficultés, Mame Mandiaye Niang rappelle que la cour continue d’obtenir des résultats : arrestation de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte, condamnation d’un chef de milice soudanais, ou extension géographique des enquêtes. Selon lui, la nécessité de juger les crimes de masse reste intacte.

La CPI traverse une période tendue où les enjeux judiciaires se mêlent aux rivalités politiques. Au milieu de ces affrontements, le magistrat sénégalais poursuit sa mission, déterminé à maintenir l’institution en action malgré les obstacles qui s’accumulent.

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