Darfour : Ali Kushayb condamné à 20 ans de prison à la CPI

La Cour pénale internationale vient de tourner une page majeure dans la quête de justice pour les victimes du Darfour. Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman, connu sous le nom d’Ali Kushayb, ancien chef des milices Janjawid, a été condamné ce lundi 9 décembre 2025 à vingt ans d’emprisonnement par la Chambre de première instance I siégeant à La Haye.

Cette sentence sanctionne des actes d’une extrême gravité perpétrés entre août 2003 et avril 2004 dans plusieurs localités du Darfour occidental, notamment Kodoum, Bindisi, Mukjar et Deleig. Pour fixer cette peine, les magistrats ont évalué la nature des crimes, le degré d’implication de l’accusé, son intention délibérée ainsi que les souffrances infligées aux populations civiles. Certains facteurs atténuants ont également été pris en compte.

Crimes contre l’humanité au Soudan : 27 chefs d’accusation retenus

Le verdict de culpabilité prononcé le 6 octobre 2025 avait établi la responsabilité pénale d’Ali Kushayb pour l’ensemble des 27 chefs d’accusation. Ces charges comprenaient des meurtres, des viols systématiques, des actes de torture, des pillages et la destruction de villages entiers. Les forces qu’il commandait ont également procédé à des déplacements forcés de populations et commis des persécutions fondées sur des critères ethniques, politiques et de genre.

Durant le conflit qui opposait le gouvernement soudanais d’Omar el-Béchir à plusieurs mouvements rebelles, les milices Janjawid ont mené une campagne de terreur contre les communautés civiles du Darfour. Ali Kushayb, figure de proue de ces groupes armés progouvernementaux, orchestrait des attaques qui ont semé la désolation dans la région. La politique de la terre brûlée appliquée par ses hommes a laissé derrière elle des villages rasés et des milliers de familles brisées.

Première condamnation de la CPI pour le Darfour après 20 ans de procédure

Cette décision représente un aboutissement sans précédent pour la juridiction internationale. Il s’agit en effet du premier verdict de culpabilité dans le dossier du Darfour, déféré à la Cour par le Conseil de sécurité des Nations unies en 2005. Les juges ont par ailleurs reconnu pour la première fois des persécutions liées au genre, établissant un précédent juridique notable.

Le parcours judiciaire d’Ali Kushayb témoigne de la lenteur mais aussi de la persévérance de la justice internationale. Un premier mandat d’arrêt avait été émis contre lui dès 2007, mais il a échappé aux autorités pendant plus d’une décennie. Réfugié en République centrafricaine début 2020, il s’est finalement rendu volontairement en juin de la même année. La durée de sa détention provisoire sera déduite de sa peine.

Son procès, ouvert en avril 2022, a mobilisé 74 témoins. La défense a contesté l’identité même de l’accusé tout au long des audiences, arguant d’une erreur d’identification. Les magistrats ont rejeté cet argument.

Le 6 novembre dernier, les avocats d’Ali Kushayb ont déposé un appel contre sa condamnation. La peine maximale prévue par le Statut de Rome s’élève à trente ans de réclusion, voire la perpétuité dans les cas d’extrême gravité. Les organisations de défense des droits humains appellent désormais à l’exécution des autres mandats d’arrêt liés au Darfour, notamment celui visant l’ancien président Omar el-Béchir.

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