Port-Soudan — Un accident aérien a endeuillé les forces armées soudanaises mardi, alors qu’un appareil de transport militaire Ilyushin Il-76 s’est écrasé lors d’une tentative d’atterrissage à la base aérienne d’Osman Digna, située dans la ville côtière de Port-Soudan, sur les rives de la mer Rouge. L’ensemble de l’équipage a péri dans l’accident, selon deux responsables militaires qui se sont exprimés sous couvert d’anonymat auprès de l’Agence France-Presse.
L’appareil cargo aurait subi une défaillance technique durant la phase d’approche, provoquant une perte soudaine d’altitude suivie d’une explosion au sol. Les autorités soudanaises n’ont pas communiqué le nombre exact de victimes à bord de cet avion d’origine soviétique, largement utilisé pour le transport de matériel et de personnel militaire. L’armée soudanaise n’a publié aucun communiqué officiel concernant cette tragédie.
Parmi les victimes identifiées figure le pilote militaire Omran Mirghani, dont le décès a été confirmé par son oncle, le journaliste soudanais Osman Mirghani, via les réseaux sociaux. Les médias locaux ont également rapporté la mort d’Amir Bakri Muhammad Al-Hassan, considéré comme un pionnier de la navigation aérienne au Soudan, ainsi que du lieutenant technique Tarik Al-Toum Abdullah Yacoub.
Port-Soudan sous pression militaire malgré son statut de bastion de l’armée
Cet accident survient alors que la base d’Osman Digna constitue un point névralgique pour les opérations logistiques des forces armées soudanaises, dirigées par le général Abdel Fattah al-Burhan. Port-Soudan demeure l’un des derniers bastions stables de l’armée face à l’avancée des Forces de soutien rapide (FSR), menées par le général Mohamed Hamdan Dagalo, surnommé « Hemetti ».
La ville avait déjà été la cible d’attaques en mai dernier, lorsque des frappes de drones avaient touché plusieurs sites à travers Port-Soudan, dont l’aérodrome militaire. Le crash de mardi s’ajoute à une série de revers militaires subis par l’armée dans les régions centrales du pays.
Depuis avril 2023, le Soudan est déchiré par une guerre civile opposant l’armée régulière aux FSR, un groupe paramilitaire issu des milices Janjaouid du Darfour. Ce conflit, né d’une lutte de pouvoir entre les deux généraux qui avaient conjointement renversé le gouvernement civil en 2021, s’est rapidement transformé en un affrontement meurtrier aux dimensions ethniques et territoriales. Les rivalités portent notamment sur le contrôle des ressources économiques, des routes commerciales et des infrastructures stratégiques du pays.
Les FSR ont progressivement étendu leur emprise sur de vastes territoires. Fin octobre 2025, ils ont conquis El Fasher, la dernière ville du Darfour encore tenue par l’armée après 18 mois de siège, avant de lancer une offensive majeure dans la région du Kordofan. Le 9 décembre, les paramilitaires se sont emparés du champ pétrolifère de Heglig, le plus important du Soudan, forçant les troupes gouvernementales à se retirer pour éviter, selon leurs dires, d’endommager les installations. Les FSR contrôlent désormais environ 90 % de la capitale Khartoum et quatre des cinq capitales du Darfour.
Le Soudan confronté à la pire catastrophe humanitaire mondiale
Les bilans humains de cette guerre demeurent catastrophiques. L’Organisation des Nations Unies a recensé au moins 269 morts civils depuis le 25 octobre dans la seule région du Kordofan, victimes de bombardements, de tirs d’artillerie et d’exécutions sommaires. Le 4 décembre, une frappe de drone attribuée aux FSR a détruit une école maternelle et un hôpital à Kalogi, tuant 114 personnes dont 63 enfants, selon l’Organisation mondiale de la santé.
Le conflit a provoqué le déplacement de près de 13 millions de personnes depuis son déclenchement, transformant le Soudan en théâtre de la plus grave crise humanitaire au monde d’après les Nations Unies. Quelque 25 millions de Soudanais souffrent de faim aiguë, et la famine a été officiellement confirmée dans dix régions du pays. Les infrastructures sanitaires sont en ruines, avec près de la moitié de la population privée d’accès aux soins médicaux, favorisant la propagation d’épidémies de rougeole, dengue, paludisme et choléra.
Les accidents aériens ne sont pas rares au Soudan, pays dont le bilan en matière de sécurité aérienne est jugé préoccupant. En février dernier, au moins 46 personnes, dont des femmes et des enfants, avaient péri lorsqu’un avion militaire s’était écrasé dans une zone densément peuplée d’Omdurman, la ville jumelle de Khartoum.
La communauté internationale multiplie les appels à un cessez-le-feu. Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a récemment exhorté les belligérants à mettre fin immédiatement aux combats dans le Kordofan, redoutant une répétition des massacres commis à El Fasher. Les États-Unis ont annoncé de nouvelles sanctions contre un réseau de recrutement de mercenaires colombiens travaillant pour les FSR, tout en intensifiant leurs efforts diplomatiques avec l’Égypte et l’Arabie saoudite pour obtenir une trêve. Malgré ces initiatives, aucun progrès tangible n’a été enregistré sur le terrain, où les deux camps continuent de commettre des violations massives des droits humains contre les populations civiles.
