Le sénateur John Kennedy réclame l’exclusion de Pretoria de l’AGOA, le programme commercial phare américain destiné à l’Afrique. Cette offensive parlementaire s’inscrit dans une campagne diplomatique et économique sans précédent menée par Washington contre la première puissance du continent. L’avenir des relations commerciales bilatérales, qui représentent 15,1 milliards de dollars annuels, pourrait être redéfini.
L’Afrique du Sud fait face à une hostilité croissante au sein de l’establishment politique américain. Lors d’une audition de la sous-commission sénatoriale des crédits, le républicain John Kennedy a ouvertement désigné Pretoria comme un adversaire de Washington, reprochant au gouvernement sud-africain ses alliances avec les rivaux stratégiques des États-Unis et ses critiques répétées de la politique américaine.
Une exclusion commerciale envisagée par Washington
L’ambassadeur représentant au Commerce Jamieson Greer s’est montré réceptif à l’idée de retirer l’Afrique du Sud de l’African Growth and Opportunity Act lors d’un éventuel renouvellement du dispositif. Interrogé par Kennedy, il a caractérisé le pays comme « un problème unique » nécessitant potentiellement un traitement distinct du reste du continent africain. Greer a justifié cette position en évoquant les multiples barrières tarifaires et non tarifaires imposées par Pretoria, tout en reconnaissant que l’économie sud-africaine, dotée de bases industrielle et agricole solides, devrait constituer un marché majeur pour les exportations américaines.
Le représentant commercial a révélé que l’Afrique du Sud subit déjà une taxation discriminatoire avec un tarif réciproque de 30%, contre seulement 10% appliqués au reste de l’Afrique subsaharienne. Cette surtaxe, imposée plus tôt cette année, fait suite à l’échec des propositions commerciales soumises par Pretoria, que Washington n’a jamais daigné examiner formellement.
La dégradation des relations bilatérales remonte au retour de Donald Trump à la Maison Blanche en janvier 2025. L’administration américaine a orchestré une série de mesures punitives : suspension totale de l’aide au développement, expulsion de l’ambassadeur sud-africain Ebrahim Rasool avec un préavis de 72 heures, et effacement de toute référence à Pretoria sur le site officiel du G20 dont Washington a pris la présidence. Les griefs américains portent notamment sur la plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice concernant Gaza, ainsi que sur les politiques d’équité foncière jugées discriminatoires envers les fermiers blancs. Un décret controversé autorisant les Afrikaners à demander l’asile politique aux États-Unis a particulièrement exacerbé les tensions, provoquant l’indignation de Pretoria qui y voit une ingérence dans ses affaires intérieures.
Pretoria défend sa politique tarifaire et maintient le dialogue
Les autorités sud-africaines contestent vigoureusement l’analyse américaine servant de base aux sanctions commerciales. Le porte-parole présidentiel Vincent Magwenya a qualifié d’inexacte l’interprétation de Washington concernant la balance commerciale, précisant que le tarif moyen réel appliqué aux importations s’établit à 7,6%. Selon Pretoria, plus de la moitié des marchandises entrent sur le territoire sud-africain sans aucun droit de douane selon le régime de la nation la plus favorisée, proportion atteignant 77% pour les produits américains spécifiquement.
Malgré cette confrontation, le président Cyril Ramaphosa refuse l’escalade et maintient sa volonté de préserver les liens économiques transatlantiques. Les exportations sud-africaines vers les États-Unis ont totalisé 8,2 milliards de dollars en 2024, tandis que les importations américaines représentaient 6,9 milliards. L’imposition de droits de douane majorés menace directement des dizaines de milliers d’emplois dans un pays où le chômage dépasse déjà 30%. Face à cette pression économique, la présidence sud-africaine poursuit néanmoins les négociations en vue d’établir une feuille de route commerciale acceptable pour les deux parties.



