Le continent africain fait face à un paradoxe déroutant. Alors qu’il détient la population la plus jeune du monde, capable d’être le moteur d’une transformation économique sans précédent, il connaît une tendance prononcée de départ de ses jeunes diplômés et talents. Cet exode massif, alimenté par des facteurs socio-économiques complexes et des aspirations non satisfaites, représente non seulement une perte de capital humain critique, mais aussi un sérieux obstacle à l’atteinte des objectifs de développement durable du continent. La volonté de quitter le continent est observable sous plusieurs facettes, allant de la voie légale et académique à l’émigration clandestine, souvent périlleuse. Un phénomène marquant est la recherche de bourses tous azimuts. Des milliers de jeunes africains, souvent parmi les plus brillants, consacrent une énergie considérable à postuler auprès des universités et institutions occidentales, asiatiques ou même d’autres régions du Sud global. L’objectif initial est l’acquisition de connaissances et de diplômes de haut niveau. Cependant, les statistiques montrent que, pour une grande majorité de ces étudiants, le retour au bercail ne se concrétise jamais. Attirés par de meilleures conditions de vie, des salaires compétitifs, et surtout, des infrastructures de recherche et des environnements de travail plus stimulants, ces diplômés choisissent de s’établir définitivement dans leur pays d’accueil. Ce phénomène vide les universités africaines de leurs futurs enseignants-chercheurs et les entreprises de leurs cadres innovants. L’autre face de cette tendance est l’augmentation de l’immigration clandestine, un choix dicté par la désillusion face au manque d’opportunités locales. Ces jeunes, souvent sans qualifications formelles mais pleins d’espoir, entreprennent des voyages extrêmement dangereux à travers le Sahara et la Méditerranée, motivés par l’idée que tout est mieux ailleurs. Ce risque, pris au péril de leur vie, est le témoignage le plus poignant du désespoir et du sentiment d’impasse économique qui règne sur certaines parties du continent.
Les racines du mal
La fuite des cerveaux n’est pas un simple appel de l’Occident, mais avant tout un signal fort des problèmes structurels qui minent le continent africain. Malgré une richesse naturelle considérable, de nombreux pays africains souffrent de plusieurs maux. Les jeunes observent que les vastes ressources du continent (minières, agricoles, énergétiques) ne se traduisent pas par un investissement conséquent dans l’éducation, la santé ou la création d’emplois de qualité. Ce manque de perspective crée un sentiment d’injustice et d’impuissance. Le marché du travail africain peine à absorber le flux constant de diplômés. Pire, le système éducatif est souvent décrié pour son inadéquation avec les besoins réels de l’économie. Les jeunes se retrouvent avec des diplômes qui ne garantissent pas un emploi rémunérateur et stable, ou qui ne leur permettent pas de mettre en pratique leurs compétences. La frustration est d’autant plus grande que les salaires proposés dans la fonction publique ou le secteur privé local sont souvent dérisoires par rapport aux standards internationaux.
Les crises politiques récurrentes, l’instabilité, les conflits internes et, dans certaines régions, la menace terroriste, constituent des facteurs de répulsion majeurs. Un environnement instable ne permet ni la planification de carrière, ni l’investissement à long terme, poussant les jeunes à chercher la sécurité et la prévisibilité ailleurs.
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