La mutation énergétique qui se déroule actuellement en Chine n’a rien d’un ajustement technique. Ce qui se joue dépasse l’image d’un pays qui empile des panneaux solaires ou érige des champs d’éoliennes à perte de vue. Pékin est en train de franchir une étape que même les grandes puissances technologiques n’ont pas encore abordée avec autant d’ampleur : faire de l’électricité issue des énergies propres le socle direct de son développement industriel et de ses transports. Cette transformation lui permet de sortir du modèle traditionnel des économies dépendantes du pétrole, du gaz et du charbon, et de se propulser dans une catégorie à part : celle du premier « électro-État » mondial rapporte Clean Technica.
Avant d’analyser ce changement, il est utile de rappeler que la rivalité sino-américaine s’est intensifiée autour de la maitrise des technologies clés. Washington accuse Pékin de vouloir dominer les chaînes de valeur stratégiques, tandis que la Chine affirme sécuriser son avenir industriel. Des restrictions sur les semi-conducteurs aux tensions autour de l’intelligence artificielle, les deux puissances s’affrontent sur des terrains variés. Cette compétition donne une tout autre portée à l’avancée chinoise dans l’électrification de son économie, car elle redéfinit l’équilibre des forces et oriente directement le sujet qui nous occupe ici.
Énergies renouvelables Chine industrie propre : un basculement inédit dans un pays de 1,4 milliard d’habitants
Ce que des experts du Financial Times décrivent désormais comme un « État électrochimique » résulte d’un changement brutal dans la nature des capacités énergétiques ajoutées par la Chine. Les données compilées par plusieurs organismes montrent que, sur les quatre premiers mois de 2025, 89 % des nouvelles installations proviennent du solaire et de l’éolien. Les chiffres sont d’une ampleur rarement observée : 105 GW solaires ont été connectés sur la période, un volume qui surpasse de très loin les ajouts thermiques, pourtant encore présents mais relégués à un rôle marginal.
Les centrales à charbon continuent certes d’apparaître dans les statistiques, mais leur fonction réelle est en train de changer. Elles ne servent plus principalement à augmenter la production d’électricité. Leur taux moyen d’utilisation est tombé à 46,4 %, ce qui montre qu’elles sont surtout mobilisées en soutien ponctuel pour stabiliser un réseau qui accueille une quantité massive d’énergies intermittentes. Autrement dit, Pékin construit encore du thermique, mais sans l’installer au cœur de sa croissance électrique.
Cette domination des énergies renouvelables entraîne un phénomène rarement constaté dans une économie de cette taille : une baisse, même légère, des émissions liées à l’électricité sur les premiers mois de 2025. Aucun autre pays industrialisé n’a enregistré une évolution similaire. La Chine parvient ainsi à réduire ses rejets tout en augmentant son activité, ce qui constitue l’un des éléments permettant de comprendre pourquoi certains spécialistes considèrent qu’elle a franchi un seuil énergétique inédit.
Plusieurs observateurs rappellent par ailleurs que l’hydroélectricité complète ce tableau. Une fois intégrée au bilan des ajouts récents, elle porte la part des capacités renouvelables à 91 % depuis le début de l’année. La Chine ne se contente plus d’installer des panneaux solaires : elle assemble un système complet capable d’alimenter des industries de haute intensité énergétique, d’électrifier des régions entières et de soutenir le développement des nouvelles mobilités.
Technologies propres Chine vs USA transition énergétique : un avantage stratégique qui bouscule la hiérarchie mondiale
La dynamique en cours n’a rien d’un simple effort écologique. Elle s’étend au cœur même de l’économie chinoise. Les investissements massifs dans les technologies propres — batteries, réseaux avancés, robotique, intelligence artificielle appliquée à l’énergie — servent un projet précis : faire de l’électricité renouvelable le moteur d’un système productif complet.
Des analystes spécialisés indiquent que la Chine figure déjà parmi les pays les plus avancés dans l’électrification de ses transports et de sa logistique. Les véhicules électriques y connaissent une croissance continue, soutenue par un tissu industriel entièrement local. Les batteries, indispensables à cette transformation, sont produites dans le pays à des niveaux qui dépassent largement ceux des autres puissances industrielles. Il est donc possible que cette capacité donne à Pékin un avantage durable sur les marchés des technologies énergétiques.
Les interventions d’experts devant des institutions américaines soulignent la même tendance : les entreprises chinoises ont pris une place déterminante dans la décarbonation industrielle. Elles développent des solutions pour électrifier la production d’acier, moderniser les chaînes de fabrication et introduire des outils numériques capables d’optimiser la consommation énergétique. L’objectif déclaré est double : préparer le pic d’émissions et structurer les leviers permettant d’atteindre la neutralité carbone.



