La dette des pays d’Afrique subsaharienne inquiète la Banque mondiale

La Banque mondiale alerte sur l’aggravation du fardeau de la dette qui pèse sur les pays les plus vulnérables, en particulier en Afrique subsaharienne, alors que les remboursements explosent et que les financements abordables se raréfient. La région, déjà fragilisée par la faible capacité budgétaire de plusieurs États, subit de plein fouet la hausse du coût de l’emprunt et l’augmentation rapide des intérêts à payer.

La dette publique, souvent contractée pour financer des infrastructures essentielles ou stabiliser les budgets, correspond à l’ensemble des sommes qu’un État doit rembourser à ses créanciers. Elle s’alimente de prêts extérieurs, de financements concessionnels ou d’émissions obligataires internationales. Lorsque les taux augmentent ou que les recettes publiques progressent moins vite que les engagements financiers, le remboursement devient difficile. C’est précisément la situation observée aujourd’hui, ce qui ravive les inquiétudes autour de la soutenabilité des finances publiques en Afrique subsaharienne.

Pressions croissantes liées au service de la dette

Selon les données publiées par la Banque mondiale, les paiements liés à la dette extérieure ont absorbé des montants considérables entre 2022 et 2024. Sur cette période, les pays en développement ont réglé 741 milliards de dollars de plus qu’ils n’ont reçu de nouveaux financements. Cet écart, jamais observé depuis un demi-siècle, illustre l’ampleur du resserrement financier. Parmi les économies les plus durement touchées figurent de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, souvent classés parmi les 78 nations les plus pauvres du globe.

La situation devient d’autant plus préoccupante que le coût des emprunts récents a atteint des niveaux rarement enregistrés depuis plus de vingt ans. Les taux appliqués en 2024 par les créanciers publics et privés se sont situés à leurs plus hauts niveaux respectifs en 24 et 17 ans. Pour les États ayant réussi à retourner sur les marchés obligataires, certaines émissions ont été conclues autour de 10 %, soit près du double des taux pratiqués avant 2020. Cette envolée renchérit mécaniquement le service de la dette et mobilise des ressources publiques déjà limitées.

Au-delà des chiffres, les conséquences humaines apparaissent sévères. Dans les pays où l’endettement extérieur représente plus de 200 % des recettes d’exportation, la Banque mondiale observe que plus de la moitié de la population ne peut plus accéder à une alimentation saine. Cette proportion grimpe à près des deux tiers dans plusieurs pays éligibles à l’IDA, mécanisme destiné aux États les plus pauvres. Pour ces ménages, les restrictions budgétaires se traduisent par un accès réduit aux besoins élémentaires.

Financements Banque mondiale Afrique subsaharienne et niveaux records d’intérêts

L’année 2024 a également été marquée par un montant inédit de 415 milliards de dollars d’intérêts payés par l’ensemble des pays en développement. Cette somme, qui aurait pu servir à élargir l’accès à la scolarisation, améliorer les soins de santé ou renforcer les infrastructures, limite les marges de manœuvre nationales. Plusieurs créanciers bilatéraux ont par ailleurs réduit leur engagement après une série de restructurations ayant effacé jusqu’à 70 % de la dette de certains pays, ce qui a accentué la dépendance de nombreux États aux financements multilatéraux.

Dans ce paysage contraint, la Banque mondiale affirme avoir intensifié son appui. Elle indique avoir accordé en 2024 aux pays éligibles à l’IDA 18,3 milliards de dollars de financements nets supplémentaires, en plus de 7,5 milliards de dollars de dons. Ces montants, qualifiés d’historiques par l’institution, visent à offrir une bouffée d’air aux économies les plus exposées, même si les responsables de la Banque mondiale rappellent que cette aide ne suffit pas à elle seule à enrayer l’escalade de la dette.

L’économiste en chef de l’institution, Indermit Gill, estime que l’amélioration apparente des conditions financières internationales ne doit pas encourager un retour précipité aux marchés d’emprunt. Il appelle les gouvernements à stabiliser leur situation budgétaire avant d’envisager de nouveaux recours à l’endettement. Il est possible que certains États négligent cette prudence, mais l’institution insiste sur la nécessité de restaurer un équilibre financier durable.

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