L’appel lancé par la Russie en faveur d’une coopération entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et la Confédération des États du Sahel (AES) remet au centre du débat une question devenue sensible dans l’espace ouest-africain : la possibilité d’une coordination minimale entre deux ensembles aujourd’hui divisés, mais confrontés aux mêmes menaces sécuritaires. Pour Moscou, l’absence d’échanges structurés entre ces acteurs fragilise la lutte contre l’insécurité, dans une zone où les frontières restent poreuses et les défis communs.
Diplomatie russe et sécurité en Afrique de l’Ouest
La position russe a été exprimée lors d’échanges tenus en marge de la Conférence ministérielle du Forum de partenariat Russie-Afrique organisée au Caire rapporte APANews. À cette occasion, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a rencontré le président de la Commission de la Cédéao, Omar Alieu Touray. Le message transmis se veut direct : face à la persistance des attaques armées, à la circulation des groupes terroristes et à l’instabilité dans les zones frontalières, un minimum de dialogue entre la Cédéao et l’AES apparaît nécessaire.
Selon les autorités russes, la priorité doit être donnée à des échanges pratiques, orientés vers des réponses concrètes aux menaces sécuritaires. Moscou insiste notamment sur l’identification d’actions communes ou complémentaires pour limiter la progression de l’insécurité dans l’espace sahélo-saharien, sans entrer dans des considérations institutionnelles jugées secondaires au regard de l’urgence sécuritaire.
Cette prise de position intervient alors que la Russie renforce sa présence diplomatique et politique en Afrique, en multipliant les contacts avec les organisations régionales et les États. Elle se présente comme un acteur favorable à des solutions concertées entre pays africains, tout en affirmant son soutien à des partenariats bilatéraux fondés sur des intérêts partagés.
AES et Cédéao face à des défis sécuritaires communs
La Confédération des États du Sahel regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Elle est née de la volonté de ces trois pays de coordonner leurs efforts en matière de défense et de sécurité, après une série de ruptures avec les mécanismes régionaux existants. L’AES met en avant la souveraineté des États membres et la priorité donnée à la lutte contre le terrorisme, qu’elle considère comme une menace immédiate pour la stabilité nationale.
En amont de l’actualité récente, ces pays ont annoncé leur retrait de la Cédéao, une décision motivée par des désaccords politiques profonds et par les sanctions imposées après les changements de régime intervenus entre 2020 et 2023. Malgré cette séparation institutionnelle, les réalités géographiques et sécuritaires demeurent inchangées : les groupes armés opèrent à travers plusieurs pays, exploitant l’absence de coordination régionale.
C’est sur ce point précis que la Russie appuie son argumentaire. Pour Moscou, l’existence de deux cadres distincts ne supprime pas l’interdépendance sécuritaire. Les flux de populations, les échanges commerciaux et les mouvements de groupes armés traversent les frontières, rendant illusoire toute réponse strictement nationale ou limitée à un seul bloc.
La Russie entretient par ailleurs des relations étroites avec les pays membres de l’AES, notamment dans le domaine militaire et sécuritaire. Ce rapprochement s’est accéléré après la dénonciation par ces États de plusieurs accords de défense avec la France. Moscou apparaît ainsi comme un partenaire privilégié de l’AES, tout en cherchant à maintenir un canal de dialogue avec la Cédéao.



