Or en Afrique : un pari financier relance les ambitions minières d’un État

Dans plusieurs économies émergentes africaines, l’or occupe depuis longtemps une place particulière. Ressource d’exportation stratégique, il constitue un levier de devises, un amortisseur face aux chocs extérieurs et, dans certains cas, une source directe de financement public. Des pays comme le Ghana, le Mali ou encore le Burkina Faso ont bâti une partie de leur stabilité macroéconomique sur l’exploitation aurifère, malgré des défis persistants en matière de gouvernance et de transformation locale. Ce rôle de soutien économique, souvent discret mais décisif, explique pourquoi l’or continue d’attirer l’attention des États africains en quête de diversification et de recettes durables. C’est dans cette dynamique que s’inscrit le choix récent d’un État de la Corne de l’Afrique d’accélérer le développement d’un projet aurifère longtemps resté à l’état de promesse.

Après des années d’attente et de reports successifs, le projet aurifère de Tulu Kapi a franchi un seuil décisif avec la mobilisation d’un financement global estimé à 340 millions de dollars. Cette enveloppe permet désormais d’envisager le passage à une phase de construction à grande échelle, avec l’ambition affichée de repositionner le pays sur la carte des producteurs d’or du continent.

Un financement structurant pour le secteur minier éthiopien

Le montage financier qui soutient le projet de Tulu Kapi repose sur un équilibre entre dette et fonds propres. Environ 240 millions de dollars ont été mobilisés sous forme de dette à long terme auprès de bailleurs africains spécialisés dans le financement du développement. À cela s’ajoutent près de 100 millions de dollars de fonds propres, apportés par les promoteurs du projet et des partenaires associés. Cette combinaison vise à sécuriser la construction et le démarrage des opérations sans exposer excessivement le projet à des tensions de trésorerie à court terme.

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Le promoteur du projet, KEFI Gold and Copper, dispose ainsi des moyens nécessaires pour engager les travaux industriels après avoir déjà lancé plusieurs chantiers préparatoires. Des infrastructures de base, telles que des logements pour le personnel, des accès routiers et des raccordements électriques, ont été amorcées, signe que le projet a quitté le stade purement administratif.

Pour l’État éthiopien, ce financement marque un tournant. Le gouvernement détient en effet une participation dans le projet et a affiché sa volonté de renforcer son implication dans le capital. Cette présence directe traduit une stratégie assumée : faire du secteur minier un pilier économique capable de compléter les revenus traditionnels issus de l’agriculture et des services. L’or, en particulier, est perçu comme une ressource susceptible d’améliorer les recettes en devises étrangères, un enjeu majeur pour une économie confrontée à des besoins élevés en importations.

Tulu Kapi et la stratégie aurifère de l’Éthiopie

Située à environ 360 kilomètres à l’ouest d’Addis-Abeba, la mine de Tulu Kapi est présentée comme l’une des installations aurifères modernes les plus importantes jamais développées dans le pays. Conçue initialement comme une mine à ciel ouvert, elle dispose également d’un potentiel d’extension souterraine, ce qui pourrait permettre de prolonger sa durée d’exploitation au-delà des premières projections.

Les estimations actuelles font état d’une production annuelle d’environ 164 000 onces d’or au cours des sept premières années d’activité. Si le calendrier est respecté, la production commerciale devrait débuter en 2027. Un tel volume placerait Tulu Kapi parmi les projets aurifères significatifs à l’échelle régionale, même si l’Éthiopie reste encore loin des principaux producteurs africains en termes de tonnage global.

Pour Addis-Abeba, l’enjeu dépasse la seule performance du projet. Après des décennies de sous-investissement dans le secteur minier, les autorités cherchent à moderniser le cadre d’exploitation des ressources naturelles. L’objectif affiché est double : attirer des capitaux étrangers et démontrer la capacité du pays à mener à bien des projets industriels complexes dans un environnement réglementaire jugé plus stable. Tulu Kapi est ainsi perçu comme un projet vitrine, capable de rassurer d’autres investisseurs potentiels intéressés par des ressources minérales encore largement inexploitées.

L’implication directe de l’État dans le projet reflète également une volonté de mieux capter les retombées économiques locales. Emplois, infrastructures et fiscalité sont autant de leviers que les autorités entendent activer pour maximiser l’impact du projet sur l’économie nationale. À terme, l’augmentation des exportations d’or pourrait contribuer à alléger la pression sur la balance des paiements, même si cet effet dépendra des conditions du marché international et de la stabilité opérationnelle du site.

Au-delà des chiffres, le projet de Tulu Kapi symbolise un changement d’approche. Longtemps considéré comme marginal, le secteur minier éthiopien cherche désormais à se structurer autour de projets de taille industrielle, soutenus par des financements conséquents et des partenariats public-privé assumés. Ce pari financier, s’il se concrétise pleinement, pourrait redéfinir la place de l’Éthiopie dans l’industrie aurifère africaine.

La réussite du projet reste toutefois conditionnée à plusieurs facteurs, notamment le respect du calendrier annoncé, la maîtrise des coûts et la capacité à opérer dans un environnement parfois marqué par des contraintes logistiques et sécuritaires. Les autorités comme les promoteurs se montrent prudents, conscients que le passage de la phase de financement à celle de la production constitue souvent l’étape la plus délicate.

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