Retour au pays après des études à l’étranger: Le pari d’une nouvelle génération

Longtemps, le succès pour un jeune diplômé africain se mesurait à la distance qui le séparait de sa terre natale. Aujourd’hui, en cette fin d’année 2025, le paradigme s’est inversé. De Dakar à Nairobi, en passant par Abidjan et Cotonou, une nouvelle vague de talents — ceux qui rentrent et ceux qui choisissent de ne jamais partir — redéfinissent les contours du développement du continent. 

Pendant des décennies, l’image d’Épinal était celle d’une « fuite des cerveaux » massive vers l’Europe ou l’Amérique du Nord. Mais aujourd’hui, les statistiques et les témoignages de terrain racontent une tout autre histoire. Selon des enquêtes récentes, près de 70 % des étudiants africains à l’étranger envisagent désormais un retour au pays après leurs études. Ce mouvement, porté par ceux qu’on appelle les « Repats » (rapatriés), s’accompagne d’un autre phénomène tout aussi puissant : celui de la « Génération Stay » — ces jeunes qui, malgré les difficultés, font le pari conscient de rester pour bâtir.

L’appel du « tout est possible »

Qu’est-ce qui pousse un ingénieur en informatique travaillant à la défense ou un consultant financier à Londres à tout plaquer pour s’installer à Lomé ou Douala ? Pour beaucoup, c’est le sentiment d’atteindre un « plafond de verre » en Occident, couplé à la sensation que l’Afrique est aujourd’hui la dernière grande frontière de l’innovation mondiale.

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« À Paris, j’étais un pion dans une machine immense. À Abidjan, je crée de l’impact tous les jours », confie Marc, 32 ans, fondateur d’une startup en agrotech. Ce sentiment d’utilité est le moteur principal. Là où les marchés européens sont saturés, l’Afrique offre des terres vierges dans la fintech, l’énergie solaire ou la transformation locale des matières premières. En 2025, le retour n’est plus perçu comme un échec, mais comme un investissement stratégique. Si les « Repats » occupent souvent le devant de la scène médiatique avec leurs diplômes prestigieux et leurs réseaux internationaux, ils ne sont que la moitié de l’équation. La véritable colonne vertébrale du continent reste cette jeunesse qui a choisi de ne jamais partir.

Dans certains pays, par exemple, les données de 2025 montrent qu’une majorité de jeunes gardent foi en la direction prise par leur pays, malgré un marché de l’emploi encore tendu. Ces « Stayers » possèdent ce que les revenants mettent parfois des années à acquérir : la connaissance fine du terrain, les codes sociaux et une résilience à toute épreuve. La collaboration entre ces deux profils crée une synergie inédite. Le « Repat » apporte les standards internationaux et le financement ; le « Stayer » apporte le pragmatisme et le réseau local. C’est dans cette fusion que naissent les plus belles réussites entrepreneuriales de la décennie.

Le choc du réel, entre désillusions et persévérance

Toutefois, le tableau n’est pas idyllique. Le retour est souvent un parcours du combattant. Les obstacles sont nombreux : lourdeurs administratives, instabilité énergétique, et parfois, un « choc culturel inversé ». Pour ceux qui ont vécu dix ans à l’étranger, se réadapter à la lenteur de certaines procédures ou aux attentes sociales de la famille élargie peut être brutal. « On nous appelle les « Blancs-Noirs ». On attend de nous que nous apportions des solutions miracles, mais on nous regarde parfois avec méfiance », explique Fatou, qui a ouvert une école de code après son retour du Canada.

De plus, l’accès au financement reste le nerf de la guerre. Si les investissements dans les startups africaines ont explosé ces dernières années, seule une infime minorité de projets accède au capital-risque. La majorité des jeunes entrepreneurs doit encore compter sur la « love money » (l’épargne familiale) ou des micro-crédits aux taux d’intérêt parfois prohibitifs.

Un nouveau modèle de développement

Ce qui se joue en 2025, c’est l’émergence d’une souveraineté intellectuelle. En choisissant de rester ou de revenir, cette jeunesse impose ses propres solutions aux problèmes locaux. Elle n’attend plus l’aide au développement ; elle crée de la valeur.

L’impact économique est déjà visible. Le secteur informel, qui occupe encore la majorité des actifs, commence à se formaliser grâce à des outils numériques conçus par et pour des africains. L’industrie extractive, autrefois purement exportatrice, se transforme peu à peu en industrie manufacturière grâce à des ingénieurs locaux formés aux nouvelles technologies de transition énergétique.

Le mouvement des « Repats » et la résilience des « Stayers » ne sont pas de simples tendances passagères. Ils marquent la fin d’un complexe d’infériorité historique. L’Afrique n’est plus seulement une terre que l’on fuit, c’est une destination que l’on choisit. Pour que ce mouvement devienne une vague irrésistible, les gouvernements devront transformer l’essai en améliorant le climat des affaires et en investissant massivement dans les infrastructures de base. 

2 réflexions au sujet de “Retour au pays après des études à l’étranger: Le pari d’une nouvelle génération”

  1. « À Paris, j’étais … À Abidjan, je crée de l’impact tous les jours »
    « Créer de l’impact » : un parler bien parisien, presque macronien.

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  2. Excellent sujet, très bon article de mon point de vue.

    « plafond de verre » pas au niveau cadre supérieur quadrat. Sur des postes dans les CA oui.
    Avant… ce sont plutôt : la connaissance fine du terrain, les codes sociaux qui sont déterminants, comme il est évoqué lorsque les mêmes effectuent leur repatriation

    « pion dans une machine immense » C’est plutôt ça.
    Il y a dans les pays développés, à qualification égale ceux qui étaient là avant, ceux qui arrivent avec, et tous aussi qualifiés les uns que les autres.

    La véritable colonne vertébrale du continent reste cette jeunesse qui a choisi de ne jamais partir : en phase à 100%. et donc des écoles aux standards internationaux reconnus pour les former

    « Ils marquent la fin d’un complexe d’infériorité historique » Je ne pense pas que le problème ait été un complexe quelconque des diplômés africains. Dans la génération familiale qui m’a précédé, il n’y avait dans une même fratrie que des cadres moyens et supérieurs.

    Je n’ai jamais senti chez eux de complexe d’infériorité. Je pense même que ça « cravatait » un peu trop et exigeait mal et plus des enfants.

    Le problème, c’était leur nombre trop faible à l’échelle d’un pays, quand en plus tu as des putschs qui t’en font fuir plus de la moitié, pour les remplacer par des c… comme des manches, alors là…

    La véritable rupture du Bénin, très perfectible sur les plans politique et économique, ça a été la repatriation massive des jeunes cadres attirés à des postes clé par des conditions très incitatives

    \\\\.///
    (@_@)

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