Lors de son premier mandat à la Maison-Blanche entre 2017 et 2021, Donald Trump avait déjà bousculé les relations transatlantiques. Critiques acerbes contre l’OTAN, accusations de profiter du parapluie militaire américain sans en payer le prix, menaces de droits de douane sur l’acier et l’aluminium européens, retrait de l’accord de Paris sur le climat : le président républicain n’avait cessé de remettre en question le partenariat historique entre Washington et ses alliés du Vieux Continent. Quatre ans plus tard, son retour au pouvoir en janvier 2025 a confirmé les craintes de nombreux dirigeants européens. Les tensions se sont non seulement ravivées, mais amplifiées, au point que certains observateurs s’interrogent désormais sur la nature même de la relation entre les deux rives de l’Atlantique.
Un diplomate européen a récemment décrit les dernières semaines comme un véritable « matraquage politique » orchestré depuis Washington. La publication début décembre d’une stratégie de sécurité nationale américaine a provoqué une onde de choc à Bruxelles et dans les capitales européennes. Ce document de trente-trois pages, résumé par la formule « l’Amérique d’abord », annonce sans ambiguïté la fin d’une époque. Les États-Unis ne souhaitent plus « soutenir l’ordre mondial comme Atlas », peut-on y lire. Plus préoccupant encore, le texte prédit un « effacement civilisationnel » de l’Europe, reprenant des thèmes chers aux mouvements nationalistes : immigration massive, chute de la natalité, perte des identités nationales. Le chancelier allemand Friedrich Merz a répliqué sèchement que la démocratie européenne n’avait pas besoin d’être sauvée par Washington.
Donald Trump et les droits de douane, arme de pression contre Bruxelles
Sur le plan commercial, l’accord conclu en juillet 2025 entre Ursula von der Leyen et le président américain illustre le rapport de force défavorable aux Européens. Fixés à 15 % sur la majorité des exportations européennes, les tarifs douaniers représentent un triplement par rapport à la situation antérieure. Selon un sondage réalisé dans les cinq principales économies de l’Union, plus de la moitié des personnes interrogées considèrent cet arrangement comme une humiliation. L’alternative était pourtant pire : sans accord, Trump menaçait d’imposer des taxes de 30 %. Cette logique du moindre mal résume la position inconfortable des Vingt-Sept face à une administration américaine qui n’hésite pas à brandir la menace économique pour obtenir des concessions.
La marginalisation européenne se manifeste également sur le dossier ukrainien. Les négociations de paix se déroulent désormais entre Washington et Moscou, les capitales européennes étant reléguées au rang de spectateurs. Un épisode révélateur a vu l’avion des négociateurs américains ne jamais atterrir à Bruxelles, le dialogue ayant été transféré en Floride sans consultation préalable. Le quotidien Le Monde décrit des alliés européens « ignorés et humiliés », incapables d’influer sur le sort d’un conflit qui se déroule pourtant sur leur continent.
Elon Musk et l’offensive contre l’Union européenne
L’offensive ne vient pas uniquement de la Maison-Blanche. Elon Musk, conseiller influent du président américain, a multiplié les attaques contre l’Union européenne. Après l’amende de 120 millions d’euros infligée à sa plateforme X pour non-respect de la réglementation numérique européenne, le milliardaire a réclamé l’abolition pure et simple de l’UE, qualifiant Bruxelles de « monstre bureaucratique ». Il est même allé jusqu’à partager un mème comparant l’Union au régime nazi. Au Royaume-Uni, des informations suggèrent qu’il chercherait à déstabiliser le gouvernement de Keir Starmer, accusant le Premier ministre britannique de complicité dans un scandale d’abus sur mineurs.
L’interdiction d’entrée aux États-Unis prononcée contre l’ancien commissaire européen Thierry Breton et quatre autres personnalités engagées dans la régulation numérique constitue le dernier acte de cette confrontation. Le secrétaire d’État Marco Rubio justifie cette mesure par la lutte contre ce qu’il nomme un « complexe industriel mondial de la censure ». Le président Emmanuel Macron a dénoncé des mesures relevant de « l’intimidation et de la coercition ». Thierry Breton lui-même a évoqué un « vent de maccarthysme » soufflant depuis l’autre côté de l’Atlantique.
Face à cette pression multiforme, l’Europe peine à trouver une réponse unie. Certains dirigeants, comme Viktor Orbán en Hongrie, se rapprochent ouvertement de Washington. D’autres appellent à davantage d’autonomie stratégique. Le président du Conseil européen António Costa a rappelé que les alliés n’interfèrent pas dans les processus démocratiques internes. Reste à savoir si cette affirmation de principe suffira à inverser un rapport de force qui, pour l’heure, semble nettement favorable à l’administration Trump.



