Le bras de fer opposant Thierry Breton aux géants technologiques américains franchit un nouveau cap. L’ancien commissaire européen, architecte du Digital Services Act qui impose aux plateformes numériques des obligations strictes de modération, s’est heurté à maintes reprises à Elon Musk sur la question de la régulation. Ces joutes publiques, menées notamment sur X, ont symbolisé l’affrontement entre deux visions antagonistes : celle d’une Europe soucieuse d’encadrer le numérique, face à une Silicon Valley jalouse de son autonomie.
Mardi 23 décembre, Washington franchit une ligne rouge en interdisant l’accès au territoire américain à Breton et quatre autres figures européennes engagées contre la désinformation en ligne. Parmi elles : Anna-Lena von Hodenberg et Josephine Ballon (HateAid, Allemagne), Clare Melford (Global Disinformation Index, Royaume-Uni) et Imran Ahmed (Center for Countering Digital Hate, Royaume-Uni). Le département d’État les accuse d’avoir orchestré des campagnes visant à faire taire des voix américaines sur les réseaux sociaux.
Thierry Breton invoque le maccarthysme face aux accusations américaines
La réaction de l’intéressé ne se fait pas attendre. Sur X, Thierry Breton établit un parallèle cinglant avec une période sombre de l’histoire américaine : « La chasse aux sorcières de McCarthy est-elle de retour ? ». L’ancien commissaire rappelle la légitimité démocratique du DSA, adopté par 90 % d’un Parlement européen élu au suffrage universel et soutenu unanimement par les vingt-sept capitales européennes. Son message adressé aux autorités américaines ne laisse aucune ambiguïté : « La censure n’est pas là où vous le pensez. »
Marco Rubio, secrétaire d’État américain, défend cette décision en affirmant que ces personnalités ont poussé les plateformes numériques basées aux États-Unis à « censurer, démonétiser et supprimer les points de vue américains auxquels elles s’opposent ». Sa sous-secrétaire à la diplomatie publique, Sarah Rogers, désigne nommément Breton comme le « cerveau » du règlement européen, l’accusant avec les quatre autres de « fomenter la censure de la parole américaine ».
La France dénonce une intimidation contre l’autonomie réglementaire européenne
Emmanuel Macron monte au créneau sans tarder. Le président français qualifie ces interdictions d' »intimidation » et de « coercition à l’encontre de la souveraineté numérique européenne ». Dans un message publié sur X, il martèle la détermination de l’Europe à préserver son « autonomie réglementaire » face aux pressions extérieures. Jean-Noël Barrot, chef de la diplomatie française, abonde dans le même sens : l’Europe refuse catégoriquement que d’autres puissances lui dictent les règles régissant son espace numérique.
Cette escalade diplomatique survient à un moment charnière. Les États-Unis reprochent à l’Union européenne d’ériger des barrières réglementaires sous couvert de protection des utilisateurs, tandis que Bruxelles et les capitales européennes y voient l’expression légitime de leur souveraineté législative. L’interdiction de visa transforme un débat technique sur la régulation des plateformes en conflit politique ouvert.



