Le sujet ne fait pas grand bruit ; pourtant, depuis le 19 janvier dernier, le nouvel ‘‘homme fort’’ du Nigéria, en principe, c’est lui : Yemi Osinbajo ! Mais ‘‘en principe’’ seulement. Parce que, dans la réalité, ce qui singularise ce nouvel homme fort, ce sont ses faiblesses…
Mission impossible pour Yemi Osinbajo ?
Le président élu du Nigéria, Muhammadu Buhari, n’est pas en mesure de gouverner, en raison des soucis de santé qui l’ont éloigné du pays depuis le 19 janvier dernier. Mais avant de partir se faire soigner en Angleterre, et bien qu’il n’y était pas contraint, le président élu a pris la précaution de passer le témoin (de plein gré donc) à son vice-président, comme le veut la constitution en de pareille circonstance.
Du coup, Yemi Osinbajo, 60 ans, avocat, ancien professeur de Droit à l’université de Lagos, s’est vu propulsé au-devant de la scène. Comme tout Chef d’Etat par intérim, Yemi Osinbajo représente le Nigéria à l’extérieur, ainsi q0on a pu le constater au cours de l’investiture récente du président de la Gambie. A l’intérieur, il essaie comme il peut d’assumer les charges de président de la république, dans un pays de près de 200 millions d’habitants économiquement dévasté par les soucis de sa monnaie, le Naïra. Et dans le contexte particulier du Nigéria, la tâche du ‘‘Président Yemi Osinbajo’’ est encore plus ardue qu’il n’y paraît et épouse même les contours d’une ‘‘mission impossible’’ pour qui connaît les pesanteurs sociopolitiques du pays.
Des règles non écrites mais très respectées
En vérité, le Nigéria est un pays pratiquement segmenté en deux, avec une partie Nord majoritairement musulmane et une partie Sud dominée par les chrétiens. Une tradition non écrite mais très respectée veut que, quand le président est du nord son vice-président doit être du sud, et vice-versa. Cette règle non écrite exige surtout que, après un président du Sud, son successeur doit être du Nord et vice-versa. C’est cette forme d’alternance nord-sud au sommet de l’Etat qui est censée assurer une certaine stabilité au pays.
Seulement, voilà…les nordistes en ont en travers de la gorge. Et pour cause ? Quand le sudiste Olusegun Obasanjo a été ‘‘contraint’’ de quitter le pouvoir en 2007 (après une manœuvre infructueuse de révision de la constitution pour briguer un troisième mandat), il s’est pourtant battu bec et ongles pour que son dauphin, le nordiste Umaru Yar’Adua prenne le pouvoir. Tradition respectée ! Seulement, après deux années d’exercice, miné par son état de santé et donc incapable de gouverner, le nordiste Yar’Adua s’est retrouvé dans l’obligation de passer le pouvoir à son vice-président, le sudiste Goodluck Jonathan. Par la suite, Yar’Adua est mort, Goodluck a fini le mandat et, au grand dam des nordistes, s’est présenté à la présidentielle de 2011 qu’il a remporté.
La peur chez les nordistes de voir l’histoire se réécrire
Le même cas de figure semble vouloir se reproduire. Et le mystère entretenu actuellement autour de l’état de santé réel de Buhari n’est pas pour arranger les choses. En attendant, les cercles de pouvoir nordistes font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher à Yemi Osinbajo d’avoir une présidence tranquille. Ils (les nordistes) estiment que c’est leur tour de gouverner et craignent de se faire ‘‘voler’’ une nouvelle fois comme dans le cas Yar’Adua. En cas du pire (la mort de Muhammadu Buhari), ils ont déjà écrit ‘‘leur scénario’’ : l’actuel président n’aura la paix que s’il prend l’engagement de ne pas se présenter à la présidentielle de 2019 après la fin de son intérim.
Muhammadu Buhari Malade ; Yemi Osinbajo au pouvoir…sans pouvoir véritable ; la classe politique embourbée dans de petits calculs. Ainsi va la vie chez ce géant d’Afrique au pied d’argile.
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