LE REFUS ONUSIEN DE PROTEGER LE PEUPLE ZIMBABWEEN EST RENVERSANT

Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)

Lors de sa réunion du 29 Avril 2008, le Conseil de Sécurité, à l’exception de la France, du Royaume Uni et des USA, a qualifié d’affaire interne, la situation qui prévaut au Zimbabwé, paralysant ainsi toute initiative salutaire immédiate, et ce, au mépris de certaines décisions relatives aux droits de l’homme qu’il est censé respecter.

En effet, la résolution 688 du 05 Avril 1991, adoptée par le Conseil, reconnaît le droit d’ingérence, tout en faisant comprendre qu’un problème interne de droits de l’homme est une menace contre la paix. Va-t-on nous dire que cette décision prise pour protéger les populations du nord de l’Irak contre la répression de Saddam Hussein est unique en son genre, et qu’elle n’est pas valable pour le peuple Zimbabwéen ? Si c’est le cas, on a le droit souverain de dire que ce n’est pas normal, d’autant que l’ONU a la lourde responsabilité d’assurer la protection universelle des droits de l’homme. De plus, la résolution 43/131 du 08 Décembre 1988 de l’Assemblée Générale de l’ONU sur le nouvel ordre humanitaire mondial, considère comme une atteinte à la dignité, le fait d’abandonner les victimes d’atrocités. S’agit-il là d’une simple rhétorique ? Si c’est le cas, ce n’est pas normal non plus. Il convient d’affirmer sans détour que, la situation au Zimbabwé a atteint une telle ampleur que, la SADEC, l’Union Africaine et notamment l’ONU ne peuvent pas se permettre de ne rien faire. Selon certaines sources, la situation est émaillée d’arrestations, de bastonnades, d’intimidations, et la torture est pratiquée dans une vingtaine de camps. Le Conseil de Sécurité semble avoir oublié le Rwanda, au point de considérer que l’envoi d’un émissaire sur le terrain aux fins d’enquête n’est pas nécessaire, privant ainsi d’assistance les populations en détresse, et rappelant en même temps un passage de la conférence du Président François MITTERAND, tenue à la Sorbonne en 1989 : « le principe de non ingérence s’arrête à l’endroit précis où commence le risque de non assistance ». C’est dommage que cette non assistance soit déjà effective dans le cas d’espèce, le cas zimbabwéen qui est préoccupant. Bien qu’il n’y ait pas de convention relative au droit d’ingérence, un droit axé sur la protection des droits de l’homme, nul n’est autorisé à légitimer l’indifférence vis-à-vis des atteintes à la dignité commises dans certains cas, puisqu’il existe des textes adoptés et mis en œuvre dans des circonstances données visant la protection, lesquels textes, raisonnablement devraient faire jurisprudence. On ne dira jamais assez que la responsabilité de protéger, incombe d’abord et avant tout aux états, ensuite aux organisations régionales, continentales dûment constituées et à l’ONU, en cas de prévarication remarquable au niveau national.

 
C’est parce que le pape Benoît XVI en a pleinement conscience qu’il a tiré la sonnette d’alarme le 18 Avril 2008 au siège des Nations-Unies à New-York. Dans un discours circonstancié à certains égards, et du reste très brillant, il a tenu à affirmer sans équivoque l’importance du droit d’ingérence, en vue de la protection de la dignité commune à tous les êtres humains. Le chef de l’Eglise Catholique romaine n’a pas manqué de mettre en exergue que, les peuples aspirent légitimement à la paix et au développement à travers le respect, la protection et la mise en œuvre des droits de l’homme, sujets soulevés par ses prédécesseurs Jean-Paul II et Paul VI, en des termes non moins éloquents à la même tribune Onusienne. Le souverain pontife s’est exprimé en tant que haute morale et religieuse dont le but n’était pas de moraliser les états membres de l’ONU, mais plutôt de sensibiliser, de toucher le cœur de chaque délégué, pour faire comprendre que l’heure de se comporter autrement face aux crises a sonné. Mais curieusement, le 28 Avril 2008, donc dix jours après cet événement dont l’intérêt n’est pas à sous-estimer, le Conseil de Sécurité de l’ONU a pris le parti de la non assistance aux populations zimbabwéennes, sous prétexte qu’il est question d’une affaire interne, donc relevant selon lui de la compétence du gouvernement. Il importe fondamentalement de dire sans équivoque que ladite compétence couvre en principe le choix d’un  régime politique, l’organisation économique, sociale, administrative, judiciaire et l’orientation de la politique extérieure sans aucune ingérence. Mais, s’agissant des droits de l’homme, l’état a la responsabilité première de les respecter, de les protéger et de les mettre en œuvre, sans toutefois oublier qu’en cas d’incapacité notoire ou d’insouciance caractérisée, la communauté internationale est interdite de silence et d’inaction. Ce qui est effarant, c’est que la légitimité du Conseil de Sécurité est régulièrement entamée depuis quelques années par un blocage à répétition, en raison des intérêts stratégiques et géopolitiques de certains de ses membres. Blocage au sujet du Darfour, blocage pour ce qui est de la Birmanie et du Zimbabwé pour ne citer que ces trois pays, et le comble est que parfois, l’on ne permet même pas une simple déclaration présidentielle visant à condamner. Face à tout cela, bien exaspérant, on est tenté de donner raison au général de Gaulle qui a qualifié l’ONU de « machin ». Il y a de quoi avoir le vertige. La récente décision du Conseil de Sécurité concernant le Zimbabwé, irrite profondément, traduit une complaisance inacceptable, une indifférence inouïe à l’égard des populations en détresse, un silence légendaire sur la violence d’état, un comportement constituant l’antinomie de la sagesse et de la logique la plus élémentaire.

L’ONU a besoin d’être réformée de fond en comble de manière à la libérer du joug des grandes puissances dont le regard est constamment tourné vers la Realpolitik. Tant que la responsabilité de protéger contre les violations inouïes des droits de l’être humain ne sera pas pleinement acceptée, l’épanouissement humain que chacun appelle de ses vœux ne sera qu’un leurre et ce siècle ne sera pas meilleur que le précédent. Dans ce cas, le tribunal de l’histoire condamnera sans appel la génération présente, particulièrement les acteurs actuels de la vie nationale et internationale.

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