Un monsieur apparaît régulièrement à la télévision, avec sa troupe, pour demander au gouvernement la suppression immédiate des nouveaux programmes d’étude. Apparemment, il est syndicaliste et très, très engagé. Je l’ai entendu deux fois avec fougue et conviction. Chaque fois, dans des conditions similaires : un lieu public. Et j’ai entendu aussi, chaque fois, les spectateurs commenter, avec sourire, que ce monsieur était toujours à mobylette, avant de commencer à parler d’autres choses, sans écouter ce qu’il dit.
Evidemment, cette réaction me choque. Si ce protestataire est enseignant comme il en a l’air, il est à son honneur de ne pas paraître une autre personne. J’ai parcouru récemment la grille des salaires et faisant la balance avec le cours de la vie. J’ai découvert que raisonnablement, un instituteur qui n’est ni héritier ni voleur ne peut pas entretenir un moyen de déplacement autre qu’une bicyclette ou une mobylette. Donc, en demeurant sur le plan des apparences, reprocher à ce monsieur de ne pas avoir d’autres moyens qu’une mobylette, c’est précisément lui reprocher de n’être pas voleur ou de n’avoir pas changé de métier.
Or la valeur ne peut pas résider dans le type de véhicule que l’on a. Elle ne devrait non plus résider dans les fausses apparences que l’on affiche. Ni en Afrique, ni ailleurs. Toutes les religions le prônent. Et la morale, une des motivations fondamentales de la fonction enseignante, c’est précisément comment rester en diapason avec la société sans se renier soi-même. Autrement dit, le vol, c’est mal. La prévarication est un fléau social.
Par conséquent, si ce monsieur est effectivement à mobylette et qu’il revendique au nom des enseignants, il est politiquement crédible. Et si être à mobylette est une honte, le seul responsable, c’est la société dans laquelle nous vivons, qui piétine et néglige les travailleurs au détriment des bavards, des mesquins, des voleurs et autres rouleurs de mécanique, un petit réseau de personnes petites qui ne trouvent leur bonheur que dans le mal, que dans la privation des autres, une société esclavagiste.
Mais ma solidarité avec ce monsieur ne s’étend pas sur l’objet de sa revendication. En l’écoutant, j’ai comme l’impression qu’il se trompe de combat. Les nouveaux programmes d’étude, maintenus ou retirés, ne règlent pas le problème de l’enseignement au Bénin. Au contraire, l’expérience que j’en ai simplement en tant que parent d’élève, est fort positive. L’approche par compétence s’universalise dans le sens du bon. Nos enfants ont aujourd’hui des connaissances et des savoir faire incroyables pour peu que nous leur apportons l’amour nécessaire, capable de les mettre en confiance par rapport à eux-mêmes et complétant les efforts des vrais enseignants qui ne méritent que notre admiration et notre soutien. Il n’y a qu’à les comparer à nous-mêmes au même âge, pour s’en rendre compte.
Le vrai problème, le seul, ce sont les conditions de mise en œuvre d’un programme, quel qu’il soit. La vraie interrogation, c’est le sérieux que l’Etat, en tant qu’institution, mais aussi en tant que masse sociale, accorde à l’objectif et à l’objet de l’éducation nationale. C’est la vision des priorités. C’est l’accord entre les théories que l’école véhicule et l’image que nous affichons, jusqu’au plus haut niveau à nos enfants. C’est la capacité des enseignants à accepter leur mission, et même qu’ils sont en mission et que cette mission est la plus sérieuse, la plus noble et la plus honorable de toute la nation.
Le vrai problème, c’est la bâtardise de notre culture nationale sur laquelle il me plait de revenir pendant quelques semaines.
Camille Amouro
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