/food/tevoedjre.jpg » hspace= »6″ alt= » » title= » » border= »0″ style= »float: right; » />La décision de la Cour Constitutionnelle qui annule la création de l’Opm
La Cour Constitutionnelle,
Vu la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la Loi du 31 mai 2001;
Vu le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle; Ensemble les pièces du dossier;
Ouï Monsieur Christophe KOUGNIAZONDE en son rapport ; Après en avoir délibéré,
Considérant que Monsieur Thierry Ifédola MAHUGNON expose: « La Constitution béninoise du Il décembre 1990 a institué un régime présidentiel de séparation des pouvoirs. Dans ce cadre, le Pouvoir Exécutif a à sa tête, le Président de la République qui est également Chef du Gouvernement. La mission qui est assignée au Président de la République est contenue dans l’article 41 alinéa 2 de la Constitution qui dispose: «… Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et du respect de la Constitution, des traités et accords internationaux. . .».
L’article 54 de la Constitution ajoute: «Le Président de la République est le détenteur du pouvoir exécutif.
Il est le Chef du Gouvernement, et à ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation. Il exerce le pouvoir réglementaire. Il dispose de l’Administration et de la Force Armée.
Il est responsable de la Défense Nationale». , Dans la mission ainsi dévolue au Président de la République ou dans l’intégralité des pouvoirs exécutifs qui lui sont attribués, notre Constitution qui institue un régime présidentiel de séparation des pouvoirs ne mentionne nulle part la fonction d’arbitrage comme il en existe dans certaines constitutions étrangères, notamment à l’article 5 de la Constitution française de 1958 qui dispose: «Le Président de la République veille au respect de la Constitution; il assure par son arbitrage le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat … «.
L’article 2 du Décret n° 2006-417 qui dispose que «l’organe présidentiel de Médiation a pour mission d’assister le Président de la République dans le règlement par la médiation des différends et litiges de toute nature soumis à son arbitrage» ajoute une nouvelle mission à celle qui est confiée au Président de la République par l’article 41 alinéa 2 de notre Constitution.
De même, l’article 3 alinéa 2 du décret n° 2006-417 qui énonce que’ ‘le Président de la République peut également confier au médiateur des missions spéciales de rapprochement, de réconciliation et d’arbitrage sur des questions générales concernant les relations avec les forces politiques et sociales ainsi que le fonctionnement harmonieux des Institutions» enlève à la Cour Constitutionnelle, l’exclusivité de l’une de ses attributions essentielles.
En effet, aux termes de l’article 114 de notre Constitution, «la Cour Constitutionnelle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions.
Désormais, la Haute Juridiction (la Cour Constitutionnelle) doit partager cette fonction avec le Président de de la République qui peut à son tour la confier au Médiateur de la République.
Il en résulte, avec la « mission d’arbitrage »(les missions spéciales portant sur le fonctionnement des
institutions », que le décret n° 2006-417 modifie en profondeur les équilibres fondamentaux des
institutions mises sur pied par not;e loi fondamentale, ce qui pourrait même ébranler les fondements de
notre Etat»; qu’il affirme: « …Aux termes du décret n° 2006-417 du 25 août 2006, une véritable
Administration est organisée et des crédits particuliers seront mis à la disposition du médiateur
ordonnateur délégué.
Cette administration, selon l’article 10 du décret sus indiqué, comprend:
– le secrétaire permanent, nommé par décret du Président de la République sur proposition du Médiateur.
– trois rapporteurs spécialisés en sociologie, en économie, en droit et ayant une solide expérience dans le
domaine de l’administration publique. Ils sont tous nommés par décret du Président de la République sur
proposition du Médiateur.
L’article 17 du décret ajoute: «L’organe Présidentiel de Médiation dispose d’un budget alimenté par le budget national et tous autres apports extérieurs. Il jouit d’une autonomie de gestion».
Dans le partage des compétences entre la loi et le règlement, c’est au législateur et non au pouvoir exécutif que la Constitution attribue l’organisation de l’Administration. Son article 98, 13ème tiret dispose à cet effet: «La loi détermine les règles concernant (.. .) l’organisation générale de l’administration». Dans ce domaine, le législateur est seul maître. Il possède une compétence d’attribution.
Selon l’article 17 du décret l’instituant, l’Organe Présidentiel de Médiation n’est pas du tout rattaché au budget de la présidence de la République. Il a un budget autonome. Il en résulte qu’il n’est pas assujetti au contrôle financier des dépenses engagées. Mieux, l’article 9 du décret querellé dispose que le médiateur bénéficie des avantages accordés aux membres du Gouvernement. Une telle disposition ne peut se retrouver que dans le cadre d’une institution de la République. L’organe Présidentiel de Médiation se voit ainsi doté du statut d’une autorité administrative indépendante que seule la loi et non un décret peut conférer » ; qu’il poursuit: « … Les fonctions du Médiateur telles qu’elles sont contenues dans l’article 2 alinéa 2 du décret 2006-417 relèvent essentiellement de la protection des libertés.
Aux termes de l’article 2 du décret, il règle par la médiation, «les différends et litiges nés des rapports entre les personnes physiques et morales, les collectivités territoriales, les Etablissements publics et tout autre organisme investi d’une mission de service public». ; A ce titre, «il reçoit les réclamations des usagers des structures ci-dessus, les examine et préconise des solutions susceptibles d’aider au règlement». De façon concrète, les différends et litiges nés des rapports entre les personnes physiques, c’est-à-dire les particuliers y compris les agents permanents de l’Etat ou les personnes morales et les administrations d’Etat relèvent de la protection de ces personnes physiques ou morales contre les abus de l’administration, puisque le règlement ne pourra porter que sur les actes de l’administration qui font grief à la personne physique ou morale.
Ainsi, pour prendre quelques exemples, une détention arbitraire ou des brutalités policières contre un particulier, un problème d’affectation, de mutation dans une administration, un problème d’avancement dans la fonction publique relèvera du Médiateur de la République.
De même, en présence d’une sanction disciplinaire prise par l’autorité hiérarchique contre un agent, le médiateur pourra connaître du dossier, pourra contrôler si la sanction est justifiée par l’existence d’une faute ou si la gravité de la sanction est en rapport avec la faute. ,
En intervenant dans les différends entre les particuliers et l’administration, le médiateur assure en réalité la protection des personnes physiques et morales contre les abus de l’administration auxquels il essaiera de trouver une solution à l’amiable. Il en résulte que l’Organe Présidentiel de Médiation (OPM) s’analyse comme une véritable institution chargée de «missions d’arbitrage », de « missions spéciales sur le fonctionnement des institutions » et de la protection des libertés publiques, mise en œuvre par une personne investie, non par la Constitution ou une loi, mais par décret du Président de la République » ; qu’il conclut: « Il y a besoin de rappeler que:
1) Pendant le débat constituant sur l’avant-projet de la Constitution, le peuple consulté avait rejeté au cours de la popularisation l’institution du Médiateur parce que portant sur le domaine très sensible des libertés publiques.
2) En 2004, l’ancien Président de la République, le général Mathieu KEREKOU a ‘tenté vainement de se saisir de l’institution du Médiateur pour réviser la Constitution à ses propres fins.
Aussi, le Décret n° 2006-417 apparaît-il comme une révision de la Constitution en ce qu’il attribue une mission nouvelle au Président de la République à savoir la fonction d’arbitrage, mais aussi la fonction de régulation du fonctionnement des institutions qu’il enlève de fait à la Haute Juridiction » ;
Considérant que Monsieur Hugues Lambert de SOUZA, reprenant les mêmes arguments que ceux développés ci-dessus, soutient, quant à lui, que « Ce Décret a créé en réalité un Médiateur de la République que seule la Constitution ou la loi peut créer. .. » ;
Considérant enfin que Monsieur Cyriaque GBENOU expose: « .. .Le 25 août 2006, le Président de la République a créé par Décret 2006-417 l’organe présidentiel de médiation après avoir opéré le retrait du projet de loi portant création du Médiateur de la République qui était en étude à l’Assemblée Nationale. .
L’organe Présidentiel de médiation se substitue dorénavant au Médiateur de la République et devient la nouvelle appellation. . .
Le Médiateur de la République est enfin nommé par décret en conseil des Ministres.
Etant donné que l’action du médiateur porte sur la protection des libertés, il ne peut logiquement être créé que par une loi et non par un décret.
D’ailleurs l’article 98 de notre Constitution en son alinéa 1 er dispose: «Les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques sont du domaine de la loi» ; cela veut dire qu’il appartient au législateur de fixer les limites et d’établir les garanties fondamentales à l’exercice d’une liberté.
Dans le contexte particulier de notre pays ce serait trop dangereux de confier un tel organe chargé de la protection des libertés contre l’administration à l’exécutif sans aucun autre regard ni un quelconque contrôle.
Le médiateur de l’organe présidentiel de médiation est sans aucun contrôle. Il ne prête ni serment, n’a aucune incompatibilité, ni aucune limitation à l’exercice de cette fonction.
On ne sait même pas pour quelle durée il est nommé. L’article 9 du décret dit qu’il bénéficie des avantages accordés aux membres du gouvernement et l’article 17 ajoute qu’il a une autonomie de gestion de son budget. Enfin l’article 23 ajoute qu’il peut faire des propositions en vue de contribuer aux réformes législatives et/ou réglementaires nécessaires. » ;
. Considérant que les requérants demandent en conséquence à la Cour Constitutionnelle de déc1arer contraire à la Constitution le décret querellé;
Considérant que les trois (03) recours portent sur le même objet et tendent aux mêmes fins; qu’il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule et même décision;
Considérant qu’en réponse aux mesures d’instruction de la Cour, le Directeur adjoint de cabinet civil du Président de la République, Monsieur Edouard A. OUIN-OURO, transmet à la Haute Juridiction un mémoire aux tem1es duquel il affirme: « .. .Le fait de retirer la Loi en étude à l’Assemblée Nationale en même temps que le Président prenait le Décret n° 2006-417 du 25 août 2006 n’autorise nullement à conclure que le nouvel organe se substitue dorénavant au Médiateur de la République encore moins qu’il en devient la nouvelle appellation. Il s’agit d’une conclusion trop hâtive qui ne saurait soutenir substantiellement un recours auprès de 1a Cour Constitutionnelle. Au mieux, cela peut être interprété comme une révision à la baisse des ambitions de l’Exécutif. En tout état de cause, il ne peut en être autrement puisque les attributions de l’Organe créé par le Décret ne sont pas les mêmes que celles du Médiateur de la République créé par la Loi…
Les requérants semblent fonder leur recours sur les dispositions pertinentes de l’article 98 de la Constitution qui stipulent que «sont du domaine de la loi, les règles concernant: .. .les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques…».
L’Exécutif voudrait attirer l’attention de la Cour Constitutionnelle sur le fait que le Décret n° 2006-417 du 25 août 2006 n’édicte en aucun cas» des règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques». Il s’agit pour l’OPM comme l’énonce l’article 2 du décret «d’assister le Président de la République dans le règlement par la médiation des différends et litiges de toute nature soumis à son arbitrage, sans préjudice des compétences reconnues aux Institutions et Structures de l’Etat par les lois et règlements». Il peut également, conformément aux dispositions de l’article 3, «participer, à la demande du Président, à toute recherche de conciliation entre l’Administration et les forces sociales et/ou professionnelles ou à des missions spéciales de rapprochement, de réconciliation et d’arbitrage sur des questions concernant les relations avec les forces politiques et sociales ainsi que le fonctionnement harmonieux des institutions de la République… Il peut enfin effectuer des missions particulières relatives aux questions de réconciliation et de paix au niveau régional ou international».
Mieux, l’article 4 du présent décret précise que» échappent à la compétence de l’OPM :
– les différends opposant les personnes physiques ou morales privées entre elles;
– les procédures engagées devant les juridictions; – les conflits nés entre les Administrations publiques et leurs agents, à l’exception de ceux pour lesquels les agents concernés ne sont plus en fonction’ ‘.
Au total, les attributions de l’OPM ne portent pas fondamentalement sur «la protection des libertés» comme le notent les requérants mais visent au contraire à aider la Haute Autorité dans l’exécution de missions de conciliation pour lesquelles elle est quotidiennement sollicitée par nos concitoyens et parfois par nos voisins de la sous région voire au-delà. .. » ;
Considérant que le Décret n° 2006-417 du 25 août 2006 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Organe Présidentiel de Médiation a prévu en son article 3 alinéa 2 : « Le Président de la République peut également confier au Médiateur des missions spéciales de rapprochement, de réconciliation et d’arbitrage sur des questions générales concernant les relations avec les forces politiques et sociales ainsi que le fonctionnement harmonieux des institutions de la République» ; qu’en disposant comme il l’a fait, ledit décret a viole les dispositions des articles 114 et 117 de la Constitution selon lesquelles: «La Cour Constitutionnelle est la plus haute juridiction de l’Etat en matière constitutionnelle… Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. » ,.
« La Cour Constitutionnelle
– Statue obligatoirement sur :…
. les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat… » « que par ailleurs, aux termes des dispositions de l’article 98 de la Constitution: «Sont du domaine de la loi, les règles concernant.. … l’organisation générale de l’administration »,’ qu’il résulte de cette disposition que la création d’une nouvelle administration, en l’occurrence une structure administrative autonome, relève de la compétence exclusive du législateur; que, dans le cas d’espèce, l’article 17 du décret querellé édicte: «L’organe Présidentiel de médiation dispose d’un budget alimenté par le Budget national et par tous autres apports extérieurs.
Il jouit d’une autonomie de gestion. » ; que bien que déclaré’ ‘placé sous l’autorité directe du Chef de l’Etat», cet organe n’en demeure pas moins, dans son organisation, son fonctionnement et ses attributions, une administration autonome; qu’une telle administration ne peut être créée que par une loi; que, dès lors, il échet pour la Haute Juridiction de dire et juger que le Décret n° 2006- 417 du 25 août 2006 portant création, attributions, organisation et – fonctionnement de l’Organe Présidentiel de Médiation est contraire à la Constitution; et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens;
Décide
Article 1er: Le Décret n° 2006-417 du 25 août 2006 portant création, attributions, organisation et fonctionnement de l’Organe Présidentiel de Médiation (OPM) est contraire à la Constitution.
Article 2: La présente décision sera notifiée à Messieurs Thierry Ifedola MAHUGNON, Hugues Lambert de SOUZA, Cyriaque GBENOU, au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Médiateur à la Présidence de la République et publiée au Journal Officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt six mai deux mille huit,
Madame Conceptia D. OUINSOU Président
Messieurs Jacques D. MAYABA Vice-président
Idrissou BOUKARl Membre
Pancrace BRATHIER Membre
Christophe C. KOUGNlAZONDE Membre
Madame Clotilde MEDEGAN NOUGBODE
Membre
Monsieur Lucien SEBO Membre.
Christophe KOUGNIAZONDE
Le Rapporteur Conceptia L. D. OUINSOU
Le Président
Laisser un commentaire