Le président de la Cour constitutionnelle, Robert Dossou, est dans une situation très inconfortable, tant au regard de son appartenance politique que son tempérament personnel. Ainsi, toutes les décisions que la cour rendra notamment , sur des questions à polémique, seront sujettes à toutes sortes d’interprétations, comme cela vient d’être le cas à propos des ordonnances prises par Boni Yayi. D’où la nécessité pour celui-ci de pouvoir marcher comme sur des œufs , pour ne pas tomber dans certaines erreurs.
Le baptême de feu de la nouvelle Cour constitutionnelle apparaît plutôt douloureux ; surtout pour son président. La première décision qu'elle rend après son installation porte sur un sujet de très haute portée politique et divise profondément la classe politique : le blocage des activités parlementaires par les députés de la nouvelle majorité est-il conforme à la constitution ? Le refus du parlement, d' autoriser la ratification d'un accord de prêt relatif à la lutte contre l'érosion côtière est-il fondé ? De ce fait, le chef de l'Etat peut-il prendre des ordonnances pour passer outre ce blocage, que la majorité parlementaire justifie principalement par la non-installation d'une vingtaine de conseils communaux ? La haute juridiction, très attendue sur la question, a fini par trancher en faveur du gouvernement, permettant ainsi au chef de l'Etat de prendre des ordonnances et pouvoir se libérer de l'intransigeance de " l'opposition ", tout en campant sur son refus d'installer les conseils communaux. Dès lors, la polémique qui a suivi la désignation des membres de la Cour et les affinités politiques de certains de ses membres avec le pouvoir refont surface de plus belle. Que cette dernière ait pu faire preuve de bonne foi, qu'elle ait pu trancher à bon droit, sa décision n'aurait jamais pu échapper à des critiques et à des interprétations de nature à lui prêter des intentions ou à l'accuser à tort ou à raison d'avoir joué le jeu du pouvoir. Et c'est pour cela que son président doit éviter d'en rajouter, en faisant preuve de vigilance, de dextérité et d'effort de dépassement pour ne par tomber dans les mêmes travers que son collègue et allié politique, Mathurin Nago, le président de l'Assemblée nationale.
D'abord la première méprise de Robert Dossou est d'avoir rendu visite au chef de l'Etat dans la foulée de la sortie de la décision de la Cour. S'il lui est loisible d'être reçu en audience par le premier magistrat du pays sur des questions d'intérêt national, il est en revanche dangereux de provoquer la susceptibilité d'une certaine opinion en posant des actes qui ne sont pas utiles et opportuns. Les entrées répétées de Mathurin Nago au palais de la République lui valent aujourd'hui d'être traité comme un collaborateur du Boni Yayi, auprès de qui on lui prête l'intention d'aller prendre des instructions chaque fois qu'il est embarrassé par une question au sein de l'hémicycle. Ce serait très dangereux et gravement préjudiciable à la démocratie béninoise , si le président de la Cour constitutionnelle venait à se laisser coller la même étiquette, en emboitant le pas à son collègue-ami. Robert Dossou doit rechercher en lui-même les ressources nécessaires capables de lui permettre de mettre et lui et l'institution qu'il dirige au-dessus de la mêlée et de pouvoir dire non au chef de l'Etat, dans l'intérêt supérieur de la démocratie béninoise. En outre, le président de la haute juridiction doit éviter de se laisser aller à des déclarations de quelque nature que ce soit pour tenter de justifier telle décision ou tel autre comportement de sa part, si ce n'est en cas d'extrême nécessité. L'attitude de neutralité apparente de ses prédécesseurs, et de détachement vis-à-vis du pouvoir a fait ses preuves et porté ses fruits en contribuant à donner à l'institution la respectabilité qu'elle mérite. Il est important de le marteler, lorsqu'on sait que l'homme du barreau qu'est maître Dossou n'a pas sa langue dans sa poche et qu'il adore défendre ses positions.
Alain C.Assogba