Chronique: Pas d’embrouille !

« Je me demande comment et pourquoi la nature met tant d’entêtement, tant d’ardeur et tant d’indifférence biologique à faire que vos fils ressemblent à ce point à leur père… »
Léo Ferré Les ancêtres commencent à profiter des tâtonnements du pouvoir, de ses improvisations peu créatives, de sa méconnaissance des dossiers, de l’amateurisme de ses comportements, en un mot, de la faillite de ses « munitions », pour se positionner comme issue de secours dans la crise actuelle.
Que cela soit clair : il est totalement indécent, égoïste, opportuniste et irresponsable de se réjouir des erreurs du gouvernement. J’irais même jusqu’à dire que si la seule perspective se trouvait derrière, alors, j’opterais pour ce même pouvoir aux attitudes suicidaires. Je voudrais donc prier les anciens d’avoir la sagesse de s’exclure du débat, de ne pas se considérer et se comporter aujourd’hui comme des héros, de se souvenir que le peuple les a envoyés à la retraite parce qu’il les a assez vus, de ne pas nous prendre pour amnésiques. Je voudrais les remercier de leur sollicitude, et leur conseiller de profiter encore, parce qu’il est encore temps, de la retraite paisible que le peuple leur a donnée. C’est vrai, nous sommes dans la merde. Mais qu’on nous laisse nous démerder ! Si vraiment c’est de permanence que nous avons besoin dans la déchéance, qu’ils ne s’inquiètent pas ! On leur fera appel en temps opportun ; on est au courant de leur expérience et de leur savoir faire en la matière.
Pour l’instant, c’est un changement que nous appelons, une véritable rébellion culturelle. Et ce que nous reprochons à ce régime, c’est de ne pas avoir eu le flair et la créativité nécessaires pour nous y conduire, c’est de faire le contraire de ce qu’il prône, c’est-à-dire, de faire exactement comme avant, avec en prime une absence totale d’humilité qu’il exhibe en permanence et en toute impunité, suscitant du même coup la paralysie, l’absence de flair et de créativité dans les médias, au point qu’il urge de se pencher, mais très sérieusement, sur le statut et l’intérêt de la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication.
Sur les dizaines et les dizaines d’anonymes qui se sont battus pour l’élection de Monsieur Boni Yayi, dans mes entourages, j’ai eu l’opportunité, la semaine dernière, d’en rencontrer enfin un qui est resté constant dans son soutien et j’ai constaté que ce soutien demeurait aveugle parce que l’individu avait un problème personnel avec certains anciens et donc, qu’il se situait au même diapason que les nombreux autres qui déchantent avec autant de fougue et d’acharnement que lorsqu’ils battaient campagne. Déjà dans l’entre deux tours de l’élection présidentielle, quand certains partis avaient appelé à voter pour Monsieur Boni Yayi, un conducteur de zem s’était inquiété devant le kiosque à journaux : « ye jolo na embrouillé petit כ wε hun ! »
Je me permets donc de croire que la plupart de mes concitoyens aspirent effectivement et encore à une mutation des valeurs, à une régénération de l’action politique. Il faut comprendre ainsi que ceux qui s’opposent aujourd’hui au gouvernement et qui, comme par hasard, ne se retrouvent pas dans les « partis » traditionnels, considèrent qu’une époque est révolue. Et voilà le paradoxe du régime : c’est de réussir à rassembler contre lui tous ceux qui, de bonne foi, aspirent au changement, tout en prônant ce même changement.
Dans la perspective d’une révision constitutionnelle, il s’avère indispensable de tenir compte de ces aspirations en proposant un mécanisme qui permette de rendre moins catastrophiques les manques d’inspiration de tout futur gouvernement. Ce mécanisme passe par la dépersonnalisation de la politique, laquelle n’est possible sans engagement citoyen et sans démocratie dans les partis. J’ai foi que mon professeur de droit constitutionnel, qui dirige aujourd’hui la cour, trouvera, avec le talent qu’on lui connaît, les moyens de convaincre ses pairs de cette nécessité. En tout cas, voilà ici une de nos exigences pour que la nouvelle constitution emporte notre adhésion. L’autre, incontournable, c’est la justice sociale. Celle-ci passe par une abolition des pratiques esclavagistes que l’on a fini par intégrer dans l’administration, dans certaines entreprises, dans des familles, et qui malheureusement ne choquent plus personne, y compris dans le lot de ceux qui aspirent à la rébellion culturelle.

Camille Amouro

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