Opinion: du débat « Développement - Culture »

Mike Kokou AZILINON  Photo / Archives	 Récurent, passionnel et passionné en fonction des orientations prédéfinies ou des buts visés, le débat développement – culture, aussi complexe soit-il doit être poursuivi. Cela d’autant puisque les différents dispositifs initiés jusqu’ici pour produire un développement conforme aux attentes de l’Homme… {joso}et des hommes se révèle par endroit inefficaces et à d’autre limités. Et que les principaux acteurs au développement, toute tendance confondue, reconnaissent les impacts significatifs de la culture dans le processus de développement et l’intègrent de plus en plus aux différents instruments d’amélioration des conditions de vie des populations.

Cependant, la complexité du débat résulte aussi bien dans l’appréhension du concept culture que dans le choix du processus devant aboutir à sa prise en compte dans la conceptualisation et la matérialisation du développement. Une chose est certaine, plus qu’une question de processus, le lien entre le développement  et la culture dépend en grande partie de l’appréhension du concept culture dans ses fondements premiers au risque de tourner en rond. C’est le cas actuellement où depuis que la culture a été décrétée l’une des conditionnalités de promotion « des peuples sous-développés », nous en avons fait un fonds de commerce en  limitant le concept dans sa caractérisation et à la promotion de certains artifices.
Il n’est pas faux en ce qui concerne l’Afrique par exemple que la promotion de l’art, des danses, des tenues vestimentaires et autres accessoires maternelles comme le vaudoun et la langue pour leurs capacités amélioratrices de la circulation de l’information, d’affirmation des identités africaines, de promotion de la diversité productrice et de la diversification des loisirs sont indispensables pour l’accroissement du produit intérieur brut des Etats africains. Toutefois, nous doutons de l’impact positif durable de la promotion de ces éléments expressifs des cultures africaines pour déclencher les processus efficients de Développement Durable. Développement Durable, dont l’effectivité résulterait a la fois de la maîtrise de notre environnement de vie et de ses réalités et d’un retour à nos sources. Il faut entendre ici le retour aux sources comme le retour à nos substrats culturels et non à un ensemble de comportements ou de pratiques avilissants et antinomiques au bien-être individuel et collectif ou contradictoire aux principes fondamentaux des Droits Humains.
Notre contribution à ce débat se veut une tentative de conceptualisation de  la culture et du développement aux regards des exigences de prospérité partagée et de bien être individuel. Elle se veut également une démonstration succincte de l’indissociabilité du développement et de la culture et un essaie de détermination des exigences cultuelles du développement.

Le développement ?

Les réponses à cette question fluctuent en fonction des préoccupations et des attentes des uns et des autres. Toutefois, de manière générale, le développement est défini comme la combinaison des changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître, cumulativement et durablement son produit intérieur brut. Différent de la croissance économique, c’est donc un processus social et culturel qui rend la croissance sociale et économique irréversibles et confère aux populations un bien-être en réalité relatif.
 A ce titre, le développement suppose la réunion des conditionnalités psychologiques, sociales et culturelles susceptibles de créer la prospérité collective et le bien-être individuel. Il requiert à cet effet trois éléments fondamentaux. Deux évidents que sont l’existence de certaines infrastructures améliorant les conditions de vie des populations ; et une évolution socioculturelle se traduisant par la pérennisation des changements mentaux et comportementaux. Et enfin de compte, un troisième élément non moins important qu’est la culture de la paix, dont les fondements sont à rechercher au niveau de la matérialisation de l’Etat de Droit et des capacités des différents acteurs à promouvoir le consensus.  

Le développement est une aspiration humaine universelle

Le développement demeure le défi majeur de toutes les sociétés et constitue le fondement de la légitimité de l’Etat, du pouvoir d’Etat et  de ses différentes représentations. A cet effet, il exige par exemple des dirigeants africains actuels une vision claire et réaliste fondée sur les potentialités des Etats africains. Aussi cette vision ambitionnerait-elle de sortir le processus de développement des Etats africains de leur dépendance exclusive de la communauté internationale et de leur réduction à une accumulation financière et matérielle accentuant l’exclusion des plus pauvres. Par ailleurs, cette vision serait efficiente en mettant l’homme au cœur de ses préoccupations ou en se révélant une incarnation avérée et matérialisée des principes de  promotion de l’Homme ou des valeurs fondatrices de la démocratie inspirées de la spiritualité universelle, la quintessence de toutes les cultures.

Du débat développement – culture : mythe ou réalité
De ce qui suit, il se révèle que le développement n’est pas qu’une question matérielle, il est, pour ne pas demeurer un mythe, une affaire culturelle, plus exactement cultuelle. Le débat « développement – culture » est avant tout un débat cultuel que l’Afrique refuse d’engager par peur de se voir taxer d’archaïque. Et pourtant, l’histoire des Hommes nous apprend que toute transformation sociale est dépendante de la mise en mouvement du dynamisme évolutionniste inhérent à chaque spiritualité. Plus précisément, l’évolution de toute communauté humaine est tributaire de son niveau d’appropriation de l’amour divin, fondement de toute spiritualité et de toute religion. Amour divin ou spirituel qui est déterminant dans la prise de conscience de la dimension de soi et dans la matérialisation des relations interpersonnelles et collectives.
En vérité, l’histoire des Droits Humains et celle de la démocratie ne sont que l’histoire de la désacralisation des principes spirituels universels partiellement incarnés par la religion chrétienne catholique ; et dans une certaine mesure par les autres religions. Aussi, la démocratie dans ses principes fondamentaux résulterait-elle de l’évolution des principes fondateurs de l’ancien testament et des premières religions, caractérisés par la loi du talion et la barbarie vers les principes du nouveau testament de Jésus Christ, fondé sur l’amour pur ou divin, la culture de la paix et la promotion de l’Homme. Ce qui ne veut pas dire que l’ancien testament comme les anciennes religions sont à mépriser. Ils sont les expressions de la perception humaine de Dieu, et celles de la compréhension des connaissances spirituelles, dont la prise en compte de certaines de leurs principes est indispensable dans la matérialisation efficiente de la démocratie participative.   

Le développement de l’Afrique passe par la mise en mouvement du dynamisme évolutionniste propre à sa spiritualité.
 
Il est indéniable au vu de cette vérité méprisée par les colons, les pères fondateurs des Etats africains et les dirigeants des Etats africains modernes que le développement de l’Afrique passe par une mise en mouvement du dynamisme évolutionniste universel inhérent à ses cultes traditionnels. Mise en mouvement, que nous empêchons avec nos politiquement corrects, décrétés par les autres dont nous nous faisons les chiens de garde à travers la diabolisation systématique de tout ce qui à rapport avec nos cultes traditionnels ; Et que  freinent les dépositaires des savoirs et des connaissances spirituels africains en préservant les apparents répulsifs de nos cultes au nom d’un mysticisme marchand, alors qu’aujourd’hui tout le monde est conscient que la puissance est verbe et que le rituel religieux ou spirituel est accessoire. Cependant, en raison de notre propension à vénérer le formel, l’évolution du rituel est indispensable pour la promotion du verbe et la métamorphose des habitus ou traditions des sociétés.      
En réalité, les solutions à la problématique « Développement – Culture », sont au delà des problèmes de cadre et de confort relatifs, une question d’équilibre physiologico-psychologique que procurent le culte et la nourriture. Deux extraordinaires éléments de vie qui, de tout temps, incitent les hommes aux conflits, au rapprochement, à la convivialité à la fraternité extra culturelle et à la divinité. Deux éléments, de domination violente ou passive, qui, dans notre contexte actuel de découverte de l’autre et de promotion de l’Homme, constituent les aliments qui nourrissent l’autochtone et encensent l’étranger ; deux  éléments qui alimentent le corps et l’esprit, fondent l’acceptation de l’autre, et qui depuis la genèse, engendrent instantanément ou durablement la rencontre des corps, la communion des esprits ainsi que la prise de conscience de soi et de l’autre.

Le développement passe par la prise de conscience de soi et de l’autre.

Prise en compte de conscience de soi de l’autre qui explique la Nation et sacralise le Contrat Social. Prise de conscience qui également, exige la communauté universelle ainsi que ses différentes chartes de protection et de promotion de l’Homme par les tentatives de création des conditionnalités d’un bien-être collectif et individuel. Et qui donne un sens au développement, en tant que production des richesses nourricières du corps et de l’esprit, individu, nation et humanité. En tenant compte de cette finalité qui lui est inhérente, le développement tout en exigeant des sacrifices devrait être un changement qualitatif, quantitatif, réel et pérenne récompensant en temps et en heure l’Homme et la vie. L’Homme et la vie, les raisons d’être du développement, de la nourriture et du culte, donc de la spiritualité.

De l’Homme, de la vie et du développement.

L’homme et la vie, des concepts et des réalités à la fois simples et complexes ou phénoménologies tangibles hors de l’ordre des préceptes humains en raison de cette peur de l’homme à assumer la simplicité de son être et de son existence de même que l’humilité et la relativité exigées par son positionnement social éphémère et illusoire à tous égards. C’est en fait cette peur de s’assumer qui pousse l’homme à verser dans l’incohérence, la négation de soi, le moralisme, le rêve, l’extraordinaire, le mythique, les rites, la magie et le mysticisme. Ou qui pousse l’homme à se penser supérieur, élu de Dieu et des dieux ou surnaturel. Bref c’est cette peur qui pousse l’homme à donner sens à son existence à travers un ensemble de mensonges
Un ensemble de mensonges qui façonne la vie à la limite des connaissances humaines et qui avilit l’homme en le réduisant au matériel. Un ensemble de mensonges qui, sacralisant le matériel, déifie l’argent et fonde la suprématie d’un type de développement stéréotypé de production de richesses consommables et consumables. Un type de développement aux limites de plus en plus avérées pour des hommes de plus en plus insatisfaits dans un monde de plus en plus frustrant et intolérant. Un monde qui valorise le symbole au détriment du fondamental, le paraître au lieu d’être; ou le vouloir vivre au lieu de vivre.
Un ensemble de mensonges qui hypothèque le soi, vendu pour son élévation aux prêtres, aux élites, aux leaders puis aux pasteurs devenus aujourd’hui prophètes ou sauveur du peuple. Un ensemble de mensonges ou de vérités fausses qui nous rendent irresponsables de tout et qui nous autorise à trouver en les autres, sorcier, diable ou opposant, les raisons de nos échecs voire de notre incapacité endémique à produire des résultats ou le développement. Un ensemble de mensonges ou de vérités fausses parce que tronquées, pour des intérêts inavoués des hommes, des religions, de l’Etat, du pouvoir, de la société et qui nous éloignent du type de développement qui nous permettraient de nous accomplir en tant qu’être, corps et esprit, Dieu.   
Un ensemble de mensonges, en réalité inhérent à la vie, dont la valeur, en tant qu’éléments de promotion de développement, se trouve à la lisière du compromis et de la compromission. Compromis et compromission, des considérations socioculturelles dont l’appréhension est indispensable pour la mise en œuvre des catalyseurs du développement que sont : la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance. Lutte contre la corruption et Bonne gouvernance qui matérialisées à l’état brut, sans tenir compte du contexte socioculturel, pourraient se révéler inefficaces voire dangereuses.

Du développement des réalités  culturelles et de la bonne gouvernance

Par conséquent, aussi éthique que soit la lutte contre la corruption, il ne serait pas juste si elle se limite au matraquage et à l’embastillement ou si elle ne prend pas en compte nos réalités, nos cultures ou nos substrats comme dirait l’autre, voire nos culte. Oui, nos cultes qui bien que condamnant à mort le voleur de poulet protègent le voleur de l’Etat, l’enfant du terroir et bienfaiteur inconditionnel faute d’un Etat capable et d’un Développement Humain Durable.
Développement Humain Durable, qui bien que question de vision est très complexe en raison du fait que la Gouvernance, indispensable à sa matérialisation se révèle être une réalité socioculturelle sans technique de réalisation identifiable et identifiée. Mieux, elle  transcende la logique conceptuelle qui fonde ses principes. Par conséquent, par-dessus les principes de la Gouvernance, chaque entité sociopolitique doit s’engager dans une démarche propre, expression de son historicité propre soumis à un ensemble de rapport de force permanente, à équilibrer, et de valeurs ainsi que de normes référentielles connu et compris par tous.  

Des exigences culturelles ou cultuelles du développement.

En réalité, le Développement Durable est avant tout une question de responsabilité individuelle dans le collectif puis collective telle que le dispose la démocratie participative et que nos cultes fondements de nos substrats psychologiques, cantonnés dans un processus d’irresponsabilité permanente, ne permettent pas. Il exige également un ensemble de sacrifices que nos cultes en pane d’évolution et axés sur le magico-sacré, le miracle et l’instantanéité, ne nous autorisent pas.
Loin d’être une simple question de postulats et d’institutions, le développement nécessite un ensemble de conditionnement psychologique que nos cultes, nos habitus, nos cultures, nos approches de la nourriture et nos écoles intègrent plus ou moins en fonction des espaces socioculturels et politico-économiques donnés. Aussi, pour la plupart des experts au développement, est-il opportun que les Etats pauvres suivent l’exemple des pays émergents devenus depuis une dizaine d’années des modèles de  développement?
Oui les pays émergents, où culte rime avec responsabilité, développement personnel et un conditionnement socio-psychologique suffisant pour induire une forme de prospérité étatique et minoritaire, qui malheureusement demeurent loin de notre idéal de développement, nutriment du corps et de l’âme. Développement qui exige une juxtaposition et fusion de concepts et de conceptions dont la relativité spatio-temporelle rend sa matérialisation infinie et infiniment complexe.
Au regard de la complexité de la mission qu’il constitue, et si le développement idéal n’est que l’expression parfaite des connaissances spirituelles universelles ?
.
           Mike Kokou AZILINON         Politologue.{/joso}

Laisser un commentaire