Les grèves perlées des paramédicaux entamées depuis plus d’un mois déjà se poursuivent cette semaine. L’appel de reprise de travail lancé par le gouvernement ce week-end semble tomber dans les oreilles de sourds.
Les paramédicaux du Cnhu, à la faveur d’une assemblée générale d’information tenue au sein de l’hôpital, n’entendent pas baisser les bras tant que la question de prime de risque n’est pas réglée.
« Celui qui va se mettre au travers de notre mouvement sera broyé. Nous poursuivrons la lutte malgré les menaces » a lancé hier le Secrétaire générale du Syndicat des travailleurs du Cnhu, Théophile Dossou à une foule d’agents surexcités. Ils étaient environ une centaine, conviés à l’assemblée générale dite d’information et d’analyse de la situation qui s’est déroulée dans l’enceinte de l’hôpital. Tous en colère contre le gouvernement qui, ne « fait que nous brimer » s’insurge un agent. « Nous sommes scandalisés par l’intervention du ministre de la santé et celui de la fonction publique sur les médias ce week-end, nous invitant à reprendre le travail en annonçant la mise sur pied d’un comité inter paritaire chargé d’étudier nos revendications. Cette décision est un nouvel affrontement du gouvernement à notre égard. Nous radicaliserons le mouvement à partir de ce jour, la grève se poursuivra, cette fois-ci sans service minimum ». Le Sg Syntra-Cnhu, poursuit en dénonçant le fait que le Président de la République Boni Yayi se base sur un seul son de cloche pour prendre ses décisions. A sa suite, le Secrétaire général de l’Union libre des travailleurs du Cnhu, Christophe Agonkouin, fustigera avec la même verve, l’option prise par le Président de la République qui consiste à faire recours à l’hôpital d’instruction des armées pour gérer les patients rejetés par le Cnhu. Il se dit « scandalisé par une telle décision qui laisse croire que la grève actuelle était dirigée contre le peuple ».
Que peut d’ailleurs l’hôpital militaire qui ne dispose que de 20 lits d’hospitalisation contre les 600 du Cnhu et qui ne réalise qu’une trentaine de consultations médicales par jour, alors que le Cnhu va au-delà de 400 ?. « La preuve que cet hôpital ne pourra pas faire grand-chose, est qu’au lendemain de la visite du Chef de l’Etat dans ses locaux, deux cas urgents enregistrés par les médecins militaires ont été rapidement transférés au Cnhu par ces derniers » signale Mr Agonkoui. En tout cas, insiste-t-il, le mouvement se poursuivra jusqu’à la reprise des négociations directes entre l’Intersyndicale des ressources humaines du secteur de la santé et le gouvernement. Ce comité serait composé à 50 % de représentants des centrales syndicales et 50 % de représentants du gouvernement. L’Intersyndicale n’étant pas représentée dans le comité inter paritaire mis sur pied, le Sg Ultra-Cnhu estime que les décisions qui en seraient issues n’engageront en rien les agents paramédicaux. Il précise aussi que la grève actuelle n’est pas dirigée contre les médecins, mais est plutôt du fait du gouvernement qui a mis le feu aux poudres à travers son arrêté à propos des 11 milliards de Fcfa évoqués par le Chef de l’Etat pour couvrir les primes de risques exigées par les paramédicaux. Pour lui, ce ne sont que des chiffres, le montant serait moins élevé si l’on tient compte des dernières propositions faites. Il affirme également que le retard que connaît le dernier salaire des agents conventionnés du Cnhu ne devrait être guère lié à l’actuelle grève qui aurait fait chuter les recettes de l’hôpital, comme le prétendrait la direction générale. « C’est un faux problème et une stratégie pour montrer que nous faisons mal, car l’Etat octroie chaque année une subvention de 1milliard 700 millions de Fcfa, et c’est dans ce montant que les agents locaux sont payés. Qu’on cesse de nous tromper.
Mr Ahlomanto Justin, infirmier d’Etat, Surveillant général du Service médical et d’accueil des urgences ( Smau)
« La prime de risque ne devrait jamais varier d’un agent à un autre »
« Je pense que les gens parlent des risques sans en avoir les notions appropriées. Il y a plusieurs risques, à savoir les risques des malades et les risques du personnel. Parlant du dernier cas, il faut dire que les risques infectieux sont les plus nombreux chez les agents paramédicaux qui sont plus en contact avec les malades que les médecins. Le cas le plus rapide est la coqueluche. Il suffit que le malade tousse une seule fois devant l’agent traitant pour que celui-ci au bout de cinq jours environ développe la même maladie. La tuberculose, le sida et beaucoup d’autres maladies sont également des risques potentiels courus par les paramédicaux à cause des piqûres des seringues qu’ils utilisent pour les malades. Pour le cas spécifique des urgences, le risque est d’autant plus grand que nous sommes toujours sous pression, face à des malades inconscients. Le stress et les angoisses sont alors énormes lorsque nous ne pouvions plus rien faire pour les sauver face à leur état critique. Pour ceux qui sont allergiques ou diabétiques parmi nous, imaginez les conséquences. Parfois aussi , vous vous retrouvez devant des malades tout ensanglantés et vous êtes obligé de les toucher pour les soigner très rapidement car il faut aller vite afin de leur sauver la vie. Mais il y a beaucoup d’autres risques, et moi qui vous parle, on m’appelle souvent vers 3heures du matin chez moi pour des urgences et je suis obligé de vite courir ici pour répondre. Pire, j’ai failli être lynché ici par des parents d’un malade. Autant donc de risques que nous courons. Nous ne demandons pas de gagner le même salaire que les médecins, mais en matière de prime de risque, il ne devrait jamais avoir de discrimination. Même la prime de responsabilité qu’on semble incorporer aux primes de risques pour le cas des médecins est un faux prétexte. Le ministre de la santé manque d’arguments pour justifier la grave erreur qu’il a commise. La prime de risque ne devrait jamais varier d’un agent à un autre, et si cela devrait être le cas, ce sont les agents les plus exposés aux risques qui devraient être les plus avantagés. Le serment d’Hippocrate est là mais c’est le gouvernement qui en est le garant et lorsqu’il n’arrive plus à assumer ses responsabilités, tout est dans le décor.
Dr Hans Ouinsou, médécin chirurgien, porte parole du Collectif des praticiens hospitaliers
« Les revendications des paramédicaux sont justes mais mal libellées et mal conduites »
« Au départ, nous avions voulu soutenir les agents paramédicaux, mais nous avons très tôt pris du recul parce que leurs revendications, bien qu’étant justes, sont mal libellées et mal conduites. Pire, ils nous ont pris comme cibles au lieu de s’adresser directement à l’autorité. Pourquoi nous prennent-ils comme référence dans leur mouvement de grève alors que nous sommes deux corps différents. La fonction infirmière n’est pas la fonction médicale. Nous sommes, nous autres, une école d’élites. La responsabilité médicale est un risque énorme, et dans les pays qui se respectent, vous ne pouvez même pas exercer cette fonction si vous n’avez pas une assurance en bonne et due forme.
Le Collectif des praticiens hospitaliers, comme je l’ai dit n’est pas d’accord avec les agents paramédicaux, parce qu’ils ne peuvent pas être en négociations et faire grève en même temps. Le pire, c’est qu’ils font grève sans service minimum, ce qui est dangereux pour un secteur comme celui de la santé. Aujourd’hui tout est bloqué. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a au Cnhu des agents conventionnés qui gagnent même mieux que des médecins agents permanents de l’Etat. Moi je ne consulte plus aujourd’hui, parce que je n’ai pas d’infirmiers pour gérer les malades et préparer leurs dossiers. La chirurgie externe du Cnhu est fermée. C’est bien dommage.
Le Syntra-Homel décide d’une suspension temporaire de la grève
A la faveur d’une assemblée générale d’information tenue hier dans l’enceinte de l’hôpital Homel de Cotonou, le Syntra-Homel a décidé de suspendre temporairement le mouvement de grève à l’interne qui se poursuit depuis des semaines, en raison de 72 heures d’arrêt de travail par semaine. Ainsi, de ce mardi 02 septembre au jeudi 04 septembre tous les services de l’’Homel fonctionneront normalement. Selon le secrétaire général du Syntra-Homel, Mr Maxim Assogba, cette suspension n’est aucunement liée à une quelconque satisfaction des revendications exprimées ; elle est plutôt due au fait que cet hôpital est actuellement en évaluation en vue du renouvellement de son certificat de normalisation- Démarche Qualité – qu’il a déjà obtenu pour une première fois en septembre 2005. Venu à terme, en ce mois de septembre 2008, il est donc de bon ton que l’on puisse permettre à l’Homel de ne pas perdre ce titre honorifique chèrement acquis, grâce au travail qu’abattent toutes les composantes de la maison. Le Syntra-Homel a donc jugé utile de mettre fin temporairement à sa grève, pour dit-il, ne pas compromettre les chances de l’Homel, étant entendu que les membres de Moody, l’institution internationale chargée d’évaluer l’Homel sont actuellement dans le pays. « Nous devons sauver l’honneur et le label que représente l’Homel au plan régional et international » affirme le Sg/Syntra-Homel qui précise toutefois que la grève reprendra de plus bel dès la semaine prochaine jusqu’à la satisfaction totale des revendications.
C. T.
Laisser un commentaire