De la rébellion culturelle

Contre la banalisation des mœurs
 « Par crainte d’être perçu comme ennemi du groupe où il investit, l’homme de bonne volonté doit-il s’accommoder de pratiques que sa conscience réprouve ? » La banalisation des mœurs est un des symptômes de la décadence culturelle, je veux dire de l’indigence absolue, d’un malaise social à long terme, d’une décrépitude croissante où le quotidien revêt l’amertume et la douleur de vivre, en somme, des conditions vers lesquelles nous nous avançons à grands pas sans que personne s’en préoccupe.
Il y a décadence culturelle lorsque la psychologie des individus n’est plus dopée pour appréhender la marge de plus en plus radicale entre les offres de bonheur que propose leur environnement et le système de production/consommation où leur société les assigne. Lorsque l’éducation ne coïncide plus avec un système de valeurs conforme aux exigences de progrès et de cohésion sociale, induites, de manière inaltérable, par l’environnement, la nature physique pour être plus précis, la psychologie manque de support et de référence pour déterminer le sens du bonheur.
La décadence culturelle est, ainsi, la fin du bonheur permanent pour les individus d’une société qui n’a plus de repère moral, de valeurs partagées, de sens d’une construction collective des conditions matérielles et psychologiques d’une vie décente, de solidarité agissante. Entendue comme telle, la décadence culturelle est la caractéristique de notre société actuelle dans laquelle, la seule valeur universellement partagée devient l’arnaque. Les rapports entre les individus se réduisent en compétitions de gabegie. La paupérisation croissante de la plus grande masse, ajoutée au poids historique de l’esclavage, favorise ce genre de rapports. Chacun se comporte comme un esclave que les limites de l’intelligence obligent à rechercher d’autres esclaves à sa solde, convaincu qu’il est incapable de s’affranchir lui-même. Il en est des rapports entre gouvernants et gouvernés comme de ceux entre fournisseurs et clients, entre patrons et employés, entre personnes d’une même famille…
La crise financière et économique dévoile l’insignifiance de nos dirigeants et explique le complexe d’infériorité qui les amène à un tel mépris de leur responsabilité vis-à-vis du peuple. Ils ont beau s’habiller comme les occidentaux, réciter, avec des trémolos dans la voix, des catalogues de compliments aussi dithyrambiques que flagorneurs dans une tribune des Nations Unies où chacun est sensé souverain, ils sont tout de même réduits à leur carcasse de nègres, se battant, tout chefs d’Etat qu’ils se présentent, pour obtenir en vain, un rendez-vous de quelques minutes avec quelque ministre. Alors que notre monnaie reste un sous-produit de la monnaie européenne, personne ne les a associés, officiellement, aux réflexions diverses entreprises çà et là pour juguler la crise. Ils ne comptent pas et leur avis n’a pas d’importance. Ils subissent et ne s’en plaignent pas. Mais le grave est qu’ils projettent à leur tour ce genre de rapports sur leurs peuples. Et que ces derniers se complaisent pareillement dans cette culture esclavagiste.
Le pourrissement des médias ne laisse aucune perspective pour relever la barre. L’art, corrompu par l’incurie et l’absence de créativité, assujetti à des clichés qui réduisent la femme en robot sexuel sans imagination, n’est pas capable de faire tomber une mouche. La femme elle-même fait d’un détail sa propre dignité et se complait dans cette dégradation des mœurs qui la chosifie et réussit à la rendre inconsciente de toute sa puissance potentielle. Elle est toute achetable, réduite à un objet sexuel. Et, pour montrer leur disponibilité, la plupart de nos jeunes filles, tous âges et tous niveaux confondus, n’appellent pas un garçon, mais le bipent. Et beaucoup poussent l’outrecuidance jusqu’à la réclamation de crédit. Commettez l’erreur de vous étonner de cette mal éducation et vous êtes considéré comme un moyenâgeux ou un être sublunaire, pour être gentil avec vous.
Domaine par domaine, les manifestations de cette décadence s’imposent et se transforment en dure loi morale. Il apparaît donc que c’est encore sur nos dirigeants que nous pouvons fonder l’espoir d’une rébellion culturelle, d’un enchaînement de mesures et de comportements qui influent positivement sur la psychologie générale et détournent le gouffre où nous nous transportons. Il convient pour cela de les aider à se décomplexer. Dire qu’ils s’habillent mal quand c’est le cas, critiquer leurs agissements quand ils desservent nos intérêts, leur montrer en permanence la force que nous représentons et notre propre capacité de mobilisation pour leur indiquer la porte quand, définitivement, ils nous exposent qu’on n’aurait pu rien tirer de leur intelligence.

Camille Amouro

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