Education à Parakou

Toutes les jeunes filles à l’école La pauvreté, un handicap à la scolarisation des filles
La raison fondamentale de la déscolarisation des filles à Parakou reste la pauvreté. Plusieurs parents s’accordent à reconnaître que c’est par  faute de moyens financiers qu’ils démissionnent souvent de l’éducation de leurs enfants, surtout les filles. Mais au-delà des moyens, les influences religieuses, le harcèlement sexuel et de bien d’autres phénomènes constituent des handicaps à l’évolution des filles dans le système éducati

Mme Abibath, une revendeuse de tomate au marché Arzêkê de Parakou se fait assister de sa fille Zénabou âgée de huit ans. Cette fille n’a pas eu la chance d’aller à l’école. Dame Abibath est l’épouse d’un racoleur à l’auto-gare de Parakou, qui n’arrive pas à assumer  entièrement ses responsabilités de père à la maison.   «Je suis obligée de faire le petit commerce pour participer aux charges de la famille. Mais c’est toujours insuffisant, se plaint – elle, vous comprenez que dans ces conditions, c’est impossible pour nous de faire face aux charges de l’éducation scolaire de nos deux fils en plus celle de notre fille. D’ailleurs en m’assistant ici au marché, c’est déjà un apprentissage pour elle ». Si dame Abibath soutient que, c’est effectivement pour des raisons de pauvreté que son époux n’arrive pas à satisfaire, les besoins de sa famille,  ce n’est pas le cas de  plusieurs  hommes qui en ont les moyens,  mais   délaissent, par inconscience  leurs familles.
 Il n’empêche que certains parents, malgré leurs maigres moyens, parviennent à inscrire leurs filles à l’école.  Après l’étape du primaire, les charges devenant plus importantes au cours secondaire, ceux- ci démissionnent  de l’éducation scolaire de leurs filles et les abandonnent à elles-mêmes.  Catherine, jeune fille âgée de 16 ans est gérante d’une cabine téléphonique au quartier Banikanni de Parakou. Elle a arrêté les études en classe de Sixième pour faute de moyens financiers.  « Mon père cultivateur et ma mère ménagère ont préféré que je cesse d’aller à l’école pour apprendre la couture. Car, selon eux, mes charges au collège deviennent trop élevées », raconte-t-elle. L’expérience de l’apprentissage de la couture n’ayant pas été une réussite, Catherine se retrouve aujourd’hui dans une cabine téléphonique en attendant d’assurer sa formation en informatique. A la municipalité de Parakou, la question préoccupe à plus d’un titre.  Selon   Michel M. Alavo, troisième adjoint au maire  de la ville, la situation   s’ aggrave au jour le jour.  « Pour le compte de la rentrée scolaire 2007 – 2008, la mairie de Parakou a enregistré cinquante (50) cas d’abandon de classes. Dans ce lot, il y avait plus   d’une trentaine de filles. Heureusement, après des échanges avec les parents de ces élèves,  ils ont pu retourner à l’école ». Ceci ,  grâce au partenariat qui lie la mairie de Parakou à l’Ong Grad appuyée par l’Unicef qui a favorisé la prise en charge correcte de ces enfants.

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La part de responsabilité des jeunes filles
Parmi les causes de la déscolarisation, figure l’inconscience et la naïveté de beaucoup de jeunes filles. Malgré les moyens mis à leur disposition par leurs parents, elles n’ont aucun souci de réussite. Aboubacar, chargé de cours de Mathématiques dans un collège de Parakou tente de décrire, avec amertume  le phénomène. « Ce sont des filles qui passent leur temps à bavarder et à dormir. Tête baissée, elles manipulent leur portable dissimulé dans le casier. Elles n’ont jamais la présence d’esprit. Ce sont elles qui participent également le plus aux débats lorsqu’il s’agit des sujets de la vie. Elles connaissent les numéros et les domiciles de beaucoup d’enseignants. A la sortie des cours, leurs destinations premières sont les lieux de rendez-vous. Les exercices de maison sont recopiés chez d’autres camarades qu’elles payent pour les services rendus. Elles s’arrangent toujours pour passer en classe supérieure. Mais la barrière qui les guette, c’est le Bepc. Puisqu’il n’y a pas d’arrangement possible à l’examen. » M. Aboubacar déplore également  la situation et impute la responsabilité aux enfants, aux enseignants  ainsi   qu’aux  parents d’élèves qui n’encadrent pas bien leurs progénitures.
Joyce, à 17 ans vient d’avoir le Baccalauréat. Tout en confirmant les déclarations de l’enseignant, elle ajoute qu’il y a effectivement manque de conseils à l’endroit de ses camarades filles. Mais elle est plus précise lorsqu’elle affirme que c’est souvent par suivisme et snobisme que ses camarades se comportent de cette façon. « Lorsqu’elles quittent la maison, elles découvrent des libertés à l’école ou au collège. Ainsi avec d’autres camarades, elles détournent leurs objectifs ».

L’influence des religions
Des  religions continuent d’exercer des influences sur la scolarisation des filles et leur maintien à l’école. L’adjoint à l’Imam de la mosquée centrale de Guèma, El hadj Adamou Sanoussi reconnaît le poids de !’Islam sur la scolarisation des filles. Il explique que souvent,  les maris musulmans préfèrent maintenir leurs épouses, mêmes mineures, à la maison pour ne pas les perdre. Aussi, pour répondre aux exigences de la religion à l’approche du carême,  des filles sont-elles données en mariage précoce afin de servir leurs nouveaux conjoints.
Même si de nos jours les religions traditionnelles reconnaissent le bien fondé de l’instruction, la scolarisation des filles rencontre encore des résistances. « Les résistances à la scolarisation des filles s’observent surtout dans les villages périphériques où certaines filles sont désignées pour servir dans les couvents. Mais un travail de sensibilisation se fait pour changer cette tendance » pense un responsable des cultes traditionnels à Parakou .

Le harcèlement sexuel, un facteur limitant
Le Chef de la Police judiciaire du commissariat central de Parakou, Jérôme Okambawa  insiste sur unautre volet de la question. Il affirme qu’il enregistre souvent des plaintes relatives aux cas de viol et de harcèlement de jeunes filles. Le témoignage de Aminath Z., élève en classe de 3ème Parakou est on ne plus  édifiant. En effet, Aminath confie qu’elle est souvent victime de harcèlement sexuel, non seulement de la part de ses camarades, mais aussi de certains de ses enseignants et d’autres grandes personnes de la société. C’est une situation que vivent beaucoup de jeunes filles dans la majorité des établissements secondaires de Parakou. D’où les séances de sensibilisation régulières initiées par certaines Ong de place comme Equi-filles pour préparer les filles à surmonter ce phénomène.
 
Sombre avenir pour les filles déscolarisées
L’abandon des études à bas âge par les filles engendre de sérieuses conséquences sur la société. Sur le plan scolaire, on constate une régression de l’effectif des filles à l’école en suivant leur parcours. Plusieurs enseignants aussi bien du primaire que du secondaire font le même constat dans l’enseignement général. Pour le proviseur du Lycée Mathieu Bouké, Noël Koussey, la courbe représentative de la scolarisation des filles baisse au fur et à mesure qu’elles évoluent. Entre la classe de troisième et la classe de seconde, une partie d’entre elles quitte l’enseignement général pour les séries techniques G1, G2 et G3.
Généralement, elles sont sans niveau. Dans les collèges techniques appartenant souvent à des privés, elles parviennent difficilement  jusqu’en terminale et échouent massivement au Baccalauréat.
Le plus souvent également, elles tombent enceinte et sont obligées d’abandonner l’école. Tout ceci, conduit plus tard au nombre limité de femmes élites dans la société béninoise.  Sur le plan social, la déperdition ne manque’ non plus de conséquences. Les filles  deviennent dépendantes de leurs époux et leur contribution financière à la résolution des problèmes du foyer conjugal est pratiquement nulle. C’est donc pour insuffler une nouvelle dynamique à la scolarisation des filles à Parakou que depuis 1996 l’Etat béninois fait l’expérience du foyer des jeunes filles.

Le Foyer des Jeunes filles de Parakou: Une expérience prometteuse
Au foyer des jeunes filles de Parakou qui est un internat, l’une des conditions d’accès réside dans le fait qu’il faut être issu d’une famille pauvre. Il faut également que la jeune fille ait été brillante au cours de son cursus du CE1 au CM2. Au départ, les parents de ces jeunes filles payaient la somme de Cinq mille francs Cfa en plus d’un sac de produits vivriers. Les unions communales des producteurs avaient l’obligation de soutenir le foyer en payant la scolarité des enfants. Les apprenantes sont nourries, logées et soignées. Mais depuis 2003,  les frais d’inscription ont nettement augmenté. Il faut désormais  90.000 Fcfa pour entrer  dans ce centre. Le foyer des jeunes filles pour une efficacité et un meilleur rendement a un système d’encadrement qui permet une mise à niveau des apprenantes. L’écoute des filles par les maîtresses et au besoin des différentes responsables, les séances de révision en groupe obligatoire tous les soirs, les conseils sur les questions de sexualité, sur le Vih-Sida sont ,autant d’activités menées pour une bonne conduite des enfants.
Depuis la création du Foyer des Jeunes filles de Parakou, les résultats de passage en classe supérieure et aux examens du Bepc et du Bac sont assez encourageants,  se réjouit  l’intendante, Pierrette Tamou. Elle ajoute fièrement: «sur 19 candidates présentées au Bac 2008, nous avons enregistré 14 réussites soit un taux de 74%. De même, 40 filles ont décroché l’examen du Bepc 2008 sur les 45 présentées, soit 89% de réussite ». Mais avec un sentiment de remords, elle reconnaît que des problèmes se posent avec quelques cas rares de grossesses et d’abandon enregistrés. L’espoir est donc permis avec le Foyer des jeunes filles de Parakou pour l’évolution et le maintien des filles dans le système éducatif.

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Les écoles confessionnelles, l’exemple parfait
Au niveau de l’Eglise Catholique, le taux de fréquentation des filles s’accroît ainsi que celui de leur réussite aux différents examens. En 2008, cette année donc, les écoles Saint Joseph, Saint Pierre et Saint Paul et Les Hibiscus ont enregistré 100% de réussite des filles présentées au Cep. Les Abbés Dieudonné et Hyacinthe de l’archidiocèse de Parakou lient l’augmentation des taux de fréquentation à la sensibilisation par les Ong telles que Equi-filles, World Education et par les masses médias sur l’utilité d’envoyer les filles à l’école et à la volonté politique nationale qui soutient les initiatives comme « toutes les filles à l’école ». Mais leur réussite, surtout en zone rurale, est liée d’une part à l’encadrement qui prend en compte l’éducation civique, la morale et la spiritualité. D’autre part, les réussites des enfants découlent de la prise de conscience de nombre de parents qui souhaitent voir leurs filles devenir de grandes personnalités.

Des approches de solution
De façon générale, les taux de scolarisation des filles demeurent faibles. Or aucune nation ne peut se construire sans femmes élites. Il urge que des .mesure idoines soient prises  pour non seulement augmenter le taux de scolarisation des filles mais aussi et surtout veiller a leur maintien dans le système. Au-delà des moyens à mettre à la disposition des enfants en général et des filles en particu1ier pour leur éducation scolaire, il faut renforcer le système de suivi. Les parents doivent rendre fréquemment visite aux administrations scolaires et encadrer correctement les filles à la maison. Il faut leur empêcher les mauvaises compagnies. Veiller à ce qu’elles n’aient pas des ambitions démesurées, en leur faisant   comprendre qu’il existe des inégalités sociales à corriger. C’est vrai que dans notre pays, et depuis quelques années, les femmes s’éveillent et se battent pour augmenter leur nombre dans les instances de prise de décision. De plus en plus, nous enregistrons une amélioration du taux de femmes élites. On retrouve aujourd’hui des femmes à la tête de nombreuses institutions de notre pays. C’est le cas de Clotilde Nougbodé  Mèdégan qui dirige la Haute Cour de justice. Dans un passé récent, ce sont des femmes qui ont dirigé la Cour Constitutionnelle. Et l’envie de briguer la magistrature suprême devient désormais un défi pour elle à relever comme au Libéria avec Helen S. Johnson élue Présidente de la  République. C’est le cas de Me Marie Elise Gbèdo qui a été candidate aux présidentielles de 2006. Nous avons des femmes ministres, députés, directrices générales des sociétés d’Etat, avocates, journalistes et autres. Inutile de revenir sur leur efficacité, leur dynamisme et leurs talents. La femme instruite participe aux résolutions des questions de foyer et apporte son aide financière au besoin. Les associations des femmes leaders, les Ong, les gouvernants, en collaboration avec les médias doivent donc mieux sensibiliser les parents à comprendre les biens fondés de l’éducation et surtout celle des filles. Les parents eux doivent œuvrer pour le maintien de leurs filles à l’école en prenant exemple sur les exploits des femmes  leaders. Parakou en possède déjà un certain nombre. Les responsables de culte traditionnels, les religieux et autres leaders d’opinion doivent également s’impliquer dans ,cette lutte pour que d’ici quelques années, le taux de filles scolarisées s’accroisse et que leur ,maintien à l’école soit effectif. Parakou n’en sortira que grandi.

Enquête  réalisée par  Jean-Claude Kouagou (Le Matinal), Frédéric Allokpon (Le Canard Du Nord), Clément Dognon (Parakou Info), Malick Kora Djibril (Le Rônier), Richard Konmy (Antenne Régionale Haac Parakou) en partenariat  avce la Haac et l’Unicef. f

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