Le Bénin du futur en émergence à la fondation Zinsou
Bénin 2059 ! Les artistes driblent le temps. Ils sautent en longueur et rattrapent le futur au loin. Le futur du Bénin en 2059. Une date si loin et si proche. 2059 ! Juste un demi siècle et le monde est à ce rendez-vous. Mais dans 50 ans, les artistes voient autrement l’univers du monde notamment celui du Bénin.
Dans le somptueux espace de la fondation Zinsou à Cotonou, ils sont moins d’une dizaine à penser le rêve et à le réaliser. Celui qui plante le décor s’appelle Tchif. Il présente un conducteur de taxi-moto muni de casque, de cache-nez moderne et de poste téléviseur dans le dos. De quoi assurer un confort total au client vautré derrière dans une brouette imposante.
Gérard Quenum prend le relais avec ses poupées habituelles qui donnent à voir une autoroute jamais vue encore au Bénin. Sur cette autoroute, une dizaine de véhicules peuvent circuler côte à côte à vive allure sans se heurter. A une petite distance de l’autoroute, Edwige Akplogan s’annonce avec son kiosque de vente de journaux et d’ouvrages divers. Les journaux du Bénin en 2059. A travers ses canards, le vodoun s’est modernisé, la médecine traditionnelle a pris le pas sur la médecine moderne. Le Lègba n’est plus une divinité à laquelle on demande de mauvais services. Il veille sur la cité dans une parure lumineuse.
A deux pas du kiosque, l’immobilier de Romuald Hazoumé. Des bidons de 50 litres disposés en forme d’habitation. Plus de ciment et de briques pour construire désormais. Cela pèse trop lourd sur la terre. En témoignent les catastrophes dans le monde, surtout en Asie et dans une partie de l’Europe. On assiste, en effet, à de fréquents tremblements de terre parce que la terre devient de plus en plus fragile dans ces régions. A l’allure où va l’urbanisation, le Bénin peut être confronté à de telles réalités en 2059. C’est pourquoi, certainement, Romuald Hazoumé propose des constructions en plastique. Il n’y a même pas à craindre pour la chaleur puisqu’on sera à une époque où toutes les maisons seront systématiquement climatisées.
Mais Dominique Zinkpè semble ne pas être d’accord pour les murs en plastique. Il érige plutôt un Bénin en gratte-ciel. Il dresse et draine de géants bâtiments à multiples niveaux et sans commune mesure avec le visage actuel de l’immobilier interne. De la lumière partout. De la lumière de jour comme de nuit. De la lumière comme si le Bénin devenait le jardin d’Eden.
Le rêve est immense et on a envie de vivre dans cet univers féerique. On a envie que cela arrive à l’instant même. Puisque, du coup, 2059 paraît lointain. On compte les années, on fait les additions et l’on devient interrogateur et inquiet. Mais Aston apaise subitement. Lui, il voit autrement le Bénin en 2059. L’époque sera celle de l’accentuation de la misère. La population va croître exagérément et il y aura trop de bouches à nourrir. Alors, autour d’une épie de maïs, les gens pourront s’entre-tuer. Rien n’aura bougé en ce moment. Et là également, inquiétude. Si l’artiste peut être vu comme un prophète, il y de quoi rester perplexe face à ces diverses peintures du Bénin du futur.
Fortuné Sossa