MAEP

Le BENIN à jour pour 2008
Demain s’ouvre à Cotonou  le premier sommet extraordinaire des chefs d’Etat  et de Gouvernement participant au Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) au cours duquel le Burkina et la Nigéria vont faire  valider leur rapport national  dans le cadre de ce mécanisme. Le Bénin a satisfait  à cet  engagement  pour la deuxième fois, le 30 janvier 2008 lors du 8ème forum du M.A.E.P à Addis Abeba. A ce forum qui s’est tenu  en prélude au sommet de l’Union  Africaine, le Président de la République le Docteur Boni Yayi a présenté le rapport du Bénin sur le MAEP édition 2008.
 Quel est le nouveau visage  de la gouvernance au Bénin depuis l’avènement du gouvernement du changement ? Quelles sont les recommandations et actions correctives proposées par le panel de haut niveau pour accompagner l’émergence démocratique ? Les points essentiels de ce rapport.

Le M.A.E.P : vrai baromètre de la gouvernance

Le Mécanisme Africain d’Evaluation par les Pairs (MAEP) est un programme de gouvernance du NEPAD qui, dans le but de hisser l’Afrique sur la voie de la bonne gouvernance,  propose une approche globale du concept dans ses composantes politique, économique, institutionnelle et  socio-économique.
Le Bénin, avec l’appui des trois partenaires stratégiques que sont le PNUD, la Banque Africaine de Développement (BAD) et le Commission Economique pour l’Afrique (CEA), s’est engagé dans ce processus depuis 2004. Ce qui s’est traduit par la mise en place de la Commission Nationale Indépendante de Mise en œuvre (CNIM). Cette structure devant assurer la facilitation pour permettre d’identifier au Bénin, les bonnes pratiques de gouvernance ainsi que les insuffisances des politiques, normes, pratiques et faiblesses du jeu démocratique  selon les citoyens  a été appuyé par le Programme des Nations Unies pour le Développement. Le diagnostic effectué a débouché sur un plan d’actions visant à améliorer la gouvernance et le jeu démocratique au Bénin.
Aujourd’hui, la bonne gouvernance est un impératif incontournable dans  toute démocratie qui  veut avoir un impact positif sur le développement humain face à la paupérisation  croissante des populations, surtout dans beaucoup de pays africains  où les indicateurs de développement humain (IDH) les situent ces dernières années   en fin de liste dans le classement mondial. Des indices qui attestent que l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) à l’échéance 2015 sont incertains.

Réalités nationales et gouvernance : le nouveau point

 Au regard  des quatre axes thématiques de gouvernance fixés par les documents de base   du MAEP pour l’évaluation par les pairs à savoir : Démocratie et gouvernance politique,  Gestion et gouvernance économique,  Gouvernance des entreprises et  Développement socioéconomique, le panel de haut niveau présidé par Mme Marie Angélique Savané a examiné les performances du Bénin par rapport au  premier document d’autoévaluation adopté en  juillet 2007.Comme pour la première expérience,  cette évaluation a été faite selon une démarche fortement participative et concertée  d’autoévaluation nationale . Malgré les avancées significatives  notées par la mission, les experts ont relevé sans complaisance les insuffisances et fait des recommandations pour la consolidation de la gouvernance au Bénin.  

Démocratie et gouvernance politique. Le premier axe   examiné regroupe plus d’une quinzaine de sous secteurs. Il s’agit de la question des normes et des codes  vues à travers la ratification des instruments internationaux pour lesquels le Bénin a fait beaucoup d’efforts.  Néanmoins,  certaines normes juridiques de l’Union Africaine ne sont pas promulguées telle la loi sur la prévention et la corruption de juillet 2003 à Maputo.
  Certes ! Le Bénin est apprécié pour le climat de paix et une  stabilité politique qui y règnent. Des atouts indéniables soulignés par les experts du MAEP dans le cadre de la    bonne gestion des  conflits internes et externes.  Cependant  la prolifération des partis politiques (150) du fait de l’adoption du multipartisme intégral, les suspicions apparentes  dans le système électoral malgré l’organisation régulière et à bonne date des élections, constituent des faiblesses  de notre démocratie constitutionnelle.
De plus, la décentralisation et la  gouvernance locale qui ont connu des progrès remarquables restent un défi majeur au regard de l’écart manifeste entre les besoins d’une décentralisation accrue  fortement exprimée  par les parties et les faibles moyens humains et matériels mis à la disposition desdites entités.
 Le rapport 2008 a mentionné par ailleurs, l’effectivité des garanties des droits constitutionnels  composés des droits civils et politiques, des droits économiques, sociaux et culturels par la constitution du 11 décembre 1990.  Mais  l’énonciation de ces droits reste  dans une grande mesure, formelle et lacunaire,  a fait remarquer  la mission. L’accès à la justice  comme indicateur important de l’égalité de tous les citoyens reste conditionné  par la réforme judiciaire qui aidera  à la consolidation de l’état de droit  et à la sécurité juridique des citoyens et des investissements. La mission a aussi relevé que la question de la séparation des pouvoirs bien que consignée dans les lois de la république n’est pas évidente dans la réalité compte tenu de « l’environnement institutionnel et de la  faiblesse des organes des autres pouvoirs face à l’omnipotence de l’exécutif ».
 Le dysfonctionnement persistant de la fonction publique comme déjà mentionné dans le rapport précédent  fait apparaître les mêmes maux (gaspillage de ressources, politisation de l’administration,  faiblesse du système d’évaluation et le manque de transparence). Quant à la corruption, elle constitue  malgré la volonté politique affichée, une hydre  avec des tentacules  dans tous les secteurs plus particulièrement dans certains services : douane,  impôts,  trésor,  santé,  justice,  marchés publics, mairies, enseignement etc. Ce fléau  occasionne des pertes  de recettes fiscales  au trésor public.
 La promotion des femmes est un chantier encore vierge malgré les nombreux efforts enregistrés en matière de législation. Il en est de même pour les jeunes confrontés à de  multiples problèmes et face auxquels, la législation semble incomplète selon les experts du MAEP.
  Le rapport a conclu ce volet en soulignant que la question qui se pose aujourd’hui avec acuité au Bénin est celle de la capacité  de notre système politique à garantir les libertés politiques et civiles tout  en assurant le plein épanouissement économique et social des populations. Malgré ces atouts, le Bénin doit relever de nombreux défis à savoir : la mise en œuvre de la charte des partis politique afin d’instaurer une vertu républicaine, la place et le statut de la gouvernance traditionnelle au sein de la république, l’efficacité institutionnelle, le renforcement et la consolidation de l’état de droit,  l’accès à la justice sans négliger son  efficacité,  l’effectivité des droits économiques et sociaux, le rôle et de la place de la femme dans l’économie, la société et au niveau des instances de prise de décision et de représentation.
  Abordant le volet des enjeux et  défis de  la  gouvernance et de la gestion  économique, le rapport a souligné qu’ils ont  été fortement influencés par les orientations politiques des différentes étapes de  notre histoire politique. Les trois étapes (1960-1972 ; 1972-1990 ; 1990 à nos jours)  de cette histoire ont présenté des spécificités économiques différentes. D’une économie coloniale qui n’a pas pris en compte  les enjeux de développement national de la période, on est passé à  une vision socialiste marquée par un investissement industriel massif de l’état et dont la gestion a abouti à une crise. L’option libérale  adoptée par la conférence des forces vives de la nation en cours jusqu’à ce jour a aussi révélé des insuffisances au plan de la gestion et des enjeux. Le Bénin n’a pas su assumer réellement sa position de pays de transit. Cependant, la mission a noté que la « croissance semble reprendre ».
 Le gouvernement  a entrepris selon  le rapport, des efforts dans les principaux domaines de la réforme de la gestion axée sur les résultats, à savoir : gestion budgétaire et comptable, réforme du contrôle interne et externe, système de passation des marchés publics. Mais la  gestion des dépenses publiques  constitue toujours le talon d’Achille de cette stratégie économique. Il faut  aussi ajouter  selon le rapport, que  les réformes entreprises par le gouvernement  souffrent encore d’un certain nombre de contraintes et de faiblesses relatives au rythme et à l’échéancier de transfert effectif des compétences, aux modalités de mise à disposition de ressources humaines compétentes et à la politique globale de financement des budgets communaux. Des exemples ont été cités pour illustrer ces observations.
 La Gouvernance des entreprises, troisième axe de l’analyse  a permis d’examiner ce secteur à travers la question des normes et des codes, l’environnement des affaires, l’éthique des affaires, la transparence et l’information sur et dans les entreprises, la légalité des actions. A ce niveau, une observation générale a fait remarquer que les institutions démocratiques   issues des élections n’ont pas joué leur rôle de promotion d’une bonne gouvernance des entreprises et de mise en place des mécanismes susceptibles de stimuler la croissance et les investissements. Ce contexte général peu stimulateur pour les entreprises  a été aggravé par l’attitude peu coopérative de l’administration en faveur des entreprises béninoises formelles notamment au plan fiscal et le manque de soutien du secteur bancaire. Il convient d’ajouter d’autres contraintes telles que la complexité des formalités, la question des garanties surtout foncières, la corruption qui coûte au pays selon les estimations officielles, 3% du Produit Intérieur Brut (PIB), le manque de confiance dans  l’efficacité de l’administration béninoise et du système judiciaire, le poids de la règlementation, le manque de ressources humaines spécialisées et compétentes et l’état des infrastructures. Un environnement qui favorise l’évasion fiscale, le travail des enfants etc. Par ailleurs,  le rapport note qu’aucune entreprise béninoise n’a la certification ISO. Ce qui constitue un  handicap majeur pour une intégration au commerce régional voire mondial. Un tableau que vient compliquer l’opacité des entreprises du secteur informel et le manque de contrôle interne au sein de la majorité des entreprises.
 
Les défis du Développement Socio Economique (DSE)  auxquels le Bénin doit faire face aujourd’hui sont nombreux. Au nombre de ces défis, le rapport  a relevé les deux  éléments qui dominent l’économie béninoise  à savoir: l’exploitation des produits agricoles dont le coton et les activités du port de Cotonou. Une situation qui pourrait si elle perdure, remettre en cause  l’atteinte des OMD au Bénin à l’échéance 2015. De plus, l’étroitesse du marché national (7,6 millions d’habitants) ne rend pas compétitif le Bénin.  La compétitivité globale et sectorielle de l’économie béninoise est  vitale  et constitue un défi pour sa survie. D’où l‘urgence de son l’intégration au marché régional et mondial.
 Néanmoins, des efforts sont en cours. Les Bénin a ratifié toutes les conventions et adhéré aux codes des normes recommandées par le MAEP. Le seul hiatus reste la  non publication de ces engagements au journal officiel du pays et la non vulgarisation desdits documents pour une meilleure information des usagers.
 Par ailleurs, le rapport a expliqué que le Bénin reste assez dépendant de l’aide extérieur (60% des financements des programmes de développement) ; qu’il a bénéficié pendant longtemps de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Des facilités  qui, à terme,  entravent  son autonomie dans la conduite du Développement Socio Economique (DSE). L’appropriation du processus DSE au niveau national est encore un peu faible malgré l’existence de ressources humaines  averties. L’éradication de la  pauvreté est un défi urgent pour le gouvernement qui doit amener l’indice de pauvreté de 27% en 2005 à 19% en 2011. A tous ceci s’ajoutent les  spécificités relevées dans les domaines des services sociaux de base (éducation, santé, assainissement, problèmes fonciers énergie etc.) et les domaines transversaux ( les minorités)  

Consolidation de la  démocratie béninoise : des recommandations

Afin de renforcer les acquis et de relever les principaux défis, plusieurs recommandations ont été formulées.
  Pour la gouvernance politique, une dizaine de propositions ont été faites. Elles suggèrent  au Bénin  de : poursuivre la ratification des instruments internationaux en instance dont la Convention de l'Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption ; élaborer et mettre en œuvre une Stratégie Nationale de Prévention, de Gestion et de Résolution des Conflits ; renforcer les capacités et l'efficacité des institutions, accélérer le processus de décentralisation et procéder à un transfert effectif des compétences et des ressources aux communes en application des lois sur la décentralisation ; renforcer les garanties fonctionnelles de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs à travers le renforcement des capacités institutionnelles de l'Assemblée Nationale ; veiller au respect strict de la Charte des partis politiques ; consolider l'indépendance de la magistrature, l'autonomie du pouvoir judiciaire et accélérer la mise en œuvre du Programme intégré de renforcement du système juridique et judiciaire (PIRSJJ) dans toutes ses dimensions ; rendre effectives les dispositions pertinentes portant réforme de l'administration et prenant en compte le développement d'une nouvelle culture administrative centrée sur les valeurs éthiques de travail, de mérite, de respect du service public, de juste rémunération, de contrôle systématique à tous les niveaux, de gestion administrative, de reddition des comptes, d'obligation des résultats et de sanction (positive ou négative) ; conduire la mise en œuvre effective du Plan Stratégique National de Lutte contre la Corruption qui sera marquée par l'application effective d'une politique de «tolérance zéro» à l'égard des corrupteurs et des corrompus ; élaborer et adopter une politique nationale genre comme cadre de référence et d'orientation pour tous les secteurs du développement ; et enfin, élaborer et mettre en œuvre un Code de Protection de l'Enfant de même qu'une stratégie nationale marquée par des mesures adéquates visant à lutter efficacement contre toute sorte d'exploitation(économique, sexuelle) et le trafic des enfants.
En  matière de gouvernance économique le rapport  a fait des recommandations pouvant  atténuer voire éradiquer les principaux obstacles à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté  qui sont d'ordre structurel. Cette situation s’explique par  la rigidité de l'appareil et  de la structure de production ; la faiblesse des  investissements  ainsi que la faible diversification des exportations dominées par le coton ;  la non inclusivité de la croissance et de la faible création d'emplois qui rendent l'économie très vulnérable aux chocs extérieurs et fragilisent les équilibres du pays. Pour contrer tous ces chocs au plan économique il importe d’instaurer la gouvernance macro-économique et sectorielle, les prévisions statistiques de même que  la réduction de la vulnérabilité aux chocs exogènes. Pour y parvenir,  il est proposé dans le rapport entre autres, le suivi budgétaire axé sur les résultats, le contrôle interne et externe des dépenses publiques. Le  renforcement  de la fonction de contrôle et des organes qui en sont chargés,  l'adoption et l’application effective des Normes et Codes en  la matière, des mesures de « tolérance zéro » avec des exemples de lutte contre l'impunité venant du haut leadership, l'amélioration des conditions de travail des fonctionnaires, des études indépendantes sur le phénomène de la corruption et la révision du texte sur la déclaration des biens des hauts responsables politiques sont, des pistes actions majeures à engager.
  Pour relever les nombreux défis multidimensionnels de la gouvernance dans le DSE , le rapport  a recommandé  que le Gouvernement  prennent  les dispositions nécessaires pour la mise en place d'un cadre légal et réglementaire propice à une participation plus active de la Société Civile, des partis politiques,  du Secteur Privé, de tous les acteurs économiques, et de l'ensemble des régions du pays.  Et la finalisation du processus de décentralisation constitue aussi une piste pour la promotion de la participation.
Notons que le rapport 2008 qui compte  433 pages a été validé dans les soixante dix sept (77) communes du Bénin à travers des séances de restitution organisées dans trois grandes zones du pays en occurrence le Nord, le Centre et le Sud. Ces séances de restitution ont vu la participation des différentes couches socio-économiques du pays  à savoir : ONG (têtes couronnées, syndicats,  représentants des handicapés), jeunes, femmes,  élus locaux, élus du peuple,  professionnels des médias et  représentants du pouvoir public).

  (Synthèse réalisée par Gisèle Adissoda
 gimatha@yahoo. fr ; tél 97 12 52 72)

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