« Il existe des portes de sortie à notre situation économique, sociale et politique » Jeune manager béninois, militant du Parti social démocrate (Psd) de Bruno Amoussou, Cyprien Koboudé, parle ici dans un entretien qu’il a accordé ce week-end à un groupe d’acteurs des médias, du bilan du régime du changement à mi-chemin vers 2011.
Mais il annonce surtout la vulgarisation prochaine des propositions de son parti la résolution efficace de la crise politique actuelle…
Le chef de l’Etat vient de boucler la moitié de son mandat, que peut-on retenir ?
Dans son discours de report de voix au candidat Boni Yayi en 2006 le Président Bruno Amoussou avait fait observé que le peuple s’est trompé… Ce qui se passe ne fait que malheureusement lui donner raison. Je dis malheureusement parce que nous sommes tous béninois et nous n’avons aucun intérêt à ce que le pays aille mal. Ce à quoi nous assistons pourrait se traduire par une certaine précipitation dans la prise des décisions (parfois très importantes) pour la nation. La politisation outrancière de l’administration publique et le développement d’un type dangereux de gangstérisme économique qui se cache derrière une supposée lutte contre la corruption. Les initiatives parfois sont très bonnes : la gratuité de l’école, les micro crédits, la gratuité de la césarienne, mais le tintamarre médiatique qui précède leur mise en œuvre étouffe et fait perdre de vue les vrais objectifs qui sous tendent ces initiatives. A suivre les actions du gouvernement on se demande si le Chef de l’Etat et son gouvernement ont un programme de développement bien étudié pour notre pays. On est révolté de la manière dont nos ressources sont gérées. Il m’arrive de me demander quand sentirons-nous les effets des différents séminaires gouvernementaux sur le management moderne que le cabinet Afrique Conseil a donné au Chef de l’Etat et à son gouvernement et ceci à grand renfort médiatique.
L’observation de la vie politique dans notre pays révèle un contraste entre d’une part l’évaluation par le gouvernement de l’impact de ses actions économiques et sociales et d’autre part la morosité politique voire l’état de déprime et de désillusion qui domine l’opinion des citoyens. Autant le chef de l’Etat et les ministres rappellent à chaque occasion leur volonté de dialogue, autant la presse et les différentes couches socioprofessionnelles de notre pays expriment leurs inquiétudes face à la non écoute de leurs préoccupations. Nos paysans ne perçoivent pas les effets des initiatives. La désillusion et la déception sont totales.
C’est donc cette appréciation qui motive le levé de bouclier ?
Il n’y a pas de levée de bouclier. Ce n’est que le fonctionnement normal d’une démocratie qui justifie les positions des formations politiques que l’on observe. Mieux, les diverses formations politiques qui se retrouvent dans les G4 G13 et Force clé ont soutenu le Chef de l’Etat à accéder au pouvoir en 2006 avec un apport de 40% sur les 75% que le chef de l’Etat a obtenu.
Mais l’inexpérience, le non respect des règles du jeu politique et la volonté démontrée et affichée d’inféoder toutes les autres institutions à l’Exécutif ne sont pas de nature à faire grandir notre démocratie. La gestion du parlement en est une illustration patente.
La politisation à outrance de la vie publique, l’implication du chef de l’Etat dans les élections législatives et communales donne l’impression que le chef de l’Etat est en permanence en campagne électorale alors vous comprenez que les partis politiques et les personnalités qui se sont battus pour que nous ayons des élections libres à bonne date en 2006 ne croisent pas les bras. Ils ont le devoir de défendre les acquis de notre démocratie qui sont sérieusement menacés.
Il n’y a pas levé de bouclier avez-vous dit mais les formations politiques ont rejeté le collectif budgétaire 2008?
Je réaffirme que tout ceci est juste une illustration de la vivacité de notre démocratie. Ceux qui pensent le contraire veulent nous retourner à une époque tristement célèbre. Ils ne veulent entendre qu’une seule position. Cela dit, les parlementaires ont largement expliqué et justifié leur position. Je vais en rappeler quelques unes. Les députés ont demandé la justification des dépenses déjà effectuées que l’on veut leur faire accepter. Ils ont demandé qu’on explique en plus, la taille de certaines de ses dépenses. Allez donc m’expliquer comment la clôture du camp, largement moins grand que le campus d’Abomey-calavi coûte trois fois plus cher. Que la réfection du CIC et du palais des congrès coûte presque autant que la construction de l’un de ses bâtiments. Que la sonorisation d’une salle puisse coûter 800 millions … Quand vous n’avez pas d’emploi, et que vous végétez dans la précarité comme la plus part des jeunes béninois vous ne pouvez pas accepter cela et ça vous révolte. Les parlementaires n’ont fait que défendre la position de leurs mandants. Mieux, il faut vous souvenir que le gouvernement avait annoncé une réduction de 25% de certaines dépenses, cela a servi à quoi pour qu’il demande encore autant de milliard en plus.
Les formations politiques ont demandé un débat contradictoire pour mieux expliquer leur position, le gouvernement devrait accéder à leur demande pour mieux défendre sa position.
Vous pensez donc que rien n’est fait pour satisfaire aux aspirations de la jeunesse…
En deux ans et demi, on ne peut dire que rien du tout n’a été fait. On cite des milliers d’emplois liés aux divers chantiers mais très peu de jeunes aujourd’hui peuvent adresser un satisfecit au changement. Les solutions qu’on offre au problème des jeunes sont de la poudre aux yeux. …
Et pourtant, pour sa troisième équipe gouvernementale le chef de l’Etat semble avoir fait l’option de la jeunesse !
Je leur souhaite bonne réussite dans leur mission. Mais ce n’est pas la solution, c’est du bluff. Je me demande ce que le changement veut faire de nous car le même président qui prône la diminution du train de vie de l’Etat forme un gouvernement de 30 membres, ce qui voudra dire que nous aurons 30 cabinets avec le nombre de personnes qui compose un cabinet ministériel, imaginez un peu le coût. Et quand on remarque qu’il y a des directions qui ont été érigées en ministères vous comprenez que ceux qui ont œuvré pour la formation de ce gouvernement n’avaient aucun souci de développement mais étaient plutôt préoccupés par d’autres échéances, les élections de 2011 par exemple.
Existe-il des portes de sortie?
Il existe des portes de sortie à notre situation économique, sociale et politique. Il suffit que les suggestions faites soient prises en compte. Le PSD dont je suis un militant a proposé il y a quelques jours un programme d’ajustement politique. En fait, il s’agit d’une proposition vielle de 15 ans publiée le 26 Octobre 1992 dans le quotidien la Nation, que sans doute les prochains jours permettront d’éclairer.
Parlant du PSD, il parait que la guerre de succession au vieux renard de Djakotomey a démarré…
Moi je suis au PSD, j’ai la chance de participer aux réunions du parti et je suis étonné quand certaines personnes parlent de guerre de succession. Je voudrais que vous m’informiez sur les différents protagonistes. Le Président Amoussou est et demeure le Président du Parti Social Démocrate. Mais ne pensez pas que le parti a peur de la question. Au moment venu nous en débattrons car le PSD demeure un parti où les débats se font démocratiquement et vous savez que le Président est un grand militant et pour un militant c’est l’intérêt du groupe qui prime. Pour le moment le parti travaille sur d’autres projets qui concernent essentiellement la formation des militants et des cadres afin de faire d’eux de véritables acteurs politiques. Nous devons travailler à avoir des politiques comme nous avons des économistes, des médecins et des vétérinaires. Le sérieux que requiert la gestion des affaires de la cité recommande que seuls ceux qui ont appris à le faire s’en occupent.
Interview réalisée par Le Progrès, Fraternité, le Matinal, et la Nouvelle Tribune