/food/gnonhoue.jpg » hspace= »6″ alt= »Gnonhoue Jean Baptiste » title= »Gnonhoue Jean Baptiste » » /> Réflexions sur la création d’une commission «Vérite et justice»
Exaspéré par les exactions commises dans son pays, le leader de l’opposition, Monsieur Morgan a demandé dans une déclaration lapidaire la mise en place d’une commission « Vérité et Justice », suscitant ainsi de notre part, de sérieuses interrogations. Que veut Monsieur Morgan exactement ? L’organe, tel qu’il l’a intitulé, s’il venait à être créé, aurait pour but l’établissement effectif des faits foncièrement répréhensibles et la poursuite de leurs auteurs. Si c’est cela qu’il veut réellement, ce qui du reste, est normal, on peut se poser la question suivante : Qui va poursuivre qui dans les circonstances actuelles ? Qui va écouter qui et punir éventuellement ? D’ailleurs bien avant Mr Morgan, des voix et non des moindres s’étaient élevées, pour demander une enquête appropriée afin de punir effectivement les auteurs de crimes atroces commis non seulement au Zimbabwé, mais aussi au Kenya et en Guinée.
Ce que demande Monsieur Morgan, de façon non élaborée – il n’avait certainement pas le temps d’y réfléchir profondément – est loin de s’appeler « Justice Transitionnelle » qui, en principe, comporte quatre piliers : vérité, justice, réparation et réconciliation nationale. C’est ce schéma qui est prévu pour le Togo. C’est cela qui est maintenant en cours au Libéria, et qui a été déjà mis en œuvre en Afrique du sud, en Sierra Léone, fondé sur des facteurs locaux et soumis à un minimum de bon sens, de pragmatisme juridique. Avec un tel schéma, on passe d’une situation de chaos, de violations massives et itératives des droits de l’homme à une normalisation à divers égards, et ce, avec la volonté politique des gouvernants, le soutien actif des acteurs de la société civile, des populations en général, dans un climat apaisé et de confiance mutuelle. Un tel processus de normalisation, aboutissant éventuellement à la réconciliation nationale, sans toutefois laisser impunis les crimes les plus abominables, ne semble pas relever pour l’instant de l’ordre des choses possibles au Zimbabwé en raison du manque de volonté politique manifestement sous tendu par une conception pervertie du pouvoir, créant ainsi à travers le pays, une atmosphère de méfiance, de suspicion, de rejet de l’autre. Il ne faut pas oublier que l’aboutissement du processus de normalisation est largement soutenu par la commission « Vérité et Réconciliation », laquelle est acceptée par les populations et les dirigeants. Même si au Zimbabwé, la société civile initiait une telle commission dans les circonstances actuelles, elle serait sans doute confrontée au refus catégorique du pouvoir en place, et cela n’aurait pas été pour étonner.
Alors, quel avenir pour les victimes des exactions commises au Zimbabwé par le parti au pouvoir, ses partisans et les forces régulières ? on constate que certaines de ces exactions ont atteint un degré autorisant sans conteste, la qualification de crimes contre l’humanité, de crimes imprescriptibles. Les conditions pour une procédure pénale contre les auteurs de ces crimes n’étant pas encore réunies, on peut penser à une alternative nécessitant un fondement juridique inattaquable. Il s’agit de la possibilité pour les victimes de saisir la justice d’un Etat qui a inscrit dans son droit interne le principe de compétence universelle. C’est une compétence extra territoriale qu’un Etat peut exercer à l’égard d’un crime de droit international, perpétré hors de son territoire par un étranger. Rien n’empêche véritablement un Etat de s’approprier juridiquement cette procédure d’exception, l’essentiel étant la volonté politique de contribuer à la justice internationale, de manière qu’il n’y ait de havre nulle part pour les auteurs de crimes internationaux.
En ce début de siècle, on doit se persuader, surtout si l’on est chef d’état, que la dignité, commune à tous les êtres humains, n’a pas de valeur marchande, et qu’en conséquence, elle doit être protégée partout. La lutte contre l’impunité des crimes internationaux incombe indéniablement à tous les Etats, et appelle de leur part l’adoption en bonne et due forme du principe de compétence universelle, qui est une arme efficace de dissuasion.
Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale (CPI)