Après la mort du dictateur président Lansana Conté, les militaires putchistes se sont, comme il y a 24 ans de cela emparés du pouvoir, une fois encore acclamés par une foule de guinéens en liesse. Retour sur l’histoire d’un peuple qui a tout pour réussir mais qui pourtant semble vivre un éternel recommencement depuis les indépendances.
Sékou touré, ou la résistance d’un panafricaniste
Ahmed Sékou Touré a vu le jour le 9 janvier 1922 à Faranah en Guinée. Malgré son intelligence il fut bloqué dans son ascension sociale par les critères racistes de la fonction publique coloniale ce qui créa en lui une très forte amertume et un sentiment de haine de plus en plus grandissant contre « l’envahisseur » français. Néanmoins il garda sa fonction de responsable des postes, et s’investit dans la même période dans le syndicalisme en devenant un des leaders de la jeune génération guinéenne. Il participa dans la foulée à la création du célèbre parti panafricaniste « RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE AFRICAIN » aux côtés de certains autres leaders africains comme Félix Houphouet Boigny. Son militantisme le conduit au poste de maire de la ville de conakry en 1956, et plus tard il devient vice-président du conseil du gouvernement.
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Il organisa peu de temps après, pendant la visite du général de Gaulle en Guinée pour défendre son accord d’union partenariat entre la France et ses colonies, un mouvement de foule qui hua la délégation française. Le 2 octobre 1958, la Guinée fut l’un des premiers pays africains à accéder à l’indépendance avec à sa tête Ahmed Sékou Touré , applaudi par son peuple après le « non » au référendum sur l’union-partenariat avec la France. Le panafricaniste est né ; et les événements s’enchaînent. Il reçoit en 1961 le prix Lénine pour la paix.
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Sa divergence avec le général De Gaulle, puis avec la France renferma le panafricaniste dans une attitude de torpeur, surtout après de nombreuses tentatives de coups d’état commandités par ses ennemis. Il trouva refuge dans le socialisme, pour sans aucun doute, tourné définitivement le dos au régime démocratique lié à la France, et s’allia à l’union soviétique et aux chinois.
La rupture
Après plusieurs tentatives de renversement Sékou Touré s’enferma dans une attitude paranoïaque. Il craignait même ses propres frères guinéens et n’hésitait pas à les faire tuer dès qu’il avait le moindre doute sur leur fidélité. Il créa un camp de torture surnommé le camp Boiro où ses supposés ennemis étaient enfermés sans nourriture ni eau et dans des cellules à toits ouverts, soumis à toutes sortes d’intempéries : certains moururent noyés pendant la saison pluvieuse, d’autres déshydratés sous le soleil.
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Mais où est donc passé le panafricaniste, qui par définition aime le peuple africain et donc son propre peuple. Aveuglé contre la haine des désormais ex-colonisateurs, et se plaisant dans un pouvoir qu’il ne voulait pas perdre quel qu’en soit le prix, Sékou Touré, comme bien d’autres à son époque organisa un des plus grands régimes de terreur de son époque. Massacre, disparition, mécontentement de son peuple, les guinéens ne connurent pas réellement les grands plaisirs de l’indépendance qu’ils croyaient. Il laissa derrière lui, à sa mort le 26 mars 1984 à Cleveland aux USA, un peuple meurtri et terrorisé.
Lansana Conté, le sauveur
Lansana Conté vit le jour en 1934 à Moussayah Loumbaya dans la région de Kindia en Guinée. Fils d’agriculteur, il s’engagea très vite dans l’armée, promu sergent en 1958, capitaine en 1971 puis commandant de la région militaire de Boké. Il participa à la guerre de libération de la Guinée-bissau contre les portugais. Il fut nommé quelques années plus tard, en 1975 chef d’état major adjoint de l’armée de terre.
A la mort de Sékou Touré, de peur de voir installer un autre dictateur sanglant pour lui succéder, l’Armée organisa un « coup d’état » et porta Lansana Conté au pouvoir.
Acclamé par le peuple et brandissant l’idée de l’instauration de la démocratie, de la fin de l’époque de terreur et du début de la prospérité du peuple guinéen il libéra les otages de l’ancien régime et ferma le camp de Boiro. Il fait adopter une nouvelle constitution et organise des élections en 1993 qu’il remporta à l’unanimité dès le premier tour.
Le revirement
Son régime reprit peu à peu avec les pratiques peu recommandables du défunt Sékou Touré. Terreur, assassinat furent organisés comme en témoigne des vidéos prises à l’époque par des témoins {youtube}QmkGQG1K6qM{/youtube}
Il subit lui-même plusieurs tentatives d’assassinat dont il sorti indemne : une mutinerie en février 1996 qui fit bombarder ses bureaux (il en sortit indemne en se cachant dans les sous-sols), une tentative d’assassinat en janvier 2005 alors que son cortège revient de l’aéroport de Conakry. Des rumeurs l’annoncent mort dès le début de l’année 2002. On lui diagnostiqua une leucémie et une forme aiguë de diabète. Après plusieurs voyages en Suisse pour se faire hospitaliser, et plusieurs absences des réunions internationales, il décéda le 22 décembre 2008 à 18h45 laissant derrière lui un peuple appauvri : 53 % des Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté, 61 % n’ont pas accès aux soins de santé et 38 % à l’eau potable, malgré les deux tiers des réserves mondiales de bauxite, de l’or et des diamants dont regorge le pays.
L’arrivée au pouvoir du capitaine Moussa Dadis Camara
« Les militaires putschistes en Guinée ont commencé à asseoir leur pouvoir, mercredi 24 décembre au soir, deux jours après de la mort du président Lansana Conté. Armes à la main, ils ont défilé dans l’après-midi dans le centre de Conakry, où ils se sont fait acclamer par des milliers de Guinéens formant une foule enthousiaste. « Vive le nouveau chef », « vive la nouvelle Guinée », criaient les habitants qui avaient envahi dans l’après-midi l’avenue de la République menant au palais présidentiel» rapporte le quotidien le monde.
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En effet quelques heures après la mort de Lansana Conté, comme deux décennies auparavant, les militaires reprennent le pouvoir et installe un des leurs : le capitaine Dadis Camara. Il promet d’instaurer une démocratie dans le pays, mais ne parle d’élection libre qu’en décembre 2010. Le temps de prendre goût au pouvoir. D’aucun prédise déjà sa victoire en 2010. Comme celle de Lansana Conté en 1993. Et qui nous dit qu’il n’ira pas aussi loin que Lansana Conté en 1993 ? avec ses victimes. Toujours est-il que le peuple guinéen souffre. Toujours est-il que le pouvoir n’est pas redonné au peuple comme le veut la démocratie. La Guinée vit depuis 1958 un éternel recommencement. Ils rêvaient d’une afrique unie et forte, leur propre pays n’a pas ce qu’ils voulaient que l’Afrique ait… La communauté internationale ne doit pas laisser le peuple guinéen seul devant ce carnage…
Un an après la première parution de cet article, la Guinée semble avoir repris avec son système présidentiel habituel. Le Capitaine Dadis Camara qui avait pourtant clamé dans la presse qu’il ne serait pas candidat a manifestement retourné sa veste; quand les mililtaires, eux, sensés protéger la population n’hésitent pas à leur tirer dessus à balles réelles.
D’après les propos rapportés par le site internet koaci.com, ledit capitaine aurait affirmé, quelques heures après la tuerie: « Pour le moment, je ne sais pas s’il y a eu des morts », et plus tard être désolé de ce qui était arrivé; Des propos qu’on ne saurait mettre sur le compte de l’absence d’informations, quand on sait que l’armée guinéenne n’a jamais rien fait sans l’aval du super-chef!!!
Mais le réel problème de la guinée reste la désorientation de ses forces armées et la parfaite ignorance du vrai rôle de l’armée dans une république. Est-ce parce que les militaires sont en majorité analphabètes, sinon très peu instruits (pour rester polis…), ou parce qu’ils obéissent aux ordres du président-militaire? Sachant que l’effectif militaire a forcément été renouvellé depuis le temps, tout porte à croire que même les plus jeunes agissent comme leurs ainés sous Sékou Touré et Lansana Conté.
Notons aussi que le soutien à peine voilé quelques semaines plus tôt du président sénégalais Abdoulaye Wade, qui aurait mieux faire de rester neutre, a peut-être conforté le pseudo-héros guinéen dans son attitude. Quand on sait ce que l’Afrique a déjà connu comme drame et mésaventure depuis la colonisation, que dis-je, depuis l’esclavage, on reste hébété devant cet état de chose.
Affirmer alors que le destin de la Guinée est enfermé dans un cycle bouclé n’est que triste réalité…
Michael C.
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