Opinion

L’Union africaine face au droit à la vie
Abolir la peine de mort, c’est protéger le droit à la vie, non pas une vie matériellement décente, mais plutôt celle qui résulte d’une interaction biologique et physiologique de fonctions appropriées. C’est un droit sacré qui figure naturellement en bonne place dans la déclaration universelle des droits de l’homme DUDH de 1948.

En effet, cet instrument qui relève de la coutume, autre source du droit international opposable à tous, énonce le plus simplement possible en son article 3 que , « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». La profondeur de cette disposition est interpellatrice, en ce sens que d’année en année, les réflexions sur le caractère sacré de la vie évoluent considérablement, bien que certains instruments juridiques dont la matrice est la DUDH prévoient le recours exceptionnel à la peine de mort. La tendance à restreindre la jouissance du droit à la vie, baisse sensiblement, et se traduit aujourd’hui par le nombre impressionnant – beaucoup plus d’une centaine – de pays abolitionnistes de fait ou de droit.

Ce phénomène mondial n’a pas manqué d’influer sur les réflexions du groupe de travail sur la peine de mort de la commission africaine des droits de l’homme et des peuples. En effet, lors de sa 44ème session tenue à Abuja (NIGERIA) du 10 au 24 Novembre 2008, cette commission a adopté  une résolution demandant aux Etats membres de l’Union Africaine où la peine de mort est encore appliquée, d’adopter un moratoire en attendant une abolition légale. Elle demande en outre aux Etats qui ne l’ont pas encore fait, de ratifier le deuxième protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, signifiant ainsi que le tout n’est pas d’exclure ce châtiment du code pénal interne. En fait, la commission n’a fait que réitérer l’appel de 1999 à un moratoire sur les exécutions capitales lancé lors de sa 26ème session ordinaire tenue à Kigali (RWANDA) du 1er au 15 Novembre. Cet appel réitéré à la veille du soixantième anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, signifie que l’Afrique dans son ensemble, doit cesser de se singulariser au sujet du droit à la vie et que, les temps ayant changé, il est convenant de punir autrement les grands criminels. A la lumière de cet appel, on est fondé à souhaiter que les Etats Africains qui ont « boudé » le moratoire  universel d’un bout à l’autre l’année dernière au sein de la troisième commission de l’Assemblée Générale de l’ONU et en plénière, changent de comportement lors du débat général de cette année, qui s’ouvrira dans la semaine du 15 au 22 Décembre. Ils prouveront ainsi leur prise de conscience de l’importance du droit à la vie, ainsi que leur rejet de l’argumentation juridique relative au paragraphe 7 de l’article 2 de la charte de l’ONU qui consacre la souveraineté et la compétence nationale des Etats membres. Ils prouveront également qu’ils perçoivent qu’aux termes de la même charte, l’obligation est faite aux Etats de coopérer avec les organes de l’organisation mondiale qui oeuvrent pour la protection du droit à la vie et des autres droits de l’homme. Il est tout à fait permis d’affirmer sans ambages que la souveraineté et la compétence nationale ne sont  pas au dessus du droit à la vie en particulier, et des droits de l’homme en général. On fait preuve de naïveté de la pire espèce lorsque l’on croît que la réponse à la question de la criminalité réside dans l’élimination physique des criminels. Il importe de faire en sorte que la raison triomphe de la passion, afin d’être à même de cerner les causes de l’insécurité et de la grande criminalité, et d’aboutir à la mise en place d’un dispositif véritablement préventif. L’Etat, chargé de la sécurité des biens et des personnes aurait un comportement foncièrement malencontreux, s’il rechignait à faire face à un investissement humain et matériel adéquat si coûteux soit-il dont le but est de protéger les individus relevant de sa juridiction. La vie humaine n’a pas de prix, et, comme le dit un adage bien connu : « le jeu en vaut la chandelle ».
En ce soixantième anniversaire de la DUDH, il convient de réaffirmer qu’aucun effort pour protéger la vie ne saurait être de trop. Car, la peine capitale est vraiment d’un autre temps. Elle est manifestement contraire aux valeurs du monde moderne.

Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale

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