Retour sur scène de la réalisation de la Lepi

Léa Hounkpè et Boni Yayi
Pourquoi force-t-on l’implication du Sap Cena dans les travaux préparatoires? (lire le rapport final de l'équipe d'experts)

Qui du Secrétariat admi-nistratif permanent de la Commission électorale nationale autonome (Sap/Cena) et des partenaires au développement ou de l’Union européenne est commanditaire de l’étude sur la Liste Electorale Permanente et Informatisée (Lepi) ? C’est une question que beaucoup d’observateurs commencent par se poser au regard des présences parfois encombrantes de l’équipe de Mme Léa Hounkpè aux côtés du chef de la délégation de l’Union européenne au Bénin, Mme Elisabeth Feret, dans le cadre de cette étude dont le rapport a été officiellement remis hier mercredi au chef de l’Etat. En effet, selon les images diffusées par les chaînes de télévision qui ont rendu compte de l’événement et en croire les documents et les photos envoyés par la cellule de communication de la présidence aux journaux, la principale vedette de la cérémonie était Mme Léa Hounkpè, actuelle Sap/Cena. Le document envoyé par la présidence et publié ci-dessous précise d’ailleurs que la remise officielle du rapport au chef de l’Etat a été fait « via le Sap-Cena).

Or déjà à l’atelier de restitution qui a réuni en novembre les acteurs politiques et ceux de la société civile, certains invités et participants avaient observé et dénoncé la tendance à une implication du Sap/Cena dans les travaux de réalisation de la Liste électorale permanente informatisée (Lepi). Pour la plupart, anciens présidents de la Commission électorale nationale autonome (Cena), anciens responsables du Sap/Cena et responsables de partis politiques, les contestataires s’étaient référés aux articles 15, 16 et suivants de la loi électorale en vigueur pour montrer que le Sap/Cena ne devrait pas être impliqué dans cette opération. Car, pour eux, la réalisation de la Lepi consiste en une opération que la loi confère à la Cena et qu’on pourrait appeler confection ou actualisation du fichier électoral. Alors l’on se demande peut-être à tort, peut-être à raison qu’en tentant à chaque occasion d’impliquer le Sap/Cena aux présents travaux de préparation de la Lepi, le gouvernement prépare l’opinion à accepter ce qui devrait être une violation de la loi.

Ludovic D. Guédénon

Etude sur la Liste Electorale Permanente et Informatisée (LEPI) Remise officielle du rapport final au Chef de l’Etat via le SAP-CENA 10 Décembre 2008

PHASE D’ETUDE
• Faisant suite à la demande du Président Yayi Boni, la Commission européenne et le PNUD ont, avec le soutien de tous les autres partenaires techniques et financiers, entrepris une étude visant à définir la faisabilité de la mise en place de la LEPI pour les élections de 2011.
• L’étude visait, dans un premier temps, à procéder à l’état des lieux en tenant compte des éléments nouveaux intervenus depuis la dernière étude de 2004, à examiner le cadre juridique actuel et à évaluer les préalables à mettre en place pour assurer la réussite du projet.
• Dans un deuxième temps, une stratégie et un plan de mise en œuvre de la LEPI sont proposés, incluant le mode opératoire, le calendrier de réalisation, les estimations budgétaires et les dispositions du cadre légal à revoir.
• La mission s’est déroulée du 1 er septembre au 9 octobre 2008. Elle était composée de deux experts, un expert en fichier électoral informatisé, Monsieur Félix SESSOU et d’un expert en législation et procédures électorales, Monsieur Michel PA TERNOTRE. Dans ce cadre, de nombreuses rencontres ont eu lieu avec les acteurs concernés au plan technique et institutionnel: le Gouvernement, l’Assemblée Nationale, les hautes Institutions, les forces politiques et la Société civile, ainsi que les partenaires techniques et financiers. Des ateliers de restitution ont été organisés le 6 et 7 décembre pour récolter les impressions de tous les acteurs intervenant dans le processus électoral.
• Toutes ces activités se sont déroulées en étroite coordination et sous la supervision du Secrétariat administratif permanent de la Commission électorale nationale autonome (SAP/CENA) et a bénéficié de l’appui de la Joint EC/UNDP Task Force pour l’assistance électorale.
Quelles sont les propositions techniques faites dans le rapport? Rappelons les grandes lignes:
• Etat de lieux. Le concept de liste électorale permanente informatisée s’est développé, depuis 1998, au travers d’études successives de faisabilité. Le présent rapport s’inscrit dans la continuation de ces précédents documents et rappelle donc, en préalable, cette généalogie afin que le lecteur puisse mieux appréhender les bases sur lesquelles reposent l’analyse et les conclusions de l’équipe d’experts.
• Méthodologie. Le mode opératoire global de la mise en place de la LEPI décrit dans ce rapport s’apparente à celle d’un recensement général de la population impliquant, dans un premier temps, l’établissement d’une cartographie censitaire, suivie ­dans un deuxième temps, de l’identification des individus âgés de 10 ans et plus dans les ménages auxquels ils appartiennent. Ceci permettra de constituer un socle d’information permettant la gestion d’un fichier national des électeurs sur une période de plusieurs années ainsi qu’un suivi statistique précis.
L’inscription effective des électeurs et l’enregistrement de leurs données personnelles, nominatives et biométriques, s’effectueraient dans un troisième temps, dans des centres de collecte de données, dont la localisation correspondrait pour l’essentiel aux anciens postes de recensement utilisés lors des élections précédentes, suivant un plan de déploiement par aires de collecte. Ceci nécessitera, durant toute la durée du processus, la mise en place d’une structure nationale décentralisée de coordination au niveau communal, le traitement des données ainsi collectées sera centralisé au sein d’un Centre National de Traitement.
La production des listes définitives n’interviendra qu’après dédoublonnage et apurement des données par affichage et recours.
Afin d’assurer la transparence du processus, il est prévu la publication des données à chaque étape, à commencer par les données statistiques précises issues du recensement jusqu’à la publication des listes d’inscrits par bureau de vote, incluant la photographie de ceux-ci.
Selon le schéma privilégié, la distribution des cartes d’électeurs sécurisées intervient, après l’achèvement du processus de vérification et d’apurement. La possibilité d’opter pour une délivrance immédiate est néanmoins examinée.

• Technologie. En matière de choix technologique, la mission a examiné diverses technologies mais recommande fortement le recours au kit d’enregistrement biométrique qui offre une bonne qualité de fiabilité et paraît le mieux à même de répondre aux exigences formulées.

• Pilotage. L’expérience de l’échec des tentatives précédentes de mise en place de la LEPI incite Ù être attentif aux risques d’échec s’il n’y a pas une large mobilisation. L’inclusivité est donc souhaitable. Mène s’il n’est pas possible d’aboutir à une unanimité, il importe d’associer un maximum d’acteurs (y compris politiques et société civile). Il sera assez rapidement nécessaire d’aborder la question d’un comité national de suivi. Son fonctionnement devrait être le plus ouvert possible.

• Calendrier. La mise en place d’une LEPI, si l’on considère que le pays sera subdivisé en six aires opérationnelles, prend au moins 15 mois. Un démarrage rapide de l’opération s’impose étant donné que tous les acteurs ont été unanimes sur la nécessité de finaliser de la LEPI au début 2010 pour rester hors de la période électorale. Pour cela, les préalables devraient être satisfaits début mars 2009.

• Budget. La mise en place de la LEPI, selon les modalités proposées, implique la mobilisation d’un budget significatif d’environ 16 milliards de F CFA.

• Faisabilité. La conclusion qui nous paraît la plus importante est que la mise en place d’une LEPI est techniquement faisable et qu’il existe une possibilité réelle et tangible de parvenir à réaliser cet objectif pour 2011. Néanmoins, avant d’entamer la phase de mise en œuvre, certaines décisions doivent être prises par les autorités du pays. 

PHASE DE DECISION
• Le rapport, dont la remise officielle nous réunit ici aujourd’hui, est un rapport technique et n’a donc pas la prétention de donner une réponse clé en main à des questions qui supposent des choix nationaux pas plus qu’il ne vise à se substituer, dans la détermination de ses choix, aux autorités nationales. En effet, sa remise marque la fin de la phase d’étude et le démarrage de la phase de décision qui doit précéder impérativement à la phase de mise en œuvre .
•Préalables juridiques. Le rapport analyse les dispositions techniques de la loi qui devront être révisées pour assurer la mise en œuvre de l’opération dans les meilleures conditions matérielles possibles et garantir la transparence du processus à chaque étape. Celles-ci se sont concentrées sur des dispositions qui, soit nécessitent une adaptation pour autoriser la mise en œuvre du mode opératoire proposé, soit visent à assurer une transparence accrue. Ces dispositions sont de nature purement techniques.
 Toutefois, le rapport plaide aussi pour une approche pragmatique sur deux sujets importants: la question des documents d’identité (article Il) et la mise sur pied d’une structure de gestion pour gérer le RENA (article 15).

– L’article 11 : il est nécessaire de modifier cet article pour éviter l’exclusion des électeurs dépourvus de documents d’identité. La LEP!, qui intègre dans le cadre du RENA une identification préalable des électeurs potentiels dans le ménage auquel ils appartiennent, vise précisément à limiter les inconvénients du manque de pièces d’identité. Cela ne résoudra pas tous les problèmes mais devrait en limiter fortement la portée.

– L’article 15 : Le problème résulte de la logique générale du texte qui demeure celle d’une informatisation a posteriori des listes manuscrites. La conséquence est une impasse juridique et le cadre légal doit clarifier à qui sera confié la supervision de tout le processus à partir du RENA
 
• Cependant, le calendrier souhaité par l’ensemble des acteurs ne laisse que peu de temps pour prendre les décisions. Il est donc important que les acteurs nationaux et internationaux se concentrent sur le saut qualitatif fondamental qui est proposé, même s’il est apparu qu’il n’est pas nécessairement possible de répondre à l’ensemble des préoccupations qui ont pu être soulevées.

PHASE DE MISE EN ŒUVRE
• Sur la base d’un accord national sur : (l) le mode opératoire de la LEPI et (2) les adaptations à effectuer au cadre juridique en conséquence, un mécanisme conjoint à plusieurs partenaires pourra être mis en place pour assurer l’appui financier et technique au travers d’un Panier commun géré par le PNUD. Ce Panier, qui est conforme aux principes de la Déclaration de Paris, sera géré sur base de deux documents clés, à savoir, le «Document de projet» et le «Protocole d’Accord».

• A ce jour, quatre partenaires, qui sont le PNUD, les Pays-Bas, le Danemark et la Commission européenne, ont confirmé leur disponibilité financière à participer au Panier commun. Les autres partenaires ont marqué leur volonté d’appuyer la LEPI en fonction du processus retenu.

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