Le chantier de Calavi et les déboires des populations
Les travaux de construction de l’autoroute Godomey-Calavi évoluent à un rythme d’enfer, rendant peu facile la circulation des populations riveraines et autres usagers de route. Les mesures annoncées pour réduire les désagrégements demeurent imperceptibles sur le terrain, à l’exception de quelques actions sporadiques.
Du vrai calvaire désormais pour ce jeune enseignant, qui quitte tous les matins, Calavi pour se rendre dans un collège à Cotonou. Adambi Pierre vit des «instants périlleux» dès qu’il aborde la voie en reconstruction. «Tout est sens dessus dessous sur le chantier. Il n’y a aucun respect pour les usagers. Aucune signalisation pour les déviations… Non, trop c’est trop » décrie-t-il. Il n’est pas le seul à se plaindre des désagréments subis. Presque tous les usagers en parlent avec la même verve. Automobilistes, cyclistes et piétons disent en avoir ras-le-bol.
Cosme Dossou, est l’un de ces nombreux conducteurs de taxi-motos, communément appelés « Zémidjan » qui traversent, au quotidien, le chantier. «J’ai comme l’impression que les entrepreneurs et les ouvriers se foutent royalement de nous. Leurs problèmes à eux, est de vite terminer. Mais nous n’allons pas attendre à la maison la fin des travaux avant d’emprunter de nouveau cette voie » s’offusque-t-il, en dépoussiérant rageusement son uniforme jaune.
«Vous voyez, ça, c’est un autre grand problème. Il y a une forte poussière sur cette voie, rendant parfois, tout invisible » râle un autre conducteur, croisé au carrefour de Godomey, qui s’empresse vers Cotonou. Car l’heure avance. Et il faut qu’il «mange».
De la poussière ? Il y en a vraiment sur ce chantier. Les témoignages s’accompagnent souvent des lamentations chez les fonctionnaires qui s’habillent «chic» avant de sortir. Ceux qui roulent à moto ont leur sort scellé d’avance. Plus question de porter du blanc ou des couleurs apparentées, si l’on tient à maintenir l’éclat de sa tenue jusqu’au bureau. Pour les plus nantis, qui possèdent des véhicules climatisés, la poussière les envahit moins, mais les parties externes de l’automobile ne sont guère épargnées. «Je passe désormais tous les matins chez un laveur auto situé à Mènontin avant de me rendre au service » confie un haut cadre de l’administration.
Face à la poussière, l’arrosage régulier de la voie a été imposé par le gouvernement aux exécutants du projet. Peine perdue. Il est de plus en plus irrégulier. «Nous avons déjà assez de difficultés d’approvisionnement en eau pour les vrais travaux et s’il faut en consacrer autant pour la poussière, nous risquons de ne pas vite les achever » se défend un conducteur des engins lourds du chantier.
Des inquiétudes…
Au ministère des travaux publics, l’inquiétude gagne les rangs quant au délai en vigueur pour l’achèvement des travaux. Les désagréments qui se multiplient sur le terrain sont moins évoqués. On les traite «d’éphémères». A chacun ses soucis. Le gouvernement du Dr Boni Yayi piaffe d’impatience : le projet doit vite aboutir. Lancés en effet, le 24 octobre dernier par le Président de la République, les travaux devraient en principe durer 24 mois, conformément au contrat signé avec l’entreprise Reynolds Construction Company, qui en a la charge.
Mais tout laisse croire, à ce jour, que le chantier se poursuivra bien au-delà. Lors d’une récente descente sur le terrain, le constat fait par le gouvernement est peu encourageant : 20% seulement des travaux sont déjà exécutés, alors que le délai contractuel aurait déjà atteint 60%. «Les retards notés ne sont pas de notre ressort. Vous même, vous voyez comment la circulation se passe sur cette voie. Nous sommes en permanence empêchés dans l’évolution des tâches par des usagers de tous genres, surtout les conducteurs de gros porteurs, qui parfois, endommagent les premiers montages » dénonce un responsable de l’entreprise Reynolds qui a requis l’anonymat.
Pourtant, le gouvernement avait, au lancement des travaux, pris certaines mesures pour créer des axes de déviation aux gros porteurs. Ainsi, les camions, gros bus et autres véhicules lourds en provenance de Bohicon devraient dévier dès leur arrivée à Allada, et ceux venant de Cotonou, devraient prendre par Cocotomey via Ouidah pour rallier la route Cotonou – Bohicon, à la hauteur d’Allada également. Hélas, ces mesures n’ont pas fait long feu. Les gros porteurs sont de retour sur le chantier et disputent férocement les couloirs de circulation avec les véhicules légers.
Si en décidant de reconstruire cette voie, le gouvernement de Boni Yayi entend «améliorer la fluidité du trafic entre Godomey et Abomey-Calavi par une offre de capacité routière doublée et une meilleure gestion des carrefours », il devrait dans le même temps œuvrer pour que les deux ans de travaux prévus n’agissent pas trop négativement sur le trafic en explosion sur ce tronçon. Même si un adage dit qu’on ne fait pas les omelettes sans casser les œufs, il est important de savoir les casser pour que le produit qui en ressort ne soit pas atteint.
Grand projet et gros désagréments
10,5 kilomètres de chaussée unidirectionnelle, à deux voies, de chaque côté ; construction de trois carrefours à feux coordonnables ; aménagement des aires de stationnement ; dédoublement du pont de Godomey de 21 mètres de longueur; aménagement de passage piéton sécurisé pour permettre la traversée de l’autoroute ; remplacement dans leur totalité, des réseaux électriques, d’eau et des télécommunications…
Le joyau tant attendu à l’issue des travaux laisse rêveur, sans doute. Mais pour le moment, les populations veulent être mieux traitées dans la conduite du chantier. Elles ne demandent que l’application des mesures annoncées à grand renfort médiatique visant à les mettre à l’abri de tout désagrément. Que deviennent par exemple, les instructions données par le ministre des transports aux chefs chantier de tenir compte non seulement des normes de sécurité pour pallier aux risques d’accident mais également de se rappeler que cette voie est le corridor du Bénin, passage obligé de sortie ou d’entrée au Bénin ?q Christian Tchanou
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