/food/gnonhoue.jpg » hspace= »6″ alt= »J-B Gnonhoué » title= »J-B Gnonhoué » » /> La contribution de Jean-Baptiste Gnonhoué
La compétence universelle, ce mécanisme particulier en droit pénal, fait partie des thèmes débattus avec passion lors du dernier sommet de l’Union Africaine. J’estime que l’occasion m’est offerte de contribuer au débat sans passion, mais avec fermeté en prenant en compte la signification de la compétence universelle, son intérêt et le laxisme notoire des Etats Africains quant à la répression des infractions graves.
Avant toute chose, il convient de rappeler que traditionnellement, un Etat exerce sa compétence territoriale en réprimant un crime commis sur son territoire, et que le droit international lui reconnaît aussi, une compétence extraterritoriale de nationalité, dite personnelle active ou passive selon le cas.
La compétence universelle qui fait l’objet de débat en ce moment, est un mécanisme d’exception qui s’applique aux exactions foncièrement graves, qualifiées de crimes internationaux comme le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre etc. Elle permet à un Etat qui l’a adoptée en bonne et due forme de juger sur son territoire, toute personne présumée coupable de l’un de ces crimes commis à l’étranger, et cela, quelle que soit la nationalité de la victime.
La piraterie maritime a été la première infraction qui a donné lieu au mécanisme de compétence universelle, reconnu d’abord par le droit international coutumier, ensuite par le droit international conventionnel à travers la convention de Montego Bay sur le droit de la mer.
Cette compétence spéciale ne s’exerce pas au pied levé. Elle exige des Etats, l’intégration correcte dans leurs législations nationales des instruments juridiques pertinents tels que : la convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, dont nous venons de célébrer le soixantième anniversaire, les conventions de Genève du 12 Août 1949, la convention contre la torture de 1984.
De plus, en raison du fait que depuis 1980, les conventions de Genève relèvent du droit international coutumier, donc opposables à tous, le Conseil de Sécurité, dans une déclaration présidentielle, a demandé aux Etats d’adapter leur droit interne pour intégrer le principe de compétence universelle leur permettant de réprimer les infractions graves quels que soient le lieu de commission, la nationalité des auteurs et celle des victimes. Je donne évidemment raison à l’organe politique de l’ONU, parce que l’interdiction d’atteinte grave à la dignité humaine est une norme impérative sous la forme d’une obligation erga omnès.
L’exercice de la compétence universelle requiert aussi la formation adéquate des magistrats et des avocats, à laquelle il faut ajouter la prise en compte de principes à la fois nécessaires et indispensables, dont voici pêle-mêle quelque uns : défaut de pertinence de la qualité officielle, aucune amnistie n’est possible, pas de prescription, l’ordre hiérarchique, la contrainte et l’Etat de nécessité ne doivent pas constituer des arguments de défense, pas d’ingérence politique, les crimes doivent faire l’objet d’enquête et de poursuites appropriées, les droits de la défense doivent être garantis, la sauvegarde des intérêts des victimes, la coopération internationale lors des enquêtes et des poursuites.
Les Etats et la compétence universelle
Les Etats, principalement ceux du Continent Africain ne semblent pas percevoir l’intérêt particulier de ce mécanisme au regard de la lutte contre l’impunité. A mon sens, il permet d’ouvrir à terme la voie à la dissuasion en vue de la protection de la dignité humaine, un devoir qui, aux termes du droit international contemporain s’impose à tous les Etats. Que ceux-ci, dans leur immense majorité, ne remplissent pas cette obligation erga omnès, est, de toute évidence, quelque chose d’intolérable, d’autant plus qu’ils ont presque tous ratifié les instruments juridiques qui l’ont prévue.
Les Etats doivent savoir qu’ils agissent au nom de la communauté internationale en exerçant la compétence universelle pour les crimes les plus odieux, les actes qui sont en quelque sorte des manifestations d’hostilité au genre humain. Il est fondamental de retenir qu’il est du devoir de chaque Etat de mettre en place un dispositif légal adéquat pour punir toute personne qui prend de graves libertés à l’égard de la vie et de la dignité en sombrant dans des actes foncièrement barbares comme le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Actuellement, des pays de l’Union Européenne et le Canada ont adopté chacun à sa manière le principe de compétence universelle. Ce qu’il faut véritablement, c’est une application à tous les crimes internationaux sans prendre exclusivement pour critère la présence du suspect sur le territoire. Ce qui implique une coopération judiciaire internationale sans faille de manière qu’il n’y ait de Havre nulle part pour les auteurs de crimes internationaux.
Mon opinion sur les critiques de l’Union Africaine
L’élément détonateur, si je ne m’abuse, a été l’exécution du mandat d’arrêt international émis par la justice française à l’encontre du chef de protocole du président rwandais sur la base du principe de compétence universelle. Cet événement, comme je m’y attendais, a suscité de vives passions. Je me fais le devoir de ne pas me focaliser sur la personne du chef de protocole du président Paul Kagamé.
Ce qui me paraît primordial, c’est que ces critiques formulées avec passion au dernier sommet de L’Union Africaine m’amènent à dire sans complaisance que les Etats africains ont eux aussi le droit et même le devoir, en vertu du droit international contemporain, d’adopter le principe de compétence universelle, ce mécanisme d’exception qui leur permet de punir sur leur territoire tout auteur de crimes internationaux d’où qu’il soit.
Alors, où est le problème ? Pourquoi toute cette cabale ? Il importe tout simplement qu’ils sortent du laxisme pour se conformer au droit international en ce qui concerne les crimes internationaux à l’instar des occidentaux. Point n’est besoin de s’insurger contre les blancs, puisque la compétence universelle est à la portée de tous, en vue de renforcer la justice internationale, de consolider la judiciarisation internationale des infractions graves. Je ne suis pas d’avis que l’on taxe les Européens d’abus de compétence universelle.
J’affirme sans détour que rien n’empêche les africains de s’approprier le même mécanisme et de contribuer à l’instauration d’un Etat de droit international. Il appartient aux dirigeants africains de se départir de la solidarité qu’on observe dans leurs rangs à divers égards pour devenir des acteurs dynamiques de la justice internationale. On parle sans cesse de solutions africaines aux problèmes africains. Mais, je ne vois presque rien venir en matière de répression des crimes internationaux qui surviennent ça et là sur le continent. Où allons-nous en ce début de siècle ? Où sont les solutions africaines à ces crimes odieux ?
Pour conclure, je répéterai que la compétence universelle est à la portée de tous. Il est à souhaiter que nos dirigeants se l’approprient en vue de dissuader les grands criminels potentiels, qu’ils soient blancs ou noirs. Ils contribueront ainsi à l’instauration de la paix aussi bien sur le Continent Africain qu’ailleurs.
(Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale)