Opinion de Binason Avèkes

{mosimage} Le Banquier et le Politique
Les lieux communs et images d’Epinal associés au président Béninois façon Renouveau Démocratique sont maintenant connus. A en croire les agitations médiatiques le bon candidat à la fonction de Président doit :
– Être économiste
 
– Ancien ou Actuel Fonctionnaire International
 
– Être Directeur d’une Banque Ouest-africaine dont le siège est de préférence à quelques encablures de Cotonou.
 
– Être originaire du Nord
 
Et enfin, être adoubé par une subtile coterie de soi-disant faiseurs de rois dont le savoir-faire remonte comme leur âge, à Mathusalem ; venimeuse coterie dont les membres sous d’autres cieux plus démocratiques auraient mérité leur droit à la retraite.
 
Et dans la manière dont se met en place les combinaisons préélectorales, cette manière qui va sans dire de nous imposer tel ou tel candidat qui correspond à ce schéma, on se demande où est la liberté de discernement du peuple ? Où est sa liberté de choix qui fait le fondement de la démocratie et donne tout leur sens aux élections démocratiques ? Sommes-nous dans un système censitaire où le vote du Président se décide par quelques happy-few ?

Sommes-nous dans un système théologique où l’élection du Président se fait en conclave par quelques vieux cardinaux politiques autoproclamés ? Le plus triste dans cette dérive qui s’ignore en tant que telle c’est le blanc-seing qu’on est parvenu à donner au banquier dans l’imaginaire citoyen de notre démocratie. Le rôle salvateur et positif qu’on est venu à supposer que le banquier peut jouer au niveau suprême et ce conditionnement collectif du peuple à lui donner le bon Dieu sans confession. Erreur éthique monumentale ! Il est vrai que la pauvreté et la corruption sont passées par là.

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Pauvreté criarde de la multitude frustrée face à une minorité insolente de voleurs sans scrupule, enrichis sur le dos du peuple. Alors, la frustration aiguise le rêve, le rêve du fric-roi, le rêve du tout-argent, le rêve de l’enrichissement facile sinon magique ; rêves que l’actuel régime à résumé en un raccourci sordide à travers le symbole malsain et malvenu du cauris – cette ancienne monnaie d’échange qui avait cours sur les marchés d’esclaves où se vendaient nos frères et sœurs…
Mais à y voir de près, c’est faire l’apologie de l’immoralité que de confier les rênes d’un pays désireux de progrès humain et de justice sociale à un banquier. Erreur éthique monumentale !
 
Au moment même où l’un des vecteurs programmatiques du changement dans notre société était axé sur la nécessité de moraliser la vie publique, le banquier est la dernière personne à laquelle il convenait de faire appel pour la diriger. Le banquier ne peut pas être le cocher d’un attelage national destiné à atteindre le cap de bonne espérance social et humain ; tout au plus peut-il être un cheval – ministre de l’économie ou autre – dont les rênes sont fermement tenues par un homme idoine, expérimenté, mûr et moralement confirmé. Car en effet, le banquier est un magouilleur professionnel, un falsificateur de compte, un mélangeur de registre, un prestidigitateur en matière comptable, un manieur en diable de l’argent sale.
 
On le voit bien avec la crise financière qui secoue les économies mondiales, et qui provient en grande partie des malversations cumulées dans les milieux de la haute fiance internationale. Tout cela prouve qu’il n’y a rien de plus aventureux, de plus malsain et de plus dangereux que de confier les rênes d’un pays appauvri et corrompu à un homme sous prétexte qu’il est banquier. Le banquier n’a pas le profil éthique ni l’éthos ni l’habitus de l’homme du peuple comme le définissait un Chinua Achebe ; il n’a pas la fibre politique du politique au sens d’un Max Weber, encore moins les dispositions charismatique d’un timonier national.
 
L’orientation collective, l’adhésion d’une nation, d’un peuple à un homme, un guide est une chose trop sérieuse pour être abaissée au seul culte monothéiste du Dieu-Argent.
 
L’émergence au sommet de la figure du banquier est une erreur monumentale, un contresens et un consensus frauduleux. Et le règne de Yayi Boni dont il sied de fermer la parenthèse calamiteuse, en offre un exemple malheureusement éloquent. Dans ces conditions, quoi de plus consternant que de voir la figure du Banquier aspirant au rôle politique suprême se poser comme le modèle incontournable et évident du Président au Bénin. Cette naturalisation frauduleuse participe à n’en pas douter d’un dévoiement des dimensions éthiques et pratiques inhérentes à la fonction politique. Au-delà du scandale que constitue la naturalisation de cette figure obtenue par chantage à la frustration du peuple, dans l’intérêt de notre démocratie, il sied de rejeter avec vigueur tous les consensus frauduleux, et les prêt-à-porter politiques qui tentent de prendre en otage la liberté du peuple en l’enfermant dans une formule.
 
Le peuple béninois n’est pas dupe. Il a déjà plus d’une fois démontré au monde et à lui-même l’acuité de son intelligence politique. Puisse cette maturité battre en brèche les entreprises des lobbies et autres coteries infâmes tapies dans l’ombre et dont les images d’Epinal et les formules clés en mains ne visent à nouveau qu’à confisquer la liberté du peuple !
 
Binason Avèkes (Journaliste béninois)

http://illassa-benoit.over-blog.com

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