Du soutien pour Réckya Madougou : LETTRE OUVERTE A MES COMPATRIOTES Pardonnons mais n’oublions pas ! Si l’on veut nous contraindre à oublier des pans de notre histoire, c’est bien que certains passages sont douloureux, voire très douloureux. Mais nous ne serons pas tous des amnésiques.
J’ai lu le livre de madame Madougou MON COMBAT POUR LA PAROLE dans mon froid québécois et cela m’a réchauffé le cœur. J’ai eu honte de moi pour n’avoir pas fini la rédaction du mien entamé depuis 2006 sur les errements du système Kérékou.
Je me suis surpris à relire une deuxième fois le livre de madame Madougou à la recherche désespérée des injures à l’endroit du Président Mathieu Kérékou. Je n’en ai point trouvées. Par contre j’y ai découvert :
1- une citoyenne qui rend compte de son action et pendant qu’elle était encore dans le feu de l’action selon ce qu’elle a écrit elle-même « puis-je oser conclure un livre qui au fur- et- à- mesure de sa rédaction s’est révélé et se révèle comme une mémoire de l’action encore encours, le tracé d’une somme d’expériences encore entrain d’être conduites. » P.195
2- une militante qui a vécu des intimidations et pressions de toutes natures dans une lutte éprouvée contre les dignitaires au pouvoir, ceux là même qui ont soit participé au pillage des ressources publiques soit ont laissé faire avec pour règle de complicité, l’impunité.
3- Des passages qui évoquent même les qualités de Mathieu Kérékou:
a. « Le charisme de Mathieu Kérékou a ceci de particulier qu’il finit toujours par rallier à sa cause ses adversaires les plus déterminés. Certes l’homme à des qualités humaines qui lui ont permis d’échapper à certains extrêmes dans l’art dictatorial à la sauce africaine ». P. 57. Encore qu’ici je trouve l’auteure trop clémente car les extrêmes, nous en avons bien connus avec Kérékou pendant la dictature marxiste et des familles entières en portent encore les séquelles à ce jour. Demandez aux enfants de feu Aikpé, à Baparapé, à Yansunu et des milliers d’autres qui sont passés dans les geôles de Segbana si les peines endurées se sont estompées.
b. « L’un des mérites indéniables de Kérékou est d’avoir enrayé le cycle d’instabilité que le Bénin a connu pendant les douze premières années de son indépendance. » P. 67.
c. Certains extraits positionnent même Mathieu Kérékou comme homme de paix. L’auteur en évoque la raison de la prise en compte des décisions de la conférence nationale ; là encore bienqu’on ne peut occulter de saluer le fait que Mathieu Kérékou soit revenu sur sa première décision que l’on connaît à travers la célèbre interjection « Qu’on ne nous dise pas démissionne », le succès de cette conférence est dû au génie de tout le peuple béninois avec à sa tête feu Monseigneur Isidore de Souza.
Tout le monde se souviendra des affaires retentissantes du mandat de Kérékou et qui ont largement fait échos dans la presse et dans nos maisons : SONACOP quasiment offert à un ami, DEFIS EMPLOI JEUNES pour la gestion de l’escorte aux mains du fiston qui est passé de l’assistanat à l’opulence, licences GSM bradées par des ministres au gouvernement, scandale du grand receleur Amani Tidjani dont les enquêtes ont établi des liens directs avec des enfants et proches du pouvoir Kérékou … L’auteure n’a donc rien inventé.
Après ces constats, ma conclusion est que bon nombre de compatriotes n’ont pas lu ce livre avant de se laisser manipuler par ceux là même qui hier dépouillaient sans scrupule les ressources de notre pays et nous narguaient dans leur langage. Je n’ai pas envie de rappeler tous les scandales qui ont éclatés aux mandats de Kérékou ; tout le monde les connaît et d’ailleurs plusieurs auteurs avant Reckya Madougou en ont largement évoqué bien des aspects. Je caresse encore dans mes archives des chefs-d’œuvre comme
LES VRAIES COULEURS DU CAMELEON, CREPUSCULE D’UN DICTATEUR, etc.
Que les Kérékouistes se calment car l’histoire est têtue. Les faits de malversations sous Kérékou II ont été suffisamment graves pour qu’un simple changement de régime les fasse oublier. La sagesse populaire dit qu’il ne faut pas voir là où on est tombé mais se préoccuper de l’endroit où l’on a trébuché. Le Président Boni YAYI lui-même gagnerait à nous ressortir enfin les dossiers de l’état des lieux qu’il a sollicité dès son arrivée au pouvoir pour davantage situer le peuple. Faute de quoi nous continuerons d’assister au spectacle désobligeant de l’heure où l’on veut nous présenter le président Kérékou comme un saint.
A lire certaines réactions je m’étonne que l’on tente d’interdire à une citoyenne de raconter son vécu parce que mettant en scène entre autre un Général-Président, parce que l’auteure serait trop jeune pour se le permettre, parce qu’elle appartiendrait aujourd’hui à un gouvernement… Tous les arguments sont donc bons pour nous museler sur la mauvaise gestion qui a spolié notre pays. En parler me semble t-il est une thérapie et une mise en garde pour la postérité pour que plus jamais nous ne nous laissions dépouiller et museler.
Je voudrais juste rappeler qu’un brillant journaliste de mon pays, en poste à la Nation, l’organe de presse public, a publié récemment « Scandales sous YAYI », sur un président en fonction sans que cela ne suscite émoi. Je préfère de loin cette approche car parallélisme des formes oblige, que les Kérékouistes fassent l’effort intellectuel d’aller écrire les prouesses de leur idole dans un livre plutôt que les diatribes auxquelles ils nous soumettent, à moins que leurs trésors amassés indûment sur le dos des populations ne leurs servent qu’à multiplier la construction des châteaux ou orner leurs comptes en suisse et autres paradis fiscaux.
Madame Madougou, continuez votre combat, notre combat pour la parole, et même si aujourd’hui on ne vous le reconnaît pas, votre nom est à jamais gravé dans les anales de notre pays pour votre courage. Résistez à la pression et à la récupération politique que font vos ennemis et ceux du président Boni YAYI. Ils veulent profiter d’un livre, écrit par la jeune femme que vous êtes, pour ternir l’image du président Boni YAYI afin de positionner leur candidat comme alternative. Quelle faiblesse ! Et comme ils n’ont jamais digéré votre action « Touche pas à ma constitution » qui a contribué à les empêcher de s’éterniser au pouvoir, ils veulent se servir de votre propre livre pour assouvir une vieille vengeance. Que les diverses menaces et intimidations n’émoussent pas vos convictions et que Dieu et les mânes de nos ancêtres vous garde ! Amen.
A l’endroit de mes compatriotes je me contenterai de citer le grand chercheur Einstein qui dit « le monde est mauvais ; ce n’est pas tant des méfaits des méchants mais du fait de ceux qui observent et laissent faire ». Apprenons à encourager ceux qui refusent de laisser faire à défaut d’agir nous mêmes.
Marouf TAMOU
PHD en Economie de développement
Enseignant-Chercheur
Québec / Canada
tamarou@yahoo.fr