Réactions contre le livre de Reckyath Madougou

R. Madougou Les dessous de la polémique
Les attaques contre l’ouvrage de la ministre des micro-finances, Reckyath Madougou, sont loin d’une simple réaction d’indignation. Récupération politique, règlements de compte, intentions malveillantes de créer d’ennuis à l’autrui sont au rendez-vous. Le livre « Mon combat pour la parole » de Reckyath Madougou continue de faire des vagues. Des réactions fusent de toutes parts pour l’attaquer.
Dans la rue, l’administration publique et partout, son ouvrage fait l’objet des commentaires. Elle est accusée d’avoir vilipendé l’ancien président de la République, Mathieu Kérékou, pour la gestion mafieuse des affaires publiques érigée en système de direction en son temps.

Son fils Modeste s’est fait plus remarquer dans ses réactions. Mais pourquoi tant d’acharnements contre une femme qui a écrit ce que tout le monde sait déjà ? C’est au temps de Kérékou qu’il y a eu l’affaire Hamani Tidjani. Le jour où ce bandit a été arrêté et conduit devant le procureur de la République, il a été relâché et ramené à son domicile sous escorte militaire. Il avait fallu la réaction de l’ancien président nigérian, Olusegun Obasanjo, pour mettre la main sur lui. Cela n‘est-il pas l’œuvre de la mafia ?

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On se soutient encore d’El hadji Karaoké qui faisait les affaires avec les hauts responsables du pays à l’époque. Mme Anne Cica Adjaï n’avait-elle pas dit que les ministres de Kérékou étaient corrompus à 95% ? Les dernières années de Kérékou ont été caractérisées par la corruption, l’impunité, la gabegie et autres tares de l’administration. La génération a besoin de connaître l’histoire de son pays. Ce faisant, Madougou n’a fait que conter les événements passés.

Récupération politique
A analyser de près la situation, c’est la position actuelle de l’acteur du livre et le contexte politique qui sont à la base de la polémique. Beaucoup d’hommes politiques veulent certainement se saisir de ce chef-d’œuvre pour en faire une récupération politique qui leur permettra de briser les relations entre les présidents Kérékou et Yayi. Les élections de 2011 obligent. Même dans ses filaos, l’ancien président de la République est capable de beaucoup de choses dans les tractations politiques. Les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) et leurs adversaires se battent autour de lui.

On se souvient qu’à l’ouverture des travaux sur la francophonie en 1995 à Cotonou, le président Nicéphore avait critiqué sa gestion pendant la période révolutionnaire. Les politiciens béninois avaient profité de cette occasion pour aller réveiller le chat qui dormait. C’est ainsi qu’ils l’avaient poussé à revenir aux affaires en 1996. Aujourd’hui, il ne peut plus se présenter à une élection présidentielle. Toutefois, il est capable de bouleverser beaucoup de choses. Comme actuellement, le président Boni Yayi est en disgrâce avec la classe politique dont fait partie Kérékou, l’ouvrage est bien venu pour lui compliquer la tâche.

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Ce qui justifie cette thèse est que l’accusé n’a pas réagi. Ce qui n’est pas étonnant dans la mesure où il ne fait pas d’histoires sur les écrits contre sa personne. Il n’est pas alors normal d’être plus royaliste que le roi. Durant tout le temps qu’il est resté au pouvoir, il n’a jamais assigné un journaliste, malgré tout ce qui s’écrivait contre lui. Janvier Yahoudéhou, actuel député-Fcbe, a publié « Les vraies couleurs du caméléon » et « Le crépuscule d’un dictateur » dans lesquels il avait trop attaqué le président Mathieu Kérékou.

Et pourtant, il n’y avait pas eu ces genres de réactions et de polémiques. Où étaient alors Modeste Kérékou et ceux qui crient aujourd’hui, si tant est que le Général est leur idole ? M. Yahoudéhou a-t-il l’exclusivité du droit de critiquer l’ancien président de la République ? Après la polémique, il est tant de laisser les Béninois juger Reckyath Madougou. Néanmoins, ce qu’elle a dénoncé dans son livre est encore en vogue à l’ère du changement. C’est dire que la mafia s’est enracinée dans le régime du président Boni Yayi dans lequel elle est ministre. Les Béninois espèrent qu’un jour elle sortira aussi un ouvrage pour dénoncer les tares du régime actuel. Ce serait sa véritable manière de continuer son combat pour la parole.
Jules Yaovi Maoussi

Un faux débat
Dans une certaine mesure, la ministre de la micro finance devrait se réjouir du tollé que son ouvrage suscite, suite à la polémique dont il est l’objet. Car, plus d’un Béninois ont dû se décider à se le  procurer, rien que pour savoir  ce qu’il renferme pour mériter tant de réactions et d’invectives au point que d’aucuns en ont fait leur affaire personnelle. Si bien que le sujet est presque sur toutes les lèvres, chacun voulant savoir ce qui fait la raison d’être de la querelle entre Réckya Madougou et ceux qui la prennent en adversité. Au fond pas grand chose. Pourquoi ?

En fait le débat actuel porte fondamentalement sur un extrait du fameux ouvrage dans lequel l’auteure dénonce l’ancien président de la République Mathieu Kérékou qu’elle accuse d’avoir géré un système composé de mafieux. Voyant l’objet de la polémique, on se demande ce qui fait le problème. Emettre un pareil jugement sur le régime défunt ne devrait offusquer personne Mais il devrait plutôt relever d’un constat tout à fait normal qui ne devrait ébranler aucun Béninois. Non seulement le dire ou l’écrire devrait aller de soi, mais c’est que Réckya Madougou n’est pas la première personne à l’avoir dit et écrit. Et si on devait lui faire un procès pour l’avoir écrit, on devrait en faire autant à tous les Béninois qui, chacun selon la forme ou à sa manière, ont déjà eu à médire sur les régimes I et II de kérékou, dont le bilan de la gestion a été reconnu très catastrophique.

Abstention faite bien entendu des 17 ou 18 ans de la période militaro-révolutionnaire qui s’est révélée pire. D’ailleurs, les bourreaux de la jeune ministre se gardent bien eux-mêmes de s’aventurer sur  cette époque qui n’a été qu’un souvenir amer pour les Béninois qui l’ont connue. Les dirigeants d’alors, rattrapés par leur propre turpitude, pour s’être retrouvés avec un pays totalement exsangue et en faillite, ont dû  finir par jeter leur dévolu sur la conférence des forces vives de la nation, dont nous célébrons d’ailleurs actuellement le 19e anniversaire, qui a permis de sortir le pays du gouffre.

Mais pas pour longtemps, puisqu’ils reviendront à la charge en 1996, pour perpétuer le même type de gestion, cette fois-ci dans un environnement moins stressant pour la population. Si bien qu’en 2006, il était impossible de dresser le moindre bilan positif en faveur du pouvoir déchu de Kérékou,  hormis, heureusement, la liberté de la presse. Les journalistes sous son règne étaient épargnés des poursuites, en dépit des dénonciations qu’ils faisaient des nombreux scandales économiques qui ont émaillé ses  dix nouvelles années  de gestion, dont le simple rappel vaut aujourd’hui à  Réckya Madougou la foudre plutôt ridicule de certains, réputés parmi les privilégiés  dudit régime.

Puisqu’on on se rend compte, au demeurant, que la polémique entretenue sur l’ouvrage « Mon combat pour la parole » et son auteur  n’a pas de sens, on imagine alors que ces derniers constituent peut-être un prétexte pour atteindre Boni Yayi. En montant en épingle le faux débat sur l’ouvrage, les tenants  de la polémique espèrent certainement réveiller la colère de Kérékou contre le chef de l’Etat. Sinon pourquoi c’est le fils et d’autres qui s’agitent alors que l’intéressé lui-même, qui conservent encore tous ses sens, ne pipe mot. Parce qu’il sait que ce que la ministre a écrit est une vérité qu’il avait déjà entendue n fois.
Alain C. Assogba

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