L’enfer sur l’axe routier Cotonou-Porto-Novo
Samedi noir pour les usagers de la voie Cotonou-Porto-Novo. Une veille de Pâques cauchemardesque pour tous, les 30 kilomètres qui séparent les deux villes, ont été parcourus en trois, voire quatre heures, quand les moteurs des véhicules ainsi mis à rude épreuve ne lâchaient pas et conducteurs et passagers.
Deux gros camions lourdement chargés s’étaient affaissés sur la voie. Ils ont été à l’origine de ce bouchon monstre. Pâques que les chrétiens se préparaient à fêter dans la joie de la résurrection se para soudain, pour des milliers d’usagers de la voie, des couleurs blafardes d’un long calvaire.
Mais, comme le dit l’adage, à quelque chose malheur est bon. De précieux enseignements sont à tirer de cet accident. Il est survenu, faut-il le rappeler, entre les deux plus grandes villes de notre pays : la capitale économique d’un côté, la capitale administrative et politique de l’autre. Ces deux villes concentrent le plus clair des ressources de tout le pays.
Elles devraient disposer, de ce fait, des moyens logistiques nécessaires pour une prompte et efficace intervention. Mais rien n’est venu répondre à l’attente désespérée des usagers. Nous voilà face à un cas de sous-équipement criard, juste expression de notre sous-développement profond. Laisserions-nous faire sans agir, ici et maintenant ?
Quand nous aurions appris à chiffrer les préjudices subis en valeur de temps et d’argent, c’est-à-dire en millions perdus, en milliards partis en fumée, peut-être nous jugerions-nous aptes à adhérer à une triple nécessité. Celle, d’une part, de nous équiper pour pouvoir faire face à toutes éventualités, au lieu de faire payer aux innocents usagers de la voie les conséquences de nos défaillances et de nos carences. Celle, d’autre part, de déterminer toutes les responsabilités pour décourager l’impunité et pour exiger réparation. Enfin, celle de faire chaque fois un exemple, après avoir gravé dans toutes les consciences : « Casseur, payeur ! »
Un autre enseignement : il faut homologuer le gabarit des gros véhicules de transport dans un espace comme celui de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), par exemple, et en faire de même pour leur chargement. Le tout doit être assorti d’une visite technique en bonne et due forme, pour que nos voies expresses ne portent plus en vain une telle appellation. La pagaille actuelle saute aux yeux. Elle n’a que trop duré.
Et puis, que transporte-t-on tant d’un pays à l’autre, dans un contexte d’insécurité chaque jour accrue ou de trafic illicite en constante augmentation ? Sans contrôle responsable, en s’aidant des moyens les plus appropriés, voire les plus sophistiqués, la libre circulation des personnes et des biens, principe louable s’il en est, risque fort d’être réduit à un simple paravent : une prime au crime, un coup de pouce aux trafics les plus illicites.
En outre, nous devons nous interroger sur l’absence de toute solution alternative quand survient, sur cet axe routier hautement stratégique, un accident à même de le paralyser. Autant le constructeur a jugé utile d’équiper nos différents véhicules de roue de rechange, autant nous devons nous obliger à doter certains de nos axes routiers importants d’un dispositif alternatif de secours. La paralysie totale, pour une raison ou pour une autre, participe d’une grave faiblesse à faire relever de la myopie dans l’ordre de la prévision et de l’anticipation.
Et puis, il est temps, sur l’axe Cotonou-Porto-Novo, de procéder à une expertise de tous les grands carrefours construits en même temps que l’ouvrage. Ces carrefours sont-ils aux normes ? Ne sont-ils pas quelque peu surdimensionnés ? Une touche corrective, dans ce cas, ne serait-il pas nécessaire ? Des questions que nous ne devons cesser de nous poser, et auxquelles nous sommes tenus d’apporter des réponses claires et précises.
Enfin, l’immense bouchon du week-end pascal sur l’axe Cotonou-Porto-Novo nous a permis de mesurer ce qui nous reste encore de progrès à faire sur le plan de la discipline individuelle et des comportements citoyens responsables. Les astuces inventées par certains conducteurs pour en embêter d’autres ou leur voler la priorité ont singulièrement compliqué une situation déjà fort complexe. Les actes irréfléchis ont conduit plus d’un à faucher de jeunes plantes ou à endommager des trottoirs, à circuler sur les terre-pleins, à ignorer les sens interdits, à disputer le moindre espace aux conducteurs d’engins à deux roues. Nous vous faisons grâce, dans ce désordre orchestré, des injures proférées, des noms d’oiseaux échangés, des insanités distillées. Et si nous décidions, au lendemain de ce malheureux accident, de nous inscrire tous à l’école de la décence et des bienséances ?
Jérôme Carlos