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L’Onu et la justice internationale
Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, mis en place par les puissances victorieuses au lendemain de la deuxième guerre mondiale, constituaient les premières institutions emblématiques de la justice internationale vers la fin de la première moitié du siècle passé.
La justice nationale, l’un des pouvoirs régaliens de l’Etat, contrairement à la justice internationale, a l’avantage d’être hiérarchisée et centralisée. Le pouvoir d’Etat se donne les moyens matériels et humains de son fonctionnement et du respect de ses décisions. Après les procès de Nuremberg et de Tokyo, la justice internationale a été pratiquement mise en veilleuse pendant près d’un demi siècle, ce qui, n’a cependant pas empêché les réflexions sur les voies et moyens de lui redonner vie en créant une juridiction pénale internationale unique. En effet, les projets de statut, conçus dans ce sens par la commission du droit international, sur instructions de l’Assemblée générale, gelés pour cause de guerre froide, repris après 1990, ont été discutés, amendés, enrichis au sein des comités par l’apport des Etats et des organisations de défense des droits de l’homme pour donner en fin de compte naissance le 17 Juillet 1998 au traité fondateur de la cour pénale internationale. Quelques années plus tôt, les événements douloureux survenus en Ex-Yougoslavie et au Rwanda ont amené le conseil de sécurité à créer deux tribunaux pénaux internationaux qui ont contribué aussi à la renaissance de la justice internationale.
Les trois juridictions internationales mises en place avec la volonté de l’ONU sont des institutions emblématiques de la justice internationale, dont sans aucun doute, le monde d’aujourd’hui a besoin pour une dissuasion génératrice de paix. Les juges de ces juridictions sont évidemment indépendants, conscients de leur devoir de dire le droit et de la nécessité d’une coopération juridiciaire internationale à toute épreuve, en vue de la mise en œuvre de leurs décisions. Il ne devrait raisonnablement pas être question pour le conseil de sécurité, agissant au nom de la communauté internationale de rester quasiment inactif quant au respect des décisions de justice de ces juridictions. En d’autres termes, une obligation de résultat s’impose pour ce qui est de la sauvegarde de la dignité humaine, et il serait normal que dans les circonstances difficiles le soutien de l’ONU ne fasse pas défaut. Ce que l’on demande à celle-ci, ce n’est pas de s’immiscer dans les questions purement juridiciaires, mais plutôt de faire en sorte que l’œuvre de justice de ces juridictions internationales ne soit pas débridée et que soient prises, si besoin est, des résolutions pertinentes engageant la communauté internationale. Il ya depuis quelques jours, une défiance inacceptable de la part du Président Soudanais qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la C.P.I. depuis le 04 mars 2009.
Ce chef d’Etat a effectué un certain nombre de voyages sans être inquiété par les Etats où il s’est rendu, parce que ces derniers n’ont pas ratifié le traité de Rome de la C.P.I. La résolution 1593, renvoyant la question du Darfour devant la juridiction pénale internationale a manqué de fermeté, en ce sens que d’un côté, elle trouve normal que les Etats parties respectent leurs engagements envers la C.P.I., et de l’autre, elle exhorte les Etats non parties à coopérer. Une exhortation n’étant pas une obligation, une contrainte, il n’est pas étonnant que ces Etats qui n’ont pas ratifié le traité de Rome se refusent à arrêter Omer EL Béchir. La résolution aurait dû être libellée en termes contraignants pour tous les Etats sans exception, parce que l’enjeu, c’est la paix et la sauvegarde de la dignité des populations du Darfour.
Il convient d’insister sur le principe, selon lequel, le conseil de sécurité qui a déféré, la question du Darfour aux juges de la C.P.I devrait les aider à faire aboutir leur récente décision d’arrêter le Président Soudanais, puisqu’ils ne disposent pas d’une armée, ni d’une police. Ce n’est donc pas normal que cet organe de l’ONU continue de garder le silence face au fait que Omar El Béchir défie carrément la C.P.I et la communauté internationale. Une telle situation choque profondément et inquiète sérieusement bon nombre d’observateurs qui ne sauraient oublier que les victimes de graves exactions au Darfour ont droit à trois choses : vérité, justice et réparation.
En cette première décennie du 21è siècle, le conseil de sécurité agissant au nom de l’ONU, doit prendre la résolution d’agir avec plus de détermination en matière de justice internationale dont le but est de protéger les populations opprimées. Il y parviendra en apportant un soutien indéfectible aux juridictions qu’il a lui-même contribué à mettre en place et en obligeant tous les Etats sans exception à coopérer sous peine de sanctions ciblées. Car encore une fois, l’enjeu c’est la paix, la sécurité et la sauvegarde de la dignité humaine partout dans le monde. Et c’est l’ultime raison d’être de l’ONU.
Par Jean-Baptiste GNONHOUE
Président de la Coalition Béninoise pour la Cour Pénale Internationale