Trois ans de gestion de Boni Yayi dans le secteur culturel

Le regard des artistes sur la gestion faite du milliard culturel

Jean Adagbénon artiste musicien

C’est une très bonne chose d’avoir un milliard à la culture. Ce n’est pas suffisant. Mais si c’est mieux géré, on peut voir devant. Quand on dit culture, on met la musique, le théâtre, la danse, les écrivains et les plasticiens.

Quand vous prenez tout ça, pour un milliard, vu l’évolution qu’on veut avoir, ça fait deux cent millions. Deux cent millions en douze mois, ce n’est pas beaucoup. […] On ne voit pas, on ne sent pas, ce que le milliard a servi.
On est dans la deuxième année. Il y a eu un premier milliard. On ne sait pas si réellement il y a eu un milliard. A quoi a t-il servi? C’est la question que tout un chacun se pose. Il n’y a pas eu de grands festivals ici, malheureusement. Il y a eu le Fitheb qui a quand même nécessité une grande partie de ce milliard. Il y a eu de petits festivals qui je peux dire, leur budget ne sont pas de grands budgets. A quoi a servi réellement le milliard ? Combien d’artistes sont sortis ? Peut être il y a eu des studios qui ont bénéficié, j’aurais appris dans les coulisses. Mais quand par trimestre, deux cent cinquante millions sont libérés, combien d’artistes béninois ont t-ils voyagé dans les festivals étrangers ? Combien d’albums sont sortis et qui ont fait feu ici et ailleurs et qui ont été soutenus ? Qu’on ne se leurre pas. On a vraiment besoin que notre culture sorte de l’ornière. On ne peut pas avoir un milliard et ne pas avoir de visibilité.
Il faut qu’il y ait dans une année, des choses grandioses. Je sais que la direction du fonds d’aide à la culture est entrain de penser à cela. Il y a une offensive politique que le Bénin fait mais qui n’est pas suivie d’une offensive culturelle. Cette offensive culturelle doit passer nécessairement par des festivals à l’intérieur et à l’extérieur, par des productions discographiques, de grandes rencontres comme par exemple le Fitheb.
Il faut les recycler de temps à autre, les organisateurs, même privés, qui ont des studios. Y mettre de l’argent; les aider en de bons matériels. L’année dernière, je ne sais pas si c’est le fonds d’aide qui a aidé musigerme pour former des gens. Mais il ne faut pas que ça s’arrête là. Si le son n’est pas compétitif, ce n’est pas bon. Le son ivoirien, il est bien consommé ici, le son sénégalais, congolais. Il faut alors que notre son égalise les sons venants de là-bas, et qu’on donne le moyen aux créateurs parce que si les gens ne créent pas de bonnes œuvres on ne peut pas avancer.

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Il faudra regarder sur l’échiquier national. Il y a un certain nombre d’artistes qui produisent de bonnes œuvres.  A ces gens là, on doit pouvoir dire, voilà, on vous donne ce budget. L’année prochaine, tu sais que tu dois produire un album. Disons en un an et demi ou en deux ans, tu dois produire un album. Et on te donne un certain nombre de millions qui sont là et que tu dois utiliser. Tu ne peux que produire un bon album. Ça va inciter les jeunes qui sont trop pressés et ils font de piètre figure.
Le fonds d’aide à la culture ne peut pas être de l’argent qu’on met dans les véhicules, dans le mobilier. De l’argent qu’on met pour payer les frais supplémentaires de tel ou tel mais c’est de l’argent qui va réellement à la culture.
Pour mon album «Cê bo», le ministère est venu au soutien avec cinq cent mille francs. Je n’ai pas déposé de dossier aux fonds d’aide à la culture parce que je n’avais pas l’information. Le ministère de la culture devrait avoir une plate forme internert sur laquelle il envoie des informations. Ou bien il peut le faire et l’afficher comme les appels à candidatures et autres, ou comme on voit les communiqués défilés au niveau des télévisions pour permettre à tout le monde de déposer les dossiers
Je ne vais pas parler seulement de musique. Il faut aussi parler des dramaturges. Il faut des ateliers de formation pour eux aussi, pour les plasticiens. Ou bien, qu’il y ait des rencontres qui permettront de dégager une autre synergie, une autre orientation. […] Il faut aider les artistes, les groupes qui vont dans des festivals. Ce n’est pas beaucoup d’argent. Payer au moins leur billet d’avion. Ça peut coûter dix millions. Ce n’est pas grave. Ça fait dix millions pour des gens qui vont vendre le Bénin. Cela peut gagner beaucoup d’argent pour le tourisme. Parce que moi je me rappelle quand j’allais jouer en France. Des français me disaient: mais on ne connaît pas le Bénin. Je ne faisais que de vanter le Bénin. Il y a eu des gens qui sont venus au Bénin parce qu’on en a parlé. L’année dernière, il y a eu au moins soixante architectes qui ont quitté Estran Province  et autres pour venir au Bénin parce qu’on avait été joué là-bas. Il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut pour que les choses bougent.
Voilà quelque chose que le fonds d’aide ne fait pas. On sait qu’il n’y a pas de grandes scènes. Mais les petites scènes qui existent à Cotonou, Porto-Novo, Parakou, Comè et dans nos villes, il faut les recenser. Qu’on donne une subvention à ces maisons à chaque fin du mois ou bien chaque année. Que cette subvention permette de payer les prestations des artistes.     

Rafiy Smith Okefolahan artiste plasticien-photographe  

Moi, je n’ai pas une grande satisfaction de la gestion du milliard culturel du moment où on ne maîtrise pas la clé de répartition. Les plus bénéficiaires, c’est les musiciens à travers des spectacles à droite à gauche et aussi quelque comédiens qui ont tapé du point sur la table. Et nous qui n’avons pas eu la force de taper du point sur la table, nous n’avons rien eu. Je parle des plasticiens. Des marginalisés dans le monde artistique.
Mon expérience, je l’ai eu par rapport à la biennale des arts contemporains de Dakar où ont devrait participer. On n’a été invité pour participer au off. On a fait un dossier. J’ai mobilisé les amis qui étaient déçus du milliard culturel. Je leur ai remonté le moral. Je me suis sacrifié et j’ai demandé seulement la contribution de l’Etat pour qu’on puisse assister à cet événement. Malheureusement, notre dossier a été jeté à droite à gauche. On a dû se serrer les cuisses. D’autres ont vendu ce qu’ils ont de plus cher juste pour représenter le Bénin à cet événement. J’ai vendu ma moto. J’ai prêté de l’agent à gauche à droite. Je me suis endetté parce que j’étais le meneur du groupe et on est parti.
Donc, je peux dire que le milliard culturel ne concerne pas encore les plasticiens. Peut être que c’est les musiciens. Ceux qui chantent bien le gouvernement. C’est pour les griots du gouvernement. Nous, on est pas griot. Donc, on ne nous voit pas. Pour moi ça n’existe pas encore, le milliard culturel.
Je dis que même la base est fausse du moment où depuis qu’on a voté le milliard culturel, tous les conseillés culturels, les attachés du ministre, les directions qui se sont créées au tour, qui ont commencé déjà par s’acheter des 4×4, des grandes voitures. Et tout ça, c’est dans le milliard. Alors, je me dis c’est quoi la clé de répartition du milliard culturel. Si on a voté ce milliard, c’est pour l’émergence de la culture du Bénin. Mais on achète des grosses voitures. On se permet de faire des tournées qui n’existent pas et puis on empoche les perdiems. Quand je pense chaque fois à comment les gens gèrent les choses au Bénin, ça me fait mal au cœur. Ce que je demande, pour cette fois ci, si l’argent n’est pas encore emboué dans quelque chose, que ça soit réparti équitablement, d’une manière saine. Je ne demande pas qu’on me donne. Je ne veux même pas. Mais que ça soit réparti d’une manière ferme pour que l’art et la culture du Bénin rayonnent.
Ce qui est sûr, moi je crois au jugement dernier. Et comme on le dit, c’est la fin qui justifie les moyens. On va s’asseoir. Ceux qui ont la gestion du milliard culturel, ceux qui bénéficient et ceux qui travaillent pour l’émergence de l’art au Bénin. On va s’asseoir un jour et on va discuter.

Ange Houndéton artiste plasticien

Je trouve très bien que l’Etat béninois ait octroyé un milliard au secteur de la culture. Il faut que sa gestion soit efficace pour qu’on puisse réellement avoir un résultat positif. Je trouve qu’il y a certaines choses à corriger. D’abord, il faudra que la direction du fonds d’aide à la culture revoie son système de communication autour de ce fonds. Car, j’ai l’impression que l’information est concentrée à Cotonou. Moi, je vie à Porto-Novo. Ce sont ceux de là-bas qui sont dans des associations ou réseaux à Cotonou, qui ont l’information, qu’ils gardent en secret pour eux et leurs associés. Il faut appartenir à une association avant d’être au courant de ce qui se passe à la direction du fonds d’aide à la culture. Au sein des associations, il y a un autre problème qui se pose. La jalousie. Du coup, l’information ne parvient même pas à tous les membres d’un même groupe.

Autre chose que je peux dire par rapport à la gestion du milliard culturel, c’est qu’il faudra qu’on enlève la politique de l’art. Aussi, faudra t-on arrêter la «béninoiserie» qui, ne nous permet pas de dire la vérité. Car, si on doit se baser parfois sur telle ou telle relation dans l’étude des dossiers, le milliard culturel n’aura pas servi à quelque chose digne du nom. Il faut qu’on cesse avec le système de pierre sur les dossiers avant que cela ne passe.
Mais ça change. Le système recule peu à peu dans le secteur de la culture. Les gens ont compris que l’Art évolue donc il faut finir avec d’anciennes et salles méthodes qui arrièrent le développement des arts et culture au Bénin.
Au-delà, que les anciens artistes permettent aux jeunes de bénéficier du milliard culturel. Je veux parler des jeunes qui ont vraiment du talent et qui ont un projet porteur. Il ne s’agit pas de ceux-là qui se laissent trop à la facilité et qui pensent qu’il suffit de monter n’importe quoi pour prendre de l’argent.
Je proposerais également que la direction du fonds d’aide à la culture définisse si possible, le nombre de fois ou jusqu’à quel pourcentage, un artiste peut jouir de ce fonds.             
 
 Propos recueillies par Blaise Ahouansè

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