Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC

Effets pervers d’un mode de gouvernance politique

Beaucoup de nos concitoyens se posent la question de savoir s’il est vrai que notre Président de la République en arrive des fois à se demander quelle mouche l’a piqué pour qu’il accepte de devenir le Chef de l’Etat d’un peuple aussi déconcertant que le peuple béninois.
La semaine passée, beaucoup de journaux ont rapporté les confidences qu’il a eu à faire à un groupe de cadres chrétiens : « si j’étais le seul engagé dans le changement, il y a longtemps que le Bénin aurait changé ! » Pour sûr, comme le Christ à plusieurs reprises dans les Evangiles, Boni YAYI se désespère de ce peuple au cou raide gangrené par la corruption dans toutes les pores de son corps, « une engeance de vipères » que comme le Fils de l’homme avant lui, il se désespère de conduire au salut ! Changement et émergence, le père de la Nation y croit sûrement,  mais manifestement il est le seul ; car son entourage s’en soucie comme d’une guigne lors donc que ces affidés ont réussi à tirer leur épingle du jeu en se faisant caser quelque part. Et vive les surfacturations et toutes ces magouilles que notre "incorruptible" est incapable de sanctionner ou d’enrayer ; au  risque de se mettre tout le Bénin sur le dos. Il n’est pas le seul dirigeant du Renouveau démocratique à faire le même constat de son impuissance devant cette endémie qu’est la corruption. Le sémillant et frétillant Premier Ministre de la Transition, l’orgueilleux Hercule dont l’ambitieux programme de lutte contre la corruption (rendre gorge aux pilleurs de l’économie nationale) avaient amené ses partisans à le baptiser « l’homme de la situation », avait aussi tiré la conclusion, après l’échec de la commission AMOUSSOU KPAKPA, que décidément les pesanteurs socio-anthropologiques ne permettront jamais à un Chef d’Etat de ce pays, de réussir une prétendue lutte contre la corruption. Parce que la corruption ou ce qu’on nomme comme telle s’est totalement enracinée dans l’âme africaine en général, béninoise en particulier.
Cependant Boni YAYI, contrairement à ses deux prédécesseurs, a instauré une logique nouvelle dans la conduite des affaires de l’Etat : celle qui consiste à affaiblir notablement et même à discréditer la fonction ministérielle, autrefois une sinécure et une rente de situation de moins cinq ans au moins sous le Président Nicéphore SOGLO et le Général Mathieu KEREKOU. Dans le Bénin actuel, aucun cadre nommé ministre ne peut plus en mettre plein la vue à ses concitoyens et les écraser par sa superbe et ces prétentions à des passe-droits qui en feraient un citoyen à part, un aristocrate envié, au passage de qui tout le monde courbe l’échine et s’abaisse en des salamecs indignes par la dose de larbinisme qu’ils véhiculent : « Oui, Monsieur le Ministre ! Bonjour Monsieur le Ministre ! »
 Le Président Boni YAYI a totalement et définitivement démythifié la fonction ministérielle. Mais ne jubilons pas trop vite. Une telle désacralisation de la fonction de ministre, malgré que des émoluments mirobolants consolent les satrapes détrônés et déchus de moult privilèges occultes, a eu des effets pervers qui ont fini par fragiliser le régime du changement. Voyons donc ! Si les vizirs du roi ne sont plus des caïds craints ou admirés, le roi court lui-même le risque d’être considéré comme un bouffon inoffensif. D’où ces trois conséquences socio-politiques prévisibles :
1)    Le régime du changement donne l’impression d’une instabilité notoire. On se perd vite dans l’énumération des noms de la soixantaine d’hommes et de femmes qui ont occupé la fonction ministérielle sous Boni YAYI, alors que la plupart des Béninois vous égraineront gaiement les noms de tous les ministres des gouvernements successifs du Président SOGLO.
2)    Tous les ministres étant placés sur un siège éjectable à durée de vie indéterminée en ce que sous le Changement, on peut être ministre pendant trois mois, six mois, neuf mois, un an, deux ans ou plus suivant l’humeur du Chef, rivalisent d’ardeur ou de gesticulations ubuesques pour montrer qu’ils travaillent ; même si les résultats obtenus sont manifestement en dessous des réalisations attendues d’un tel département ministériel.
3)    Tout ce beau monde rivalisent de même d’une ardeur fébrile pour attirer l’attention du Chef et lui montrer qu’on a sous son "hégémonie politique" tous les gens de sa commune au moins, qu’on draine au besoin pour aller remercier le grand bienfaiteur qui a nommé comme ministre un fils du terroir. A défaut, on organise moult meetings de remerciements.
D ans ce jeu de surenchères, il est fatal que se produisent des dérives aussi regrettables que dangereuses, du genre de celles dont s’est rendu coupable le jeune ministre Nicaise FAGNON à Dassa le samedi 2 mai 2009.     

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