Le Bénin, en la matière, ne constitue pas une exception : le pouvoir politique et la presse, tous médias confondus, en tous temps et en tous lieux dans le monde, ont entretenu et entretiennent des rapports ambigus. C’est d’abord qu’il s’agit de deux pouvoirs habités par le souci de s’affirmer en délimitant leur territoire respectif.
L’un, en l’occurrence le pouvoir politique, est à regarder comme gestionnaire des intérêts souvent contraires des diverses forces à l’œuvre dans une société. L’autre, le pouvoir médiatique, se veut le garant du droit du public à savoir, à comprendre et à se rendre apte à faire des choix informés.
Le pouvoir politique a prioritairement un besoin de communication. Cela consiste à ne retenir comme méritant d’être dit ou d’être su à son sujet, par toutes les ficelles articulées de la propagande, que ce qui le valorise et soigne son image. Le pouvoir médiatique a prioritairement un souci d’information. Cela consiste à répondre, favorablement à l’exigeante demande des populations à savoir.
Quand il n’y a ni collusion ni compromis entre les deux pouvoirs, car cela arrive plus souvent qu’on ne le pense, et ce sont toujours les populations qui en font les frais, chacun se regarde à partir de son territoire, anticipant les faux pas possible de l’autre. Rare, dans ces conditions, que les deux pouvoirs tiennent en équilibre stable ou vivent en coexistence pacifique. L’un a intérêt à cacher quelque chose. L’autre a intérêt à tout dévoiler. Le clash est alors inévitable.
Le pouvoir politique a une approche sélective et manipulatrice de l’information. Ce qui le porte tout naturellement, sous le couvert de « l’intérêt supérieur de la nation » du « secret d’Etat » ou du « secret défense » à faire de la rétention de l’information. On dit et on montre ce qui vous valorise à coups de gros plans et d’arrêts sur image et on oublie tout le reste.
Le pouvoir médiatique est fort et riche de ce qu’il révèle et dévoile. D’où la nécessité d’informer le public le plus complètement et le plus honnêtement possible. D’où la nécessité, pour le journaliste d’aller au bout de sa quête d’information comme s’il s’investissait à accomplir une mission sacrée. Il n’a le doit ni de biaiser ni de tricher.
Une presse qui s’attache ainsi à tout dire ou qui cherche à le faire est, à tout le moins, dérangeante pour un pouvoir politique attaché à ne voir, à n’entendre ou à ne faire dire ou à ne montrer que ce qui l’arrange. Difficile, pour le pouvoir politique, notamment dans nos pays, d’accepter de perdre l’initiative, pour ne pas dire la face. Le pouvoir politique croit toujours disposer d’assez de moyens pour s’imposer et en imposer à tous.
Pourtant, à y regarder de plus près, le pouvoir politique n’a pas besoin de mordre sur l’espace de la presse dans le dessein de la museler, de la caporaliser ou de l’instrumentaliser si ce pouvoir s’attachait à maîtriser les deux piliers de l’action publique que sont la reddition de compte, dans un souci de transparence et la communication efficace et pertinente qui conduit à dire ce qu’on fait et à faire ce qu’on dit.
De son côté la presse n’a pas besoin, pour accomplir sa mission d’information, de s’ériger en un pôle d’opposition. Elle sortirait de son rôle si elle se réduisait à ferrailler à propos de tout et de rien contre le pouvoir politique, à épouser des querelles qui ne sont pas les siennes, à jouer les « Django » de service qui tire sur tout ce qui bouge.
Sur le terrain de l’action, en nous situant par rapport à l’ère du Renouveau démocratique, les Présidents, Nicéphore Soglo, Mathieu Kérékou, Boni Yayi, chacun avec sa personnalité, sa sensibilité, sa connaissance et sa compréhension des médias a eu à tisser avec la presse différents types de rapports.
Nicéphore Soglo, a une approche très élitiste des choses. Il ne trouvait pas alors notre presse à la hauteur des enjeux du moment. Ces animateurs passaient à ses yeux pour des « écrivaillons ». L’injure et le dédain ont dominé les rapports entre le pouvoir et la presse.
Mathieu Kérékou demandait à la presse de le couvrir d’injure et d’opprobre, si c’était le sacrifice à consentir pour que ce journalisme de caniveaux nourrisse son homme de journaliste. Cela a tout l’air de faire dans le mépris et dans l’indifférence.
Quant à Boni Yayi, il est déjà pour un journaliste de la place « L’intrus qui connaissait la maison ». Mais pour le gros de la troupe, il est et reste l’intrus qui ne connaît pas le chemin qui conduit à la Maison des Médias. Est restée sans réponse la demande d’audience à lui adressée par les associations professionnelles, demande datant de près de trois ans. Méfiance ou réserve ? Nous sommes à l’écoute du Palais de la Marina.
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 7 mai 2009