De la pertinence d’une opposition dans un régime presidentialiste africain

Les thèses que je défends dans cette chronique ne sont pas contemporaines du régime du changement. Elles ne sauraient donc être interprétées, sans méprise grave, comme un soutien idéologique à ce régime.

Elles sont au contraire le fruit de longues cogitations d’un spécialiste de sciences sociales, observateur de la vie politique dans les Etats post-coloniaux d’Afrique. Comment donc peut-on être opposant quand tout le monde cherche à bénéficier des faveurs ou des largesses du pouvoir ?  Qui donc est assez fou pour se déclarer ouvertement opposant à ces pouvoirs par définition enclins au despotisme ? Ce faisant, l’opposant africain prend des risques énormes et se met ouvertement à dos toute la machine répressive de l’Etat néo-patrimonial, sans préjudice du fait qu’il s’exclut lui-même de tous les avantages dont bénéficient habituellement les proches et les affidés du régime.

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Il y a à ce niveau un suivisme grave des mœurs politiques françaises ;  l’opposition n’a vraiment de sens que dans un régime parlementaire ou semi- parlementaire, résultante finale  d’une longue histoire politico-institutionnelle et des mouvements sociaux dans la vielle Europe. L’opposition est donc avant tout parlementaire. Dès lors, une opposition dans un régime présidentiel, type de régime courant dans la plupart des pays africains, n’a pas de sens ; dans la mesure où, comme aux Etats-Unis où tout le jeu politique se cantonne au Congrès, on ne peut vraiment pas appeler opposition le fait que le Parlement refuse de voter automatiquement un projet de loi de l’Exécutif. D’ailleurs, le régime présidentiel n’a pas besoin de faire des salamecs aux représentants du peuple qui eux tiennent directement leur mandant du suffrage populaire lors donc que le peuple est le seul dépositaire de la souveraineté nationale. Cela veut dire que le rôle des parlementaires dans ce régime de séparation des pouvoirs, est de voter, en leur âme et conscience, les lois dans l’intérêt du peuple qui les a mandatés pour le représenter. Quitte au chef de l’Exécutif qu’est le Président de la République à les appliquer, au grand bonheur du peuple qui est le seul gagnant dans cet exercice. Quand il arrive que la majorité parlementaire est issue de la  même origine politique que le Chef de l’Exécutif, ne nous faisons aucune illusion : c’est le peuple et donc la démocratie qui est perdant.

Or, une majorité parlementaire défavorable au Président de la République, chef de l’Exécutif, n’induit pas du tout que les autres acteurs politiques non membres du Parlement sont opposés à la politique du Président de la République. Car il y a souvent une majorité politique au sein du peuple qui lui est favorable, d’autant plus facilement qu’en Afrique, personne au sein des masses populaires ne veut nullement se mettre à dos le pouvoir en place ; au risque d’être marginalisé dans la redistribution des avantages publics (routes, établissements de soins, écoles, prêts de micro-crédits).

Dans ces conditions où une opposition au régime en place n’en est pas une au Parlement et est même souhaitable pour que cette institution puisse jouer véritablement son rôle de contre-pouvoir, dans la mesure où au sein du peuple personne n’ose prendre le risque de s’opposer au régime pour ne pas en subir les désagréments, surtout dans les régimes présidentialistes africains, où se trouve donc une vraie opposition politique ? Nulle part. Cessons donc de nous leurrer. Il y a certes des escarmouches au Parlement, il y a des affrontements à fleurets mouchetés entre une majorité parlementaire et une minorité parlementaire : dans l’intérêt supérieur du peuple. A part cela, une vraie opposition politique, par exemple contre le régime du Président Boni YAYI, a du mal à se vertébrer. Les G4, G13 et Force Clé ne sont donc « opposants » qu’au Parlement. Dans la population, à part deux sorties (12 mars 2008 à Cotonou et 28-29 novembre 2008 à Abomey-Bohicon), c’est le silence total et une absence complète de manifestations politiques pour mobiliser le peuple à s’opposer régime en place; alors que les affidés de ce régime ne manquent aucun week-end pour ameuter les masses à…reconduire Boni YAYI en 2011 !

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La conclusion coule de source. Cherchons autre chose en Afrique que de vouloir copier un style de vie politique qui n’a de sens que dans la dynamique parlementaire, celle de tous le pays européens et surtout de notre grand modèle : la France. Démocratie apaisée, décrispée, participante ou gouvernance inclusive, concertée, d’accord ! Cherchons toujours et nous trouverons un modèle politique au-delà de l’idée-fixe stérile d’une opposition qui ne saurait exister, en ce que le peuple béninois ne s’y retrouve pas.               

Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur  l’UAC
Damyeye.unblog.fr

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