La rengaine est connue. Sur les 49 ans de notre accession à la souveraineté internationale (indépendance), les hommes politiques originaires du "Nord" ont occupé la magistrature suprême pendant 44 ans, avec 28 ans pour le seul Général Mathieu KEREKOU. Nous ne sommes plus en face d’une coïncidence ;
il s’agit là au contraire d’une régularité, c’est-à dire d’un fait socio-anthropologique qui dans son déroulement obéit à une loi et mérite de ce fait une approche scientifique. Deux paramètres sont à prendre en compte en l’occurrence ; l’un est anthropologique, l’autre sociologique. Sur le plan anthropologique, nous avons affaire à des modèles culturels "traditionnels" encore prégnants au niveau des populations du "Nord ". A ce sujet, on dit souvent que le "Nord" vote le sang alors que le "Sud" est plus déterminé dans ses choix par des intérêts égoïstes. Nous connaissons les paradigmes dominants en la matière, solidarité mécanique d’un côté, solidarité organique (prédominance de la combinatoire des intérêts dans le tissage des alliances) de l’autre ; ou sens communautaire plus développé au "Nord", alors que le "Sud " plus socialement évolué, donc plus individualiste, a plutôt une "conscience de classe " ou d’intérêts. Nous assistons ainsi à cette dynamique socio-politique particulière qui a caractérisé le demi-siècle de notre évolution politique. Aussi, à cause de ses intérêts stratégiques, Sourou MIGAN APITHY s’était-il plutôt allié à Hubert Koutoukou MAGA dont il avait favorisé l’accession à la primature en mai 1959 et à la magistrature suprême en 1961. Par contre, à cause précisément de leurs intérêts stratégiques divergents, APITHY et AHOMADEGBE-TOMETY n’ont pu s’entendre bien longtemps au sein de l’alliance PDD-Wologuèdè (1964-1965).
Trois officiers supérieurs du Sud, tous fon par ailleurs et donc tous trois originaires du même berceau Adja-Tado, et ayant le même ancêtre éponyme AGASSOU, ont fait un coup d’Etat en 1972. Mais se méfiant l’un de l’autre, ils ont préféré confier le pouvoir à un officier "somba" (nous sommes en 1972 où cette appellation gbobalisante avait encore cours), qui avec l’intelligence des situations qui le caractérise, a su habilement exploiter leur défiance l’un envers l’autre, pour les éliminer un à un ! L’Histoire se répétera en 1996 où tous les hommes politiques de la partie méridionale du pays, la plupart fon comme le Président de la République d’alors Nicéphore SOGLO, iront rejoindre leurs congénères du "Nord" frustrés que ce ne fût point l’un des leurs qui comme d’habitude dirigeât notre pays, pour hisser à la magistrature suprême le Général Mathieu KEREKOU qui sans coup férir fera encore 10 ans après 18 ans déjà à la tête de l’Etat béninois ! Surtout MM. Adrien HOUNGBEDJI et Bruno AMOUSSOU qui étaient les faiseurs du roi incontournables, s'étaient joints à la conjuration pour conforter «la politique de l’échec» !
L’explication courante de cette constante dans notre vie politique est que les hommes politiques du "Nord" paraissent plus malléables, plus complaisants que leurs homologues du "Sud" à qui ils laissent volontiers faire la pluie et le beau temps une fois qu’ils sont parvenus au pouvoir de leur fait. Alors, pourquoi le Docteur Boni YAYI n’a-t-il plus la même baraka ? Ne nous méprenons pas : Nicéphore SOGLO est passé par là. C’est lui qui par le biais de l’Alliance Wologuède, a mis à profit son charisme pour regrouper autour de sa personne le fameux G4 auquel Force Clé ne pouvait pas ne pas se joindre. D’abord, il s’agissait de faire semblant de soutenir Boni YAYI ; mais très tôt le leader charismatique de la Renaissance du Bénin annonça les couleurs. Et ce regroupement G4 et Force Clé, a toutes les chances d’être un groupe irréductiblement opposé à Boni YAYI qu’il a contribué à affaiblir notablement. Cependant, contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre, ce beau monde ne s’est pas groupé comme un seul homme autour de la candidature de Maître Adrien HOUNGBEDJI. On ira probablement aux élections générales de 2011 en rangs dispersés. Evidemment, dans cette atmosphère d’incertitudes, le vieux démon du tropisme vers un homme politique du "Nord" reprend le dessus.
On est en train de loucher sérieusement vers Abdoulaye BIO TCHANE. Si ce n’est pas le Borgou, ce sera la Donga. Par les grands dieux, où est le progrès dans tout ça ? Qu’on me comprenne bien. Les gens de mon niveau d’éducation et de culture se foutent pas mal que soit un citoyen du "Nord" ou du "Sud" qui dirige ce pays. Mais si c’est toujours le "Nord", il y a là une source d’anomie qui à la longue risque de produire son effet boomerang inévitable : le régionalisme contre les hommes du "Nord " qui seront perçus à tort ou à raison comme accaparant toujours le pouvoir au dépens de leurs concitoyens du "Sud".
Dénis AMOUSSOU-YEYE, professeur à l’UAC
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